Le
Figaro Vox
Par Matthieu Lahaye, spécialiste des
questions de l'enseignement
Alors
que sont publiés cette semaine les résultats aux évaluations nationales,
Matthieu Layahe analyse deux visions pédagogiques qui s'affrontent en France.
En opposition aux méthodes de la découverte, il défend le savoir-faire de l'enseignant.
Cet
été, l'opinion publique australienne s'est passionnée pour la pédagogie, en
l'occurrence pour le débat qui oppose les partisans de la pédagogie par
investigation et ceux de la pédagogie explicite, encore appelée pédagogie
systématique. Dans un article scientifique repris par la presse nationale, John
Sweller, professeur émérite en psychologie, établit un lien très étroit entre
la baisse continue des résultats des élèves australiens aux évaluations
internationales et l'introduction des pédagogies de la découverte depuis une
trentaine d'années. Ce débat résonne en France, pays confronté à un niveau
problématique de la performance de ses élèves et où les pédagogies par
investigation sont encore très courantes.
Élaborées
dans les années 60, ces pédagogies reposent à la fois sur un constat pertinent,
les humains sont les seuls animaux capables de résoudre des problèmes complexes
et une conclusion pédagogique discutable : apprendre consiste à confronter les
jeunes élèves à des problèmes compliqués et à tâtons, avec l'aide du
professeur, à les laisser découvrir une méthode pour les résoudre. Si
d'innombrables études ont montré que l'efficacité des méthodes pédagogiques
dépend de l'objectif d'apprentissage et du niveau de maîtrise des élèves, il
est désormais clairement établi que pour apprendre une notion nouvelle,
particulièrement pour les jeunes élèves et ceux issus des milieux socialement
les plus défavorisés, les méthodes explicites sont les plus pertinentes.
À la
différence de l'enseignement de la découverte (l'élève découvre et il fait),
l'enseignement explicite repose sur une démarche contrôlée par le professeur
(le professeur montre et l'élève fait). Conçu par des praticiens au cours des
années 1980 à partir des découvertes de psychologie cognitive et perfectionné
grâce à des « données probantes », il se déploie en trois temps modulables en
fonction des besoins des élèves : d'abord l'explication par le professeur de la
notion divisée en autant de notions simples avec le souci constant de lever
tous les implicites, ensuite des interactions nombreuses entre le professeur et
les élèves, entre les élèves grâce à des exercices guidés qui permettent de
vérifier la bonne compréhension de la notion étudiée et enfin une phase de
consolidation à la faveur d'un travail en autonomie, des devoirs et des
évaluations. L'objectif est d'automatiser la maîtrise des compétences de base
pour permettre à l'élève de consacrer toute son attention à des tâches plus
complexes.
En
France, ces pédagogies de la découverte, qui ont un intérêt pour développer le
sens de l'investigation chez les élèves aux connaissances déjà solides, sont
encore utilisées sous des formes diverses pour des apprentissages fondamentaux.
Grâce à la clarification commencée par le ministère de l'Éducation nationale
depuis quatre ans sur l'enseignement de la lecture, des mathématiques,
notamment la résolution de problème, elles refluent peu à peu, mais trop
lentement.
Considérons
seulement que la résolution de problèmes n'était plus systématiquement
enseignée à l'école primaire au motif que l'élève, pour apprendre, devait
chercher laissant ainsi les élèves se débrouiller avec la complexité d'énoncés
à jamais impénétrables pour les élèves les plus fragiles. Les conséquences sont
connues : une école qui a dû mal à lutter contre les inégalités scolaires, la
scandaleuse dernière place des élèves français en résolution de problème à
l'évaluation Timss, le faible niveau en mathématiques de la population active
et sa désastreuse conséquence sur le taux d'emploi et la compétitivité du pays.
En
matière d'éducation, il est facile d'agiter de grandes idées qui sont souvent
des slogans creux. Agir réellement, comme le font les professeurs chaque jour
dans les classes, nécessite une expertise fine qui ne s'acquiert pas en
claquant des doigts.
La
pédagogie explicite recentre l'école sur l'essentiel : le savoir-faire du
professeur. S'il est démontré depuis les années 1960 que l'origine sociale pèse
sur les résultats des élèves, de très grandes études américaines, menées à
partir des années 1990, prouvent que l'action du professeur a une influence
plus importante que la sociologie sur les performances scolaires dès lors que
la méthode utilisée est efficace. La pédagogie n'est ni un syncrétisme ni un
occultisme. C'est pourquoi la création d'un conseil scientifique de l'éducation
nationale en 2017 a été si importante pour débarrasser nos débats pédagogiques
des ombres de la subjectivité et les renforcer à la lumière de la science.
En
matière d'éducation, il est facile d'agiter de grandes idées qui sont souvent
des slogans creux. Agir réellement, comme le font les professeurs chaque jour
dans les classes, nécessite une expertise fine qui ne s'acquiert pas en
claquant des doigts. La dynamique enclenchée, qui a su mieux faire réussir les
élèves des autres pays, peut en moins de dix ans d'action résolue hisser notre
école au niveau des systèmes éducatifs les plus performants, nous permettant
ainsi de rester une grande nation culturelle, une puissance économique de
premier plan et d'honorer la promesse républicaine d'égalité.