Prochainement, ma recension de ce livre. En attendant, je vous propose un article de Marie-Caroline Missir :
Jean-Michel Blanquer, ministre de « L’École de demain » ?
Il est des livres qui accusent et qui détruisent l’école, il y en a d’autres qui proposent et espèrent. Le dernier livre de Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’ESSEC et ancien numéro 2 du ministère de l’Éducation nationale est de ceux-là. L’École de Demain (Odile Jacob) trace une voie originale de transformation du système éducatif qui se veut résolument optimiste, confiante dans la capacité de chaque être humain à apprendre et à se dépasser, balayant tranquillement les clivages et querelles idéologiques sur l’école.
Et c’est précisément dans ce positionnement dépassionné que
les propositions esquissées par Jean-Michel Blanquer font mouche. Il ne s’agit
pas ici de régler des comptes avec la majorité en place, ni de dénigrer de
façon systématique l’action éducative de la gauche pour un haut fonctionnaire
ayant servi sous la droite, au nom d’une forme de libéralisme à calquer sur
l’école. Ce qui est intéressant dans la démarche du directeur de l’ESSEC, c’est
le caractère méthodique de sa pensée et de sa façon de concevoir l’action
publique. Le livre est ainsi découpé en plan d’action pour l’école primaire, le
collège et le lycée. Les propositions d’action à chacun de ces niveaux
découlent d’une analyse de la situation, d’une mise à l’épreuve des
comparaisons internationales puis de la science d’où l’auteur tire, en dernier
lieu, une dizaine de mesures clé.
Cela vous paraît sans doute très logique. Justement non. Aucune
politique publique sur l’école ne se conçoit aujourd’hui de cette manière, avec
cette démarche intellectuelle en trois temps : où en sommes-nous ? qu’est ce
qui marche ailleurs ? que dit la recherche ? La finalité de l’action publique
en matière éducative n’est pas d’essayer à tout prix de faire rentrer l’école
d’aujourd’hui dans les concepts de sa famille politique, mais bien d’inscrire
l’école dans la modernité en prenant en compte notre histoire et nos
spécificités et en mettant l’épanouissement de l’enfant et l’éducation à la
liberté au cœur du projet.
Parmi les propositions à retenir, en commençant par le
collège : l’autonomie de l’usage des horaires laissés aux établissements, le
renforcement du pilotage pédagogique et managérial du collège et du lycée
autour du chef d’établissement, l’évolution de l’inspection vers des audits
d’établissements rendus publics et le « sas » d’intégration d’un mois à
l’entrée en collège pour bien en comprendre les usages. Pour l’école primaire,
l’accent est mis sur les savoirs fondamentaux avec 20 heures de cours dédiés en
français et en mathématiques. L’ouvrage recommande la construction de
ressources pédagogiques et l’évolution des pratiques en fonction des résultats
de la recherche, et prône l’évaluation “transparente” des écoles en fonction
des performances et des acquis des élèves. En outre, pour lutter contre la
déperdition des apprentissages pendant les vacances scolaires, l’Éducation
nationale mettrait en place des stages de remise à niveau pendant l’été. Au
lycée, enfin, on retiendra le contrôle continu au baccalauréat pour la majeure
partie des épreuves, à l’exception de « quatre matières fondamentales », et le
transfert des lycées professionnels aux régions pour les connecter aux besoins
économiques des bassins d’emploi. Pour les enseignants, les mesures proposées
accompagnent logiquement le développement de l’autonomie des établissements :
annualisation du temps de travail, travail en équipe, recrutements sur profil,
allongement à 5 ans de la durée de présence dans un poste et formation continue
renforcée via le digital.
Jean-Michel Blanquer propose dans un dernier chapitre
d’accélérer la déconcentration des structures de gouvernance de l’Éducation
nationale, en misant sur l’expérimentation locale, la contractualisation entre
les établissements et l’académie, et en rapprochant les tutelles pédagogique
(les inspections pédagogiques) et administrative (les IEN) à l’échelle d’une
nouvelle entité la « circonscription scolaire », en charge de l’école
fondamentale (école-collège).
Ces propositions font la synthèse de manière argumentée et
méthodique de tout ce que les administrateurs l’Éducation nationale, qu’ils
soient toujours en poste ou qu’ils l’aient été, défendent… parfois à bas bruit.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de leur faisabilité et on peut
sans doute regretter que Jean-Michel Blanquer qui connait très bien ces
difficultés ne propose pas, du moins dans ce livre, sa vision des leviers de
changement à actionner au cœur de la machine “Grenelle” : comment négocier ces
propositions avec les organisations syndicales ? Comment faire adhérer
l’opinion et les professeurs à ce renversement de culture ? Comment résister à
la pression du politique et aux impératifs de plus en plus prégnants de
communication qui pèsent sur les cabinets ministériels et dévoient l’action
publique ?
Enfin, le devenir de ces propositions sera à regarder avec
attention. Jean-Michel Blanquer a été consulté et écouté par tous les candidats
à la primaire des Républicains, sans se rallier à l’un d’entre eux. Le gagnant
en fera-t-il son ministre en préférant un profil d’expert aguerri à un profil
de pur politique ? La question est ouverte.
Marie-Caroline Missir
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