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vendredi 4 novembre 2016

Parution : L'École de demain (J.Michel Blanquer)



Prochainement, ma recension de ce livre. En attendant, je vous propose un article de Marie-Caroline Missir :



Source : Le Mammouthologue

Jean-Michel Blanquer, ministre de « L’École de demain » ?


Il est des livres qui accusent et qui détruisent l’école, il y en a d’autres qui proposent et espèrent. Le dernier livre de Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’ESSEC et ancien numéro 2 du ministère de l’Éducation nationale est de ceux-là. L’École de Demain (Odile Jacob) trace une voie originale de transformation du système éducatif qui se veut résolument optimiste, confiante dans la capacité de chaque être humain à apprendre et à se dépasser, balayant tranquillement les clivages et querelles idéologiques sur l’école.

Et c’est précisément dans ce positionnement dépassionné que les propositions esquissées par Jean-Michel Blanquer font mouche. Il ne s’agit pas ici de régler des comptes avec la majorité en place, ni de dénigrer de façon systématique l’action éducative de la gauche pour un haut fonctionnaire ayant servi sous la droite, au nom d’une forme de libéralisme à calquer sur l’école. Ce qui est intéressant dans la démarche du directeur de l’ESSEC, c’est le caractère méthodique de sa pensée et de sa façon de concevoir l’action publique. Le livre est ainsi découpé en plan d’action pour l’école primaire, le collège et le lycée. Les propositions d’action à chacun de ces niveaux découlent d’une analyse de la situation, d’une mise à l’épreuve des comparaisons internationales puis de la science d’où l’auteur tire, en dernier lieu, une dizaine de mesures clé.

Cela vous paraît sans doute très logique. Justement non. Aucune politique publique sur l’école ne se conçoit aujourd’hui de cette manière, avec cette démarche intellectuelle en trois temps : où en sommes-nous ? qu’est ce qui marche ailleurs ? que dit la recherche ? La finalité de l’action publique en matière éducative n’est pas d’essayer à tout prix de faire rentrer l’école d’aujourd’hui dans les concepts de sa famille politique, mais bien d’inscrire l’école dans la modernité en prenant en compte notre histoire et nos spécificités et en mettant l’épanouissement de l’enfant et l’éducation à la liberté au cœur du projet.

Parmi les propositions à retenir, en commençant par le collège : l’autonomie de l’usage des horaires laissés aux établissements, le renforcement du pilotage pédagogique et managérial du collège et du lycée autour du chef d’établissement, l’évolution de l’inspection vers des audits d’établissements rendus publics et le « sas » d’intégration d’un mois à l’entrée en collège pour bien en comprendre les usages. Pour l’école primaire, l’accent est mis sur les savoirs fondamentaux avec 20 heures de cours dédiés en français et en mathématiques. L’ouvrage recommande la construction de ressources pédagogiques et l’évolution des pratiques en fonction des résultats de la recherche, et prône l’évaluation “transparente” des écoles en fonction des performances et des acquis des élèves. En outre, pour lutter contre la déperdition des apprentissages pendant les vacances scolaires, l’Éducation nationale mettrait en place des stages de remise à niveau pendant l’été. Au lycée, enfin, on retiendra le contrôle continu au baccalauréat pour la majeure partie des épreuves, à l’exception de « quatre matières fondamentales », et le transfert des lycées professionnels aux régions pour les connecter aux besoins économiques des bassins d’emploi. Pour les enseignants, les mesures proposées accompagnent logiquement le développement de l’autonomie des établissements : annualisation du temps de travail, travail en équipe, recrutements sur profil, allongement à 5 ans de la durée de présence dans un poste et formation continue renforcée via le digital.

Jean-Michel Blanquer propose dans un dernier chapitre d’accélérer la déconcentration des structures de gouvernance de l’Éducation nationale, en misant sur l’expérimentation locale, la contractualisation entre les établissements et l’académie, et en rapprochant les tutelles pédagogique (les inspections pédagogiques) et administrative (les IEN) à l’échelle d’une nouvelle entité la « circonscription scolaire », en charge de l’école fondamentale (école-collège).

Ces propositions font la synthèse de manière argumentée et méthodique de tout ce que les administrateurs l’Éducation nationale, qu’ils soient toujours en poste ou qu’ils l’aient été, défendent… parfois à bas bruit. La question qui se pose aujourd’hui est celle de leur faisabilité et on peut sans doute regretter que Jean-Michel Blanquer qui connait très bien ces difficultés ne propose pas, du moins dans ce livre, sa vision des leviers de changement à actionner au cœur de la machine “Grenelle” : comment négocier ces propositions avec les organisations syndicales ? Comment faire adhérer l’opinion et les professeurs à ce renversement de culture ? Comment résister à la pression du politique et aux impératifs de plus en plus prégnants de communication qui pèsent sur les cabinets ministériels et dévoient l’action publique ?

Enfin, le devenir de ces propositions sera à regarder avec attention. Jean-Michel Blanquer a été consulté et écouté par tous les candidats à la primaire des Républicains, sans se rallier à l’un d’entre eux. Le gagnant en fera-t-il son ministre en préférant un profil d’expert aguerri à un profil de pur politique ? La question est ouverte.

Marie-Caroline Missir

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