Il s’agit d’un petit livre paru en 2000 dans la collection
Librio, connue à l’époque pour le prix unique de 10 francs l’exemplaire. L’auteur,
Adrien Barrot, est professeur de philosophie. Un de plus qui a écrit un livre
sur le désastre scolaire ! À croire que cette discipline a été plus
touchée que les autres par la baisse du niveau des élèves ou que les
enseignants de philosophie aient été plus clairvoyants que les autres.
Au moment de la parution du livre, nous sortons de l’époque Claude
Allègre, réputé pour ses saillies peu appréciées du corps enseignant, dont celle
du « mammouth » pour désigner l’Éducation nationale. Encore un dont
le passage au ministère, rue de Grenelle, n’a pas laissé un bon souvenir…
Adrien Barrot part d’un constat : « Ce dont les professeurs ont fondamentalement
conscience, (…) c’est qu’il leur est devenu, au fil des années, de plus en plus
difficile d’enseigner ; c’est même qu’il leur est devenu, au fil des
années, de plus en plus souvent impossible d’enseigner : impossible, tout
simplement, de faire leur métier ». Et pourquoi ? Parce « qu’il est désormais formellement interdit d’enseigner,
c’est que l’enseignement est interdit, c’est qu’il est interdit aux élèves d’être
des élèves, aux professeurs d’être des professeurs ». C’est le
triomphe du constructivisme pédagogique !
L’auteur ajoute : « L’école a désormais pour seule mission légitime celle d’écarter tous
les obstacles qui empêchent [les élèves] d’être ce qu’ils sont d’ores et déjà
si parfaitement. En conséquence de quoi, tout ce qui, dans l’école, entrave sa
transformation en vaste terrain de jeux et de divertissement doit être extirpé
sans la moindre hésitation ». Et suit la question : « N’y a-t-il donc personne, plus personne,
pour se rendre compte de cette déchéance ? ».
À cette époque, il était dangereux pour sa carrière de s’opposer
aux diktats constructivistes, ou même simplement d’émettre des doutes. Quelques
enseignants courageux en ont fait les frais. « Il est même très difficile de formuler clairement un diagnostic lucide
dans le climat de chasse aux sorcières qui règne aujourd’hui ».
Pourtant, « quels efforts de
maîtrise de soi ne faut-il pas s’infliger pour ne pas hurler de rage et de
désespoir sous ce déluge de gifles, de camouflets, d’insultes, que réserve aux
professeurs chacun des fantastiques slogans de notre ministère ! ».
L’avenir ? « Le
seul avenir que l’on puisse présager d’une telle évolution, d’une telle dérive,
est au fond connu de tous. Une ségrégation de plus en plus rigide entre les
quelques établissements d’enseignement qui resteront dignes de porter ce nom,
et ceux dont le nom ne sera plus que signe d’imposture. Une sélection de plus
en plus impitoyable et inique, dont les seuls critères seront sociaux,
économiques et financiers. » Nous y sommes déjà…
Pour conclure, un livre à lire pour se remettre dans l’ambiance
du début des années 2000 où rares étaient les voix qui osaient se faire entendre
pour remettre en question les orientations constructivistes radicales de la
politique éducative. Avec un bémol toutefois : ces critiques s’appuyaient
sur une conception traditionnelle de l’enseignement qui certes avait jadis
donné de bien meilleurs résultats, mais qui était nettement dépassée à l’aube
du XXIe siècle.
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Adrien BARROT
Librio, 87 p
07/2000