Translate

vendredi 22 février 2013

Nous avons un problème de pédagogie !




Dans Le Monde daté du 21 février 2013, Antoine Prost publie une tribune percutante que nous reproduisons ci-dessous. Le constat est alarmant mais il est hélas vrai : le système éducatif français est défaillant. Depuis les années 2000 selon l’auteur, depuis les années 1970 selon moi. C’est-à-dire depuis que les pratiques d’enseignement inefficaces inspirées du constructivisme ont pris le dessus dans les programmes, dans les formations et dans les classes. Jusqu’à leur triomphe, avec la loi Jospin de 1989. Le temps que les derniers pédagogues récalcitrants partent à la retraite et nous voilà arrivés au seuil des années 2000. D’où la survenue des vrais dégâts éducatifs relevés par Antoine Prost à partir de ce moment-là.

Sa conclusion est d’ailleurs d’une rare clairvoyance : « Nous avons un vrai problème de pédagogie qui ne se résoudra pas en un jour. » Et pour cause ! Les mauvaises habitudes d’enseignement ont été prises depuis tant d’années qu’il sera difficile de les révoquer facilement, tant les idées fausses sur lesquelles elles reposent apparaissent comme des évidences pour de nombreux enseignants. Et ce, nonobstant les piteux résultats obtenus par leurs élèves.

La preuve ? La Pédagogie Explicite reste marginale, malgré les résultats sans équivoque des recherches les plus récentes et la montagne de données probantes qui en résultent. Aussi surprenant que cela paraisse, l’efficacité n’est toujours pas une priorité pour l’Éducation nationale ! Plus fort encore, d’aucuns considèrent sans rire qu’ils ne sont pas de simples “techniciens de l’enseignement” et revendiquent par conséquent leur droit à ne pas être efficaces.  Quand l’incompétence devient une vertu…

Tant que l’édifice éducatif continuera de reposer sur des croyances débiles, sur des idéologies avariées et sur les opinions d’incapables, le problème de la pédagogie se posera. Et de plus en plus. Ou plutôt, de pire en pire.





Antoine Prost

Le niveau scolaire baisse, cette fois-ci c'est vrai !


À force de crier au loup, c'est en vain qu'on appelle au secours s'il surgit... On a tellement dénoncé la baisse du niveau, alors qu'il montait, comme le montraient les évaluations faites à la veille du service militaire, lors des “trois jours”, qu'aujourd'hui l'opinion ne s'alarme guère, alors qu'il baisse pour de bon.
Il faut pourtant sonner le tocsin. Tous les indicateurs sont au rouge. Dans les fameuses enquêtes PISA, la France est passée entre 2000 et 2009, pour la compréhension de l'écrit, du 10e rang sur 27 pays au 17e sur 33.
La proportion d'élèves qui ne maîtrisent pas cette compétence a augmenté d'un tiers, passant de 15,2 %, à 19,7 %. En mathématiques, nous reculons également et nous sommes dans la moyenne maintenant, alors que nous faisions partie du peloton de tête.
Ces chiffres gênent : on les conteste. Ce sont des évaluations de compétences à 15 ans, qui mesurent indirectement les acquisitions scolaires...
Et pour ne pas risquer d'être mal jugés, nous nous sommes retirés de l'enquête internationale sur les mathématiques et les sciences. Mieux vaut ne pas prendre sa température que de mesurer sa fièvre.
Mais cela ne l'empêche pas de monter. Les données s'accumulent.
Voici une autre enquête internationale qui, elle, fait référence aux programmes scolaires (Pirls). Elle porte sur les compétences en lecture après quatre années d'école obligatoire, donc à la fin du CM1.
En 2006, sur 21 pays européens, la France se place entre le 14e et le 19e rang selon les types de textes et les compétences évaluées.
Les enquêtes nationales vont dans le même sens. Le ministère a publié une synthèse des évaluations du niveau en CM2 de 1987 à 2007 (note d'information 08.38).
Si le niveau est resté stable de 1987 à 1997, il a en revanche nettement baissé entre 1997 et 2007. Le niveau en lecture qui était celui des 10 % les plus faibles en 1997 est, dix ans plus tard, celui de 21 % des élèves.
La baisse se constate quelles que soient les compétences. A la même dictée, 46 % des élèves faisaient plus de 15 fautes en 2007, contre 21 % en 1997.
L'évolution en calcul est également négative. Le recul n'épargne que les enfants des cadres supérieurs et des professions intellectuelles, dont les enseignants.
Le dernier numéro (décembre 2012) d'Éducation et formations, la revue de la direction de l'évaluation du ministère, présente une étude sur le niveau en lecture en 1997 et 2007 : la proportion d'élèves en difficulté est passée de 14,9 %, à 19 %, soit une augmentation d'un tiers.
Un élève sur trois est faible en orthographe, contre un sur quatre dix ans plus tôt.
Il est urgent de réfléchir aux moyens d'enrayer cette régression. Les résultats convergents et accablants qui viennent d'être cités sont tous antérieurs à la semaine de quatre jours.
Qui peut soutenir qu'elle ait amélioré les choses ?
Cela dit, elle n'est pas seule en cause. Si l'on ne trouve pas les moyens de faire travailler plus efficacement les élèves, le déclin est inéluctable.
Le projet de Vincent Peillon donne opportunément la priorité au primaire, mais aucun ministre n'a de prise directe sur ce qui se fait dans les classes.
C'est aux professeurs des écoles et à leurs inspecteurs qu'il revient d'y réfléchir collectivement. Et le temps presse : nous avons un vrai problème de pédagogie qui ne se résoudra pas en un jour.

dimanche 10 février 2013

La déconfiture salariale des enseignants du Primaire



Le blog d’Éric Charbonnier, expert éducation à l’OCDE, contient un article très intéressant d’Estelle Herbaut (elle aussi spécialiste à l’OCDE) sur “Le salaire des enseignants français à la loupe”. J’en retire un certain nombre d’informations relatives aux enseignants du Primaire.

1/ En France, les enseignants en début de carrière ont un niveau de salaire nettement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Même après. Ainsi, après 15 ans d’ancienneté, les enseignants espagnols du Primaire reçoivent 10 000 $ US de plus (par an) que leur collègues français, soit au taux de conversion actuel plus de 600 € par mois !



2/ En France, après 15 ans d’ancienneté, les enseignants du Primaire gagnent 9 % de moins que ceux du Secondaire, tout en étant dans la même catégorie de la fonction publique. Le tout, hors primes et indemnités dont on sait que les enseignants du Secondaire en bénéficient alors que ceux du Primaire n’en ont pratiquement pas. Ce qui accroît considérablement l’écart sur le salaire net. Il existe pourtant des pays qui rémunèrent leurs enseignants de la même façon : l’Australie, la Grèce, l’Irlande, le Portugal, le Royaume-Uni et la Slovénie.

3/ En France, le temps de présence devant les élèves des enseignants du Primaire est de 30 % supérieur à celui des professeurs de collège. Ce qui s’interprète comme une différence de rémunération par heure de cours : c’est la France qui détient sur ce point le record de l’OCDE puisque la rémunération de l’heure de cours au Primaire est la moitié de celle du collège !

4/ En France, les enseignants gagnent beaucoup moins que les autres actifs diplômés de l’enseignement supérieur. Les enseignants du Primaire touchent à peine 73 % de ce qu’ils auraient perçu dans une autre profession à diplômes équivalents. Il y a pourtant des pays où les enseignants gagnent davantage, comme le Canada, la Corée, l’Espagne, le Luxembourg et le Portugal.

5/ En France, les salaires des enseignants ont diminué de 8 % (en prix constants) depuis une dizaine d’années. L’augmentation des débutants annoncée à son de trompe par le ministre Chatel en 2011 n’y change rien, puisque le calcul se base sur les salaires des enseignants ayant 15 ans d’ancienneté (qui, eux, n’ont pas connu la moindre augmentation). En revanche, dans la plupart des autres pays de l’OCDE, l’augmentation du salaire des enseignants a été de 20 % en moyenne « car de nombreux pays ont décidé d’investir massivement dans le salaire des enseignants pour retenir les meilleurs d’entre eux dans la profession ». Les gouvernements français n’ont pas eu ce genre de préoccupation !



La conclusion s’impose d’elle-même. C’est, en France, la baisse tangible et logique du nombre de candidats au concours de recrutement de professeurs des écoles. Celles et ceux qui réussissent à ce concours ont l’assurance de gagner moins, d’être mal formés au métier d’enseignant et de passer les premières années de leur carrière dans les écoles les plus difficiles. Belle perspective !

vendredi 8 février 2013

Info : Colloque international de Bienne (Suisse)





Nos amis Steve Bissonnette et Mario Richard, tous deux professeurs à la TÉLUQ, seront à Bienne, en Suisse, les 20 et 21 février 2013, pour participer à un colloque international ayant pour thématique “La professionnalisation des formations à l'enseignement en débat”.

Le mercredi 20 février, Steve Bissonnette et Mario Richard, en compagnie de Clermont Gauthier, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, traiteront de L'enseignement efficace : une démarche professionnalisante pour gérer les comportements et les apprentissages des élèves.

Enseigner efficacement implique d’enseigner explicitement mais également de gérer les comportements des élèves. La gestion de classe est intimement liée à l'acte d'enseigner puisqu'on ne peut prétendre parvenir à un enseignement efficace en restant centré uniquement sur le contenu.

Lors de cette communication, les trois professeurs présenteront d'abord un ensemble de stratégies qui permettent une gestion proactive de la classe puis ils verront de quelle manière ces stratégies favorisent l'apprentissage des élèves.

Ils présenteront également les grandes lignes de la démarche de formation continue en enseignement efficace offerte depuis 2009 aux enseignants de 7 des 20 collèges du Département d'instruction publique du Canton de Genève dans une perspective de développement professionnel.

Cela dit, toujours le jeudi 20 février, Steve Bissonnette et Mario Richard clôtureront cette première journée de colloque en présentant une conférence qui a pour titre Le soutien au comportement positif et l'enseignement efficace.

jeudi 7 février 2013

Les facteurs influençant la réussite scolaire





Environnement


Familial


Facteurs de risques
Facteurs favorables
- Pauvreté (socio-économique)
- Parents peu scolarisés
- Structure familiale non intacte (reconstituée, monoparentale)
- Climat familial difficile / relations conflictuelles
- Manque d’organisation familiale
- Déménagements fréquents
- Nombre élevé de frères et sœurs
- Difficultés reliées à la santé mentale des parents
- Style de choix de vie des parents non conventionnel
- Style parental permissif / peu d’encadrement parental
- Problème de communication parent / enfant
- Peu de soutien affectif / peu d’engagement parental
- Faible valorisation de l’école / de l’éducation
- Peu d’encadrement scolaire ni d’investissement scolaire
- Faibles attentes éducatives / faibles réactions aux échecs scolaires
- Historique de redoublement dans la famille
- Soutien émotif des parents lors des périodes de stress
- Relation de qualité avec un adulte significatif
- Supervision parentale, règles structurées et cohésion familiale
- Style parental démocratique
- Maintien d’un dialogue ouvert
- Modèle de parent-lecteur

Scolaire


Facteurs de risques
Facteurs favorables
Élève :
- Redoublement
- Scolarisation en classes spécialisées
- Difficultés scolaires en lecture-écriture et maths.
- Absentéisme
- Pas d’engagement dans les activités scolaires et parascolaires

Enseignant / Classe :
- Mauvais environnement socioéducatif / climat de classe
- Mauvaise relation maître-élève
- Manque de support aux enseignants
- Pratiques pédagogiques déficientes

Élève :
- Réussite sur le plan scolaire
- Bonnes relations avec les enseignants
- Participation à des activités parascolaires

Enseignant :
- Stratégies de gestion de classe efficaces
- Climat de classe harmonieux
- Accent mis sur l’apprentissage
- Attentes élevées et réalistes à l’égard du rendement des élèves
- Système de reconnaissance basé sur le renforcement

École :
- Petite école
- École qui permet de se développer sur le plan personnel, sportif, artistique, etc.
- Système d’encadrement efficace de l’école
- Soutien et leadership de la direction
- École qui communique et offre du soutien aux parents
- Climat social et éducatif harmonieux dans l’école
- Usage étendu des pratiques pédagogiques
- Valorisation de la réussite éducative / de l’effort

Social


Facteurs de risques
Facteurs favorables
- Isolement social
- Affiliation à des pairs déviants
- Accessibilité à des emplois exigeant peu de qualifications
- Accès difficile aux services de santé et services sociaux
- Milieu rural
- Peu de valorisation de l’école, peu ou pas d’accès aux ressources culturelles et de loisirs organisés
- Présence d’amis sur qui compter en périodes de stress
- Valorisation de l’école, de la réussite et du statut d’élève
- Participation à des loisirs organisés et supervisés



Personne (facteurs individuels ou personnels)


Facteurs de risques
Facteurs favorables
- Sexe masculin
- Difficultés d’apprentissage
- Échec scolaire / faible réussite scolaire
- Troubles du comportement extériorisés et intériorisés
- Troubles de l’attention
- Stratégies d’adaptation infructueuses
- Habiletés intellectuelles et verbales faibles
- Motivation et sentiment de compétence affaiblis envers l’école
- Vision négative de l’école
- Aspirations scolaires et professionnelles moins élevées
- Problèmes d’agressivité et d’indiscipline
- Conduites antisociales / lacunes d’habiletés sociales
- Absentéisme
- Habitudes alimentaires et physiques non saines
- Conduites délinquantes
- Faible estime de soi
- Propension à somatiser / dépression
- Sentiments que ce sont des facteurs externes qui régissent sa propre destinée
- Élèves travaillant trop d’heures
- Bonnes habiletés sociales
- Utilisation de stratégies d’adaptation efficaces
- Maîtrise de soi, forte estime et foi dans ses compétences et se forces
- Saines habitudes de vie


mercredi 6 février 2013

Pascal Bressoux : « On sait que l’efficacité du dispositif du plus de maîtres que de classes est très variable »





Pascal Bressoux est professeur en sciences de l’éducation à l’université Pierre-Mendès-France (Grenoble).

La circulaire sur le « plus de maîtres que de classes » a été rendue publique le 15 janvier. Quel dispositif se cache derrière le slogan ? 

Symbole de la priorité donnée au primaire, l’affectation de maîtres surnuméraires dans certaines écoles doit permettre une meilleure prise en charge de la difficulté scolaire dans les quartiers défavorisés. En accordant 7000 postes sur le quinquennat à un tel dispositif, le ministère de l’éducation nationale en a fait une mesure phare de sa politique éducative dans le premier degré. 7000 postes - sur 14000 affectés au primaire en cinq ans -, c’est un investissement important ! Cela peut en valoir le coup s’il est mis en œuvre dans de bonnes conditions.

Qu’entendez-vous exactement par « de bonnes conditions » ? 

On sait que le « plus de maîtres que de classes » a déjà été introduit dans les pays anglo-saxons notamment. Et que l’efficacité du dispositif est très variable. Aux Etats-Unis, où des enseignants surnuméraires ont été affectés à des programmes de remédiation ciblant des activités et des apprentissages précis, les résultats sur les performances des élèves ont été manifestes. Ce n’est pas le cas des expériences menées en Grande-Bretagne, où des évaluations toutes récentes se sont révélées décevantes. Là-bas, des assistants d’enseignement ont été affectés dans des classes auprès d’enseignants titulaires, sans consignes précises. Aux écoles de définir leurs missions. L’enseignant titulaire de la classe a alors eu tendance à se détourner des élèves en difficulté pour faire cours au reste de la classe. Il faut être très attentif à ce risque : que le dispositif ne décharge pas l’enseignant de ses responsabilités vis-à-vis des élèves en difficulté.

En France, des affectations d’enseignants « en plus » ont perduré ces dernières années, en dépit des suppressions de postes... 

Effectivement, des maîtres surnuméraires ont pu être affectés dans l’éducation prioritaire notamment, mais jamais de manière systématique. Le système français traite plutôt la difficulté scolaire avec le redoublement. Autre levier : l’intervention des maîtres des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), qui interviennent sur un réseau d’écoles et en dehors de la classe, un peu comme si la difficulté était externalisée. L’enjeu du « plus de maîtres que de classes », c’est de cibler les interventions vers les publics qui en ont le plus besoin pour traiter la difficulté scolaire au sein de la classe. Lui apporter une réponse précoce, intensive et régulière. C’est d’une difficulté scolaire assez « banale » dont il s’agit : celle qui concerne environ un quart des écoliers, et dont on sait qu’elle est « traitable » par des moyens d’enseignement, autrement dit par la pédagogie. Je ne dis pas que les professeurs des écoles ne s’y attellent pas au quotidien ; c’est plutôt qu’ils n’ont pas les moyens organisationnels ni la formation pour le faire de façon systématique et ciblée en fonction des difficultés particulières des élèves.

Vous parlez de moyens. Faut-il des aptitudes particulières pour être maître surnuméraire ? 

Plutôt que de raisonner sur les qualités supposées des enseignants surnuméraires - chevronnés, à l’écoute, etc. -, il faut s’intéresser aux tâches qui leur incombent, et aux conditions dans lesquelles elles leur incombent, car c’est d’elles dont dépend l’efficacité du dispositif. Si les surnuméraires sont envoyés dans des classes sans définition préalable de leurs missions, l’investissement consenti n’aura pas l’effet escompté. Il faut bannir les consignes générales et floues.


Le dispositif demande un vrai changement dans les pratiques pédagogiques. Est-ce plus de travail pour les enseignants ? 

Cela peut l’être. Les enseignants doivent faire l’effort d’ouvrir leur classe à un pair. Ils doivent préparer des exercices et des évaluations spécifiques. Ils y parviendront s’ils ont la formation adéquate. Les sciences cognitives et sociales ont énormément progressé ces vingt dernières années, notamment dans la connaissance des processus conatifs - pourquoi un élève va-t-il être plus ou moins motivé, l’est-il intrinsèquement ou pas... -, dans les processus neurocognitifs, etc. Il faut que les enseignants puissent en bénéficier afin de s’approprier ce nouveau dispositif.