La critique de l’enseignement traditionnel
Sans surprise, Freinet attaque frontalement l’École traditionnelle
(voir la quantité de citations qui suivent). Freinet donne le nom de
“scolastique” à l’enseignement traditionnel. Emporté par la volonté de
dénigrement, il se prend pour un Érasme ou un Rabelais : pour lui,
l’enseignement traditionnel est archaïque, dépassé, inefficace, ne
s’adressant qu’à l’intelligence verbale.
Dès lors, les adjectifs péjoratifs pleuvent. Bon nombre peuvent se
retourner aujourd’hui contre la pédagogie Freinet elle-même qui apparaît
comme dépassée, désuète et particulièrement inadaptée aux exigences
d’efficacité du monde moderne.
Même si la charge de Freinet contre l’école traditionnelle est
excessive, il y a quand même des critiques justifiées. Notamment sur la
passivité des élèves et sur le fait que le maître faisait ses leçons
sans se préoccuper de savoir si elles profitaient véritablement à toute
la classe.
Mais le plus surprenant, c’est de constater l’estime portée à Freinet
par certains partisans actuels de
l’École traditionnelle. Ainsi, Jean-Paul Brighelli, dans un ouvrage
récent [1], dit de Freinet qu’il était un « instituteur de génie
». Pas moins ! Cette grave erreur de jugement provient directement du
discours convenu – et non contredit – des constructivistes, passés
maîtres dans l’art de faire passer des vessies pour des lanternes.
Car le constructivisme peut en effet se revendiquer sans crainte de
ce grand ancêtre. La lecture de ce livre montre combien les idées de
Freinet sont passées dans l’esprit commun. Les années 70 et suivantes
ont vu le triomphe de la pédagogie Freinet… et si elle a échoué, c’est
simplement à cause de ses faiblesses internes, de ses partis pris et de
son inefficacité revendiquée.
Disons-le clairement une fois pour toute : Freinet et sa pédagogie
n’ont strictement rien d’instructionniste. Aucune équivoque ne doit
désormais subsister.
Citations :
- Cette école publique adaptée à la vie de la période 1890-1914
et qui s’obstine dans une conception pédagogique, technique,
intellectuelle et morale aujourd’hui dépassée, ne répond plus ni au mode
de vie, ni aux aspirations d’un prolétariat qui prend chaque jour
davantage conscience de son rôle historique et humain. Cette école ne
prépare plus à la vie ; elle n’est tournée ni vers l’avenir, ni même
vers le présent ; elle s’obstine dans un passé révolu, comme ces
vieilles dames qui, parce qu’elles ont eu un succès mérité pendant leur
jeunesse ne veulent rien changer à leur genre de vie ni à la mode qui
leur avait tant réussi, et qui maudissent l’évolution autour d’elles
d’un monde condamné.
- La traditionnelle école publique [était] adaptée tant bien que mal à la démocratie capitaliste du début du siècle.
- Les éducateurs doivent sans plus de retard prendre conscience
de cette désadaptation, opérer l’effort de rajeunissement qui s’impose,
rejeter les larges chapeaux et les jupes à volants d’une époque qui a
fait son temps (…) ; cesser de bouder l’avenir au nom d’une routine qui
n’est plus qu’un frein dangereux à la vie qui monte.
[Introduction]
- Techniquement parlant, l’école traditionnelle était centrée sur
la matière à enseigner et sur les programmes qui définissaient cette
matière, la précisaient et la hiérarchisaient. A l’organisation
scolaire, aux maîtres et aux élèves de se plier à leurs exigences.
- [Il faut que] l’école tourne définitivement le dos à la manie d’une instruction passive et formelle pédagogiquement condamnée.
- Théoriquement, ce redressement est aujourd’hui communément
admis ; pratiquement, il se heurte aux tenaces et routinières habitudes
de la scolastique ; socialement, il a contre lui tout le système de
sélection, de concours, d’examen qui continue à donner les meilleures
places aux outres bien pleines, au détriment des têtes bien faites.
- Cette discipline extérieure et formelle sans laquelle l’école actuelle ne serait que chaos et néant.
- Nous ne devons pas nous accommoder plus longtemps d’une école
qui retarde de cent ans avec son verbalisme, ses manuels, ses
manuscrits, l’ânonnement de ses leçons, la récitation de ses résumés, la
calligraphie de ses modèles.
[chap. I]
- La tendance scolastique (…) veut orienter trop vite les enfants
[de l’École maternelle] vers le devoir et la leçon scolaires – et donne
en conséquence le pas aux activités qui préparent aux acquisitions
formelles : préparation à la lecture et à l’écriture, lectures morales,
initiation au calcul par des jeux ou des tableaux spéciaux, culture
systématique prématurée d’une forme d’ailleurs mineure de la mémoire.
- (…) pour des réalisations non exclusivement scolastiques, mais vivantes et dynamiques.
Il faut (…) éviter à tout prix de systématiser, de scolasticer [2]
ces relations [à l’École maternelle]. N’essayez même pas de faire lire
le texte ; il est là, blanc sur noir, au tableau, puis en fines pattes
de mouches mystérieuses sur votre beau cahier [de vie de la classe].
Et si l’enfant pédale à vide, vous pouvez l’obliger à pédaler,
vous pouvez le dresser même comme on dresse l’écureuil à tourner dans sa
cage…
- L’École traditionnelle est un auditorium-scriptorium dont
l’amphithéâtre des grandes écoles n’est que la forme somptueuse. Pour
cet auditorium-scriptorium, la disposition la plus favorable était une
salle unique, suffisante certes pour le groupement assis de l’effectif
scolaire, mais point trop vaste cependant pour que la voix du professeur
ne s’y perde pas et que l’œil du maître puisse surveiller les derniers
recoins. Ne parlons pas de la baguette qui, autrefois, devait, de la
chaire, toucher jusqu’aux cancres du fond. Cette salle ne devait pas
être trop généreusement ouverte sur l’extérieur, car ces ouvertures
nuisaient à la résonnance de la voix doctorale et étaient susceptibles
de distraire les élèves – inconvénient corrigé par la surélévation des
fenêtres et l’opacité des vitres.
- Le problème [laisser des élèves seuls] serait effectivement
insoluble à l’école traditionnelle où le travail est fonction de la
surveillance et de l’autorité.
- L’ameublement de l’École traditionnelle est naturellement celui
d’un auditorium-scriptorium : chaire surélevée, unique tableau à
l’usage exclusif de l’exposé magistral ou des interrogations –
bancs-pupitres pour enfants assis écrivant ou lisant (à l’exclusion de
toutes autres activités, sauf clandestines) ; absence de tout espace
libre dont l’utilisation n’est nullement prévue dans l’organisation
pédagogique, meuble bibliothèque et compendium scientifique
soigneusement fermés, à l’abri de la poussière et des mains indiscrètes
et, sur une console, le buste de la République ou le crucifix !
- La chaire surélevée du maître devient superflue.
- Croit-on vraiment avoir fait quelque besogne utile lorsqu’on
l’aura [l’élève] détaché artificiellement de la lente formation
fonctionnelle qui lui était essentielle pour l’initier à coups de
leçons, d’exercices de mémoire et de pensums à un intellectualisme qui
le dépasse ? On n’aura fait que le désaxer, le déraciner, le
déséquilibrer, compromettre sa montée normale vers l’intelligence vraie.
- Par nos ateliers de travail de base, ce sont des possibilités
de travail que nous offrons aux enfants et non des formes pour le
dressage. Évitez de retourner à la scolastique en faisant du travail
dans ces ateliers des devoirs consécutifs à certaines leçons
méthodiques.
- Nous ne sommes ni pour ce silence de mort qui doit suivre,
selon certains, le tintement de la cloche, ni pour cet alignement
militaire où les uns crânent orgueilleusement, tandis que d’autres se
cachent pour se faire oublier ou pardonner.
- La solution était toute trouvée, à l’École traditionnelle, (…)
grâce aux leçons formelles et à l’emploi rigide des manuels. Quant aux
recours, (…) on les réduisait au minimum pour simplifier les choses –
car l’École avait essentiellement peur du multiple et du complexe.
- Dans les classes ordinaires, quand l’écolier a fini sa besogne,
il y en a encore. Alors, on fait comme au régiment : on fait durer le
plaisir, et c’est à qui aura fini le dernier… Ce qui est une drôle
d’éducation. A moins que l’émulation et les sanctions ne viennent
stimuler les as, mais les as seulement…
- (…) l’ancienne école dogmatique et passive.
- Nous nous séparons totalement de la forme scolastique que la
pédagogie a donnée à cette méthode [des centres d’intérêts] depuis
Decroly. Faute de moyens techniques suffisants (…), on se rabat sur une
concentration plus ou moins arbitraire autour de certaines tendances
dominantes.
- Nous nous garderons (…) de donner aux seuls intérêts révélés
par le texte journalier une sorte d’investiture scolastique qui
réduirait aussitôt, plus ou moins arbitrairement, le complexe.
- L’École traditionnelle affirmait l’impossibilité d’une solution
pratique. Aussi recommandait-elle d’éviter, d’esquiver ce complexe. Et
elle l’esquivait en fermant prudemment sur la vie ambiante les portes de
l’école, en réprimant le besoin d’expression de l’enfant, en limitant
l’activité (…) aux seuls problèmes plus ou moins arbitrairement
schématisés – dont on avait d’avance la solution. Il n’y avait ni
tâtonnement ni aléa. Autorité et discipline étaient sauves… dût la vie
en être irrémédiablement atteinte.
- Les outils traditionnels : le cahier et le porte-plume, les devoirs et les manuels.
- Bon gré mal gré, vous devrez en rester au Moyen Age de l’École,
le seul progrès étant que la plume d’acier a remplacé la plume d’oie.
- L’école traditionnelle demande beaucoup trop à l’instituteur,
moins d’ailleurs (…) dans le domaine de la technique qu’au point de vue
des qualités personnelles et psychiques qu’il ne dépend pas toujours de
lui de posséder ou d’acquérir : calme, droiture, autorité personnelle,
intuition, patience, maîtrise de soi, abnégation, dévouement… et amour !
Et comme les instituteurs sont des hommes, qui donc ne possèdent que
très exceptionnellement toutes ces qualités jugées essentielles, c’est
tout le système pédagogique qui s’effondre, les instituteurs impuissants
qui se lassent et se contentent enfin de s’installer dans la pratique
(…) de la moyenne routine.
- A l’inverse de l’instituteur de l’ancienne école, [l’instituteur de la nouvelle école] est rarement assis.
- Les élèves ne quittent (…) pas l’école avec, comme autrefois,
un soupir de soulagement et une réaction nerveuse de batailles et de
cris.
- Dans l’école nouvelle : Ni devoirs ni leçons pourtant, ni textes à apprendre par cœur.
- Si nous ne possédons qu’un matériel scientifique extrêmement
réduit, il faudra bien essayer de pallier notre impuissance technique à
réaliser le véritable enseignement scientifique par un retour bien
regrettable aux vieilles méthodes théoriques et explicatives. Si les
documents nous manquent pour une histoire vivante, et si les programmes
exigent encore de nous un enseignement formel anti pédagogique, force
nous sera aussi d’essayer un palliatif verbal (…). Car nous mettons
loyalement les élèves eux-mêmes en face des réalités qui nous font
accidentellement retourner à des pratiques dépassées. Nous n’essayons
pas de parer de couleurs insidieuses des pratiques non conformes à nos
méthodes de travail ; nous ne cherchons pas de mauvaises raisons (…).
Mais nous disons : « Pour telles et telles raisons qui nous dépassent » –
et qu’on explique – « vous devez étudier tels textes, pratiquer telle
discipline… » Les enfants feront plus volontiers l’effort anormal ainsi
demandé. Et l’esprit de notre enseignement n’en sera nullement affecté. [3]
- Il faut exclure d’abord de cette pratique [des questions]
l’habitude qui serait naturelle dans les écoles traditionnelles de poser
des colles au maître pour le malin plaisir de le voir bafouiller.
- L’École traditionnelle (…) fonctionne en milieu fermé (…). Cet
isolement jaloux est la conséquence inéluctable de tout le système
éducatif que nous condamnons.
- Nous savons que nous avons (…) un lourd courant à remonter,
celui de tout le passé d’une École repliée sur elle-même,
mystérieusement jalouse de son isolement (…). Si nous avons jeté bas ce
masque scolastique, (…) l’École ne sera plus une église où l’on entre
chapeau bas et mains jointes, en évitant de faire crisser sur le carreau
sonore les clous des vieux souliers.
- L’accent mis de plus en plus sur le travail social véritable
que l’instruction scolastique a toujours tendance à dominer et
supplanter.
- Les normes de contrôle de l’École traditionnelle ne sont plus
valables pour notre école du travail. Les notes étaient basées sur la
récitation de leçons apprises par cœur, sur les corrections de devoirs,
sur le contrôle de l’explication verbale et de la lecture à haute voix.
(…) Nous ne corrigeons plus les devoirs à l’encre rouge.
- Nous sommes en effet partisan d’un contrôle, mais pas d’un
contrôle jaloux et soupçonneux, en vue d’abord d’un classement plus ou
moins arbitraire. Ce contrôle-là n’est recherché que par les forts en
thème, les premiers de la classe qui tirent orgueil de leurs succès [4],
tandis que les moyens et les faibles sont de plus en plus dominés par
cette tyrannie de la note qui les rejette dans un dangereux sentiment
d’infériorité.
[chap. II]
- La vieille école avait cet incontestable avantage que la marche
du travail y était minutieusement réglée, du moins dans la forme, heure
par heure, discipline par discipline : chaque division a fait tant de
problèmes ; on a lu les pages prévues aux manuels, récité les leçons
d’histoire ou de grammaire. (…) Les parents sont satisfaits de voir
s’accroître ainsi, méthodiquement, le savoir de leurs enfants ;
l’inspecteur est satisfait ; le programme est « vu »… Que demander de
plus ?
- Il faut absolument (…) nous dépouiller de cet esprit
bureaucratique qui se satisfait d’une page de manuel tournée même si la
lecture n’en a été de nul profit pour personne, d’une copie méthodique
ou d’une fidèle mémorisation.
- Nous comparerons (…) toute cette richesse à la passivité de la scolastique.
- Lorsqu’on considère ce total [horaires des programmes
officiels] dans les écoles traditionnelles, cela se comprend pour
l’ensemble des leçons dans ces disciplines. Le compte ne serait
certainement plus le même si on considérait le profit individuel de ces
leçons collectives.
- (…) en regard duquel la lecture traditionnelle ferait une bien piètre figure.
- Nos fichiers autocorrectifs (…) permettent à chaque enfant un
maximum d’exercices que nous ne croyons guère pouvoir être dépassé dans
les classes traditionnelles les plus sévères.
[chap. III]
- Comment (…) se fera le passage de la forme scolastique désuète à l’Éducation du travail ?
- Quels que soient ses titres de noblesse scolastique, le
verbiage ne devrait pas avoir davantage de poids dans l’évolution de
notre processus pédagogique. Sans paroles inutiles, nous présenterons
les outils qui prétendent répondre à des besoins nouveaux pour la
satisfaction desquels les méthodes traditionnelles se sont révélées
impuissantes.
- Premier geste qui indique votre disposition à vous orienter
vers une conception nouvelle de l’éducation : faire disparaître
l’estrade sur laquelle trône votre chaire, qui deviendra simplement une
table comme les autres, au niveau et à la mesure des autres tables.
[chap. IV]
Le parti pris politique
Freinet était communiste [5], ce qui est parfaitement son droit.
Toutefois nous savons maintenant que la pédagogie ne fait pas bon ménage – en termes d’efficacité – avec l’idéologie.
Le titre même du livre – Pour l’école du peuple – est assez
éloquent en lui-même, témoin d’une époque (la Libération) où l’Armée
rouge venait d’écraser l’Allemagne hitlérienne et où Staline était
encore le Petit Père des peuples.
Citations :
- Une réadaptation de notre école publique s’impose (…) dans un
monde que nous espérons être bientôt celui du socialisme triomphant.
- Les enfants (…) sont appelés à construire un monde meilleur que
celui que nous avons laissé s’écrouler comme un lamentable château de
cartes.
- Le peuple accédant au pouvoir aura son école et sa pédagogie.
[chap. I]
- Nous mentionnerons comme points essentiels à considérer : a/ la
santé des parents et la lutte contre les causes qui la compromettent
prématurément : condition prolétarienne, marâtre, taudis, alcoolisme
(…).
- Un tel milieu existe rarement, du moins dans les familles de travailleurs dominées par la malédiction capitaliste.
- Le fait de faire des plans a montré sa supériorité dans le
domaine industriel ou agricole, jusqu’à régenter toute l’activité
économique de grands États contemporains. [6]
- Voilà maintenant notre usine en fonctionnement, dit Freinet en parlant de la classe.
[chap. II]
La pédagogie Freinet
J’ai regroupé, en vrac, ce qui distingue la pédagogie Freinet.
Bon nombre de ces pratiques sont passées dans les classes ordinaires,
sans que les maîtres en aient conscience. On fait comme cela sans se
poser de questions : depuis les années 70, on nous répète qu’il faut
enseigner de cette façon. C’est le triomphe de la pédagogie “active” [7].
C’est la victoire posthume de Freinet et de l’influence écrasante – et
désastreuse – de sa pédagogie sur les pratiques enseignantes. Avec
généralement l’assentiment chaleureux des équipes de circonscription…
Il suffirait seulement que l’on se pose la question de l’efficacité :
il ne resterait alors pas grand-chose de tout cet assemblage obsolète.
Faire du Freinet :
- Coopérative de classe
- Cahier de vie de la classe
- Livre de vie personnel
- Journal scolaire (manuscrit ou imprimé)
- Échanges avec d’autres écoles
- Imprimerie – Limographe (qui est l’ancêtre de la photocopieuse [8])
- Frise animée sur les murs de la classe
- Fichiers autocorrectifs
- Travail par groupes
-
Ateliers (Travail des champs. Élevage – Forge et menuiserie – Filature,
tissage, couture, cuisine, ménage – Constructions, mécanique, commerce –
Prospection, connaissances, documentation – Expérimentations –
Création, expression et communication graphiques – Création, expression
et communication artistiques)
- Réunion hebdomadaire de la coopérative scolaire (avec président et secrétaire, l’instituteur « s’est humblement placé au fond de la salle »)
-
Journal mural qui reflète la vie communautaire de l’école pendant la
semaine écoulée, avec 3 colonnes : « Nous critiquons… Nous félicitons…
Nous demandons… » (C’est parfois le maître lui-même qui est mis en
cause. (…) On discute. L’instituteur reconnaît de bonne grâce certaines
erreurs (…), des faiblesses… Tout le monde peut se tromper… Nous
tâcherons de mieux faire…) [9].
- Sanctions : Dans
la pratique, (…) il ne faut pas trop compter sur les sanctions pour
améliorer une situation quelle qu’elle soit. La critique collective, la
reconnaissance des fautes, le sentiment communautaire, le désir de mieux
faire, se montrent en général suffisamment efficaces. La seule sanction
régulière est ordinairement de réparer le mal, de refaire ce qui a été
défait, de nettoyer ce qui a été sali, d’aider à une tâche pour
compenser le tort causé à la classe… Une petite amende est pourtant
prévue pour certains délits : le produit s’en va à la caisse de la
coopérative… Il n’y a pas de petits bénéfices ! [10]
- Sorties “pédagogiques” (que Freinet appelle « promenades scolaires »)
- Exposés (que Freinet appelle « conférences »)
- Plan individuel de travail hebdomadaire établi par les élèves (« avec la collaboration du maître »)
- Textes libres
- Travail manuel
- Le moins possible de travail commun par niveaux.
- Jardin scolaire
- Étude du milieu local
- Enquêtes
- Dessin libre
- Cinéma (mais pas le cinéma scolaire : fausse conception de l’outil scolaire), disques, radio (mais pas la radio scolaire : nuisible par ce qu’elle apporte de superficialité et de disharmonie dans la réalisation de notre école), machines à écrire
- Boite à questions
- Travail libre - Plans de travail - Journal mural
- Fichier scolaire coopératif - La bibliothèque de travail
- Ateliers dans une pièce attenante (ou dans le corridor)
- Contrôle par brevets
- Théâtre de marionnettes
L’école maternelle
Curieusement Freinet n’hésite pas à s’en prendre à Montessori. Entre “rénovateurs” de l’École, la concurrence devait être rude.
Pour Freinet, il ne doit y avoir aucune leçon en Maternelle. Donc
aucun apprentissage systématique et structuré, bien que la GS soit une
classe capitale dans la scolarité primaire.
À la place, il ergote sur le « travail-jeu » ou le « jeu-travail » qui, du point de vue sémantique, semblent avoir autant de différences que bonnet blanc ou blanc bonnet.
Citations :
[L’école maternelle] est la période du travail qui (…) se
présente sous les deux formes parallèles et complémentaires de
jeu-travail et de travail-jeu. (…) Nous ne faisons aucune place aux
leçons sous quelque forme qu’elles se présentent, même attrayantes.
A l’École maternelle surtout, nous réduirions volontiers à néant tout enseignement plus ou moins didactique.
Contre la méthode Montessori :
(…) des Jardins d’enfants, dont Mme Montessori avait lancé
l’idée, mais qui, selon nous, étaient d’une conception faussement
scientifique, trop formelle, qui ne répondait qu’à quelques-uns
seulement des besoins fonctionnels des enfants auxquels ils étaient
destinés.
Les méthodes les plus perfectionnées – celle de Mme Montessori
par exemple – n’ont pas envisagé la vie de l’enfant dans sa complexité
diverse, mais une éducation systématique qui limite le tâtonnement à un
certain nombre d’activités bien définies, préparées et prévues à
l’avance par l’éducateur. De ce fait, l’École maternelle, même chez Mme
Montessori, reste un coin de jardin d’acclimatation.
On peut dire que Mme Montessori et les éducatrices françaises ont
porté presque à sa perfection l’École maternelle section de jardin
d’acclimatation.
Par le matériel Montessori lui-même, prétendument scientifique, l’enfant (etc.)
[chap. II]
La méthode “naturelle” d’apprentissage de la lecture
Nous en arrivons à la méthode d’apprentissage de la lecture, que
Freinet veut “naturelle”. Il s’agit en fait d’une méthode globale, dont
nous connaissons aujourd’hui les ravages commis sur des générations
d’élèves qui ont été des “mal appris” de la lecture, faux dyslexiques en
série.
Freinet avait d’ailleurs écrit en 1959 un texte – que ses
thuriféraires passent volontiers aujourd’hui sous silence – pour
défendre la méthode globale d’apprentissage de la lecture : La méthode globale, cette galeuse !.
Les curieux pourront toujours entrer ce titre dans un moteur de
recherche afin d’en retrouver le texte sur Internet. La lecture en vaut
le coup !
Mais intéressons-nous à cette fameuse méthode “naturelle”.
Citation :
- L’enfant parle, voit se fixer au tableau, sous une forme
nouvelle, les pensées ou les actes exprimés ; par son propre travail il
transforme ce texte manuscrit en une émouvante page imprimée (…). De
cette imprégnation permanente résulte la fixation dans la mémoire
visuelle, aidée par la mémoire auditive, des formes, des mots et des
phrases dans leur rapport avec l’idée exprimée. (…) Il se produit un
travail profond, fruit d’une riche expérience tâtonnée qui aboutit à ce
résultat : sans exercice spécial, l’enfant reconnaît progressivement un
nombre plus grand de mots ; il les reconnaît non seulement par le
graphisme, mais par l’idée à laquelle est lié ce graphisme.
Reconnaissance des mots et compréhension vont de pair, participent au
même processus. L’enfant reconnaît d’abord – sans lire – les textes
familiers, puis certaines phrases des textes (…), et il en déduit
parfois la compréhension instantanée des phrases et des mots inconnus.
Puis il reconnaîtra des passages entiers de livres faciles ; puis il
abordera les difficultés sérieuses. L’enfant sait lire sans exercice de
lecture. Il sait lire d’abord parce qu’il reconnaît sous le graphisme
manuscrit ou imprimé la pensée qui y était endormie ; c’est comme s’il
entendait à distance la parole des absents ou, éloignée dans le temps,
celle des morts. Qu’importe s’il ne lit pas encore couramment à haute
voix. Ce n’est là, à tout prendre, qu’un exercice fastidieux et à peu
près souverainement inutile, que l’École a toujours hissé au rang d’une
nécessité parce qu’elle est impuissante à contrôler la compréhension
muette.
[chap. II]
L’apprentissage de l’écriture
L’apprentissage de l’écriture ne manque pas également de surprendre : Freinet recommande de faire “dessiner” un texte.
Sans oublier de partir du texte, pour aller au mot et enfin aux
lettres. Toujours partir du complexe pour aller au simple, ce qui est
l’orthodoxie du constructivisme.
Avec aussi l’alibi récurent de la compréhension qui doit tellement
primer sur tout, que le reste n’existe plus. Inutile de pédaler dès lors
qu’on a compris comment faire du vélo.
Citations :
- [L’enfant] dessine par imitation le texte manuscrit, puis
s’intéresse plus spécialement aux mots, aux lettres. (…) Le passage du
dessin à l’écriture est achevé.
- Qu’on ne s’émeuve pas de voir nos enfants « dessiner » un texte
au tableau, qu’ils ne savent pas lire, mais qu’ils comprennent
parfaitement.
[chap. II]
Contre une école instructionniste
Freinet s’oppose sans ambiguïté à une école efficace qui transmette les connaissances.
Il critique les parents d’élèves qui veulent que leurs enfants aillent à l’école pour y acquérir « une instruction suffisante ». S’élever dans l’échelle sociale grâce à l’école est une « considération humaine »… Freinet n’a pas ce genre de priorités.
C’est un constructiviste pur et dur. La base de la pratique
pédagogique est le tâtonnement, l’expérience… Tant pis si cela prend du
temps : en effet si l’élève n’apprend pas cette année, il apprendra
l’année prochaine. Combien de fois n’avons-nous pas entendu cet argument
qui justifie toutes les inefficacités à propos des Cycles mis en place
par la loi Jospin de 1989.
Citations :
- Pour la plupart des parents, ce qui importe, en effet, ce n’est
point la formation, l’enrichissement profond de la personnalité de
leurs enfants, mais l’instruction suffisante pour affronter les examens,
occuper des places enviées, entrer dans telle école ou prendre pied
dans telle administration. Considérations humaines certes (…).
- Nous mettrons donc l’accent non plus sur la matière à
mémoriser, sur les rudiments de sciences à étudier, mais : a/ sur la
santé et l’élan de l’individu (…) ; b/ sur la richesse du milieu
éducatif ; c/ sur le matériel et les techniques (…).
[chap. I]
- Résistez le plus possible à la tendance (…) qui pousse à
pratiquer dogmatiquement une initiation méthodique qui a pour but
d’abréger l’expérience tâtonnée, et dans certains cas même, d’en faire
l’économie. L’enfant peut effectivement parvenir plus vite à lire et à
écrire, mais c’est au détriment de la série d’expériences intermédiaires
que nous jugeons, bien à la légère, inutiles.
- La présence de l’instituteur n’est, en aucun point, nécessaire
en permanence. Il aide qui sollicite son concours. A moins qu’il
s’attarde parfois, par goût personnel, à soigner un tirage de luxe à
l’imprimerie, à parfaire un cliché lino ou une illustration au
limographe, à retoucher un objet fabriqué en travail manuel, à faire de
la musique… Cela dépend, certes, de ses aptitudes et de ses goûts
personnels.
- Si le milieu familial et social était suffisamment compréhensif
des nécessités normales de notre pédagogie, nous ferions à nos élèves
la même confiance que la maman fait à son jeune enfant. Ce que l’enfant
n’acquiert pas aujourd’hui, ou cette semaine, ou même cette année, il
l’apprendra plus tard.
[chap. II]
Les erreurs pédagogiques
J’ai pointé un certain nombre d’erreurs pédagogiques ontologiques du constructivisme.
Freinet s’appuyait sur la psychologie pour justifier ses choix. Hélas
pour lui, les récentes recherches en psychologie cognitive contredisent
aujourd’hui la plupart de ses affirmations.
On retrouve tout ce qui fait débat depuis une dizaine d’années. Y
compris les notes, dont on aura deviné à l’avance que Freinet n’y était
pas favorable. Comme les corrections en rouge…
Citations :
- Le vrai but éducatif : l’enfant développera au maximum sa personnalité.
- L’école de demain sera centrée sur l’enfant. [11]
[chap. I]
- L’éducation véritable se poursuit selon un principe général
d’expérience tâtonnée qui prime toutes autres méthodes plus ou moins
scientifiques. L’éducation systématique est dans l’erreur lorsqu’elle
prétend substituer ses méthodes rationnelles à un processus qui est la
loi même de la vie.
- Les individus retardés, ou tarés [12], gravissent plus difficilement les échelons et n’abordent jamais la période du travail.
- Ce n’est là que prospection et aménagement, adaptés (…) plus particulièrement aux anormaux [13] qui s’y sont attardés. L’enfant normal veut et doit, à cet âge, aller plus avant.
- Nous orienterons de préférence les enfants vers le langage global, de relation et d’expression selon le processus naturel.
- [Le dessin] doit être absolument libre. (…) Ne donnez aucun
conseil ; ne jugez pas… Contentez-vous de vous intéresser à l’œuvre
réalisée.
- Nos techniques nouvelles répondent à cette nécessité
pédagogique de motivation. (…) Nous avons réalisé pratiquement cette
motivation par notre technique : expression libre, polycopie ou
imprimerie, illustration, réalisation d’un journal scolaire (…), échange
[avec des écoles correspondantes].
- Pour peu que nous l’y aidions [l’enfant] se rendra maître des
techniques, par le même processus qui l’a rendu maître de la technique
du langage.
- Ce qui ne veut pas dire qu’on atteindra d’emblée ainsi la
perfection dans l’harmonie scolaire. Si le mécanisme était parfaitement
réglé, s’il n’y avait pas parmi les élèves des nerveux, des anormaux,
des étourdis, des violents, peut-être. [14]
- Les enfants peuvent se perfectionner dans la connaissance
formelle de la grammaire (nécessité imposée par les programmes plus que
pédagogiquement justifiée).
- Pour les matières de culture générale (histoire, géographie, sciences), on avance au fur et à mesure que naissent ou s’imposent certaines curiosités.
- Les avantages pédagogiques de la rédaction libre et spontanée,
motivée par l’imprimerie, le journal scolaire et les échanges
interscolaires.
- Sans matériel pas de pédagogie Freinet : C’est sur cette base matérielle et technique que s’appuie tout notre système éducatif.
- L’efficience intellectuelle, morale, sociale, de votre
éducation n’est pas conditionnée exclusivement (…) par la personnalité
de l’éducateur ou la valeur magique d’une méthode. Elle est fonction du
matériel employé, de la perfection de ce matériel et de l’organisation
technique du travail.
- Deux élèves sont partis dans le village. Ils vont relever sur
le fronton des vieilles maisons les enseignes, dates et inscriptions qui
leur sont nécessaires pour un travail qu’ils préparent. [15]
- Certains travaux sont faits par l’élève comme il l’entend et quand bon lui semble.
- L’imprimerie présente une perte de temps reconnue par Freinet lui-même, car avec une machine à écrire, en quelques minutes on perfore une page de texte qui aurait demandé au total une heure au moins de composition à l’imprimerie.
- Les travaux aux jardins, les promenades scolaires, les sorties
d’étude ou de visites, individuelles ou collectives, s’insèrent
normalement dans notre processus de travail.
- Ce contrôle ne doit pas être le fait de l’instituteur seul, à
cause des risques humains de partialité, d’arbitraire et d’erreurs. Les
élèves eux-mêmes collaborent à leur propre contrôle (…). Ce contrôle
enfin ne s’exercera pas exclusivement sur le résultat formel obtenu,
mais sur la qualité aussi de l’effort fourni [16]. Il ne suppose qu’exceptionnellement la compétition, du moins par notes chiffrées [17].
- Après avoir longuement expliqué la « tyrannie de la note », Freinet précise au risque de passer pour « scolastique » : Nous y ajoutons la note prévue pour la discipline, la propreté, la vie communautaire.
- Ce système de brevets [de maîtrise dans les branches vitales
d’activité] remplace très avantageusement le système d’émulation par
classement actuellement usité. Il n’y a pas de premiers et de derniers.
[chap. II]
- On ne se lance pas, de but en blanc, dans une technique
nouvelle pour laquelle on n’est point entraîné… Il ne s’agit pas
d’abandonner d’un coup tout un passé dont on ressent les faiblesses,
pour tenter une nouveauté que seuls quelques êtres d’élite peuvent
spontanément dominer. [18]
[chap. IV]
Ce qu’est la pédagogie Freinet en réalité
Freinet se fait l’écho – pour s’en défendre avec véhémence – de
critiques qui s’exprimaient déjà à son époque. Celles-ci étaient hélas
parfaitement fondées, considérant ce que la pédagogie Freinet a donné
dans la réalité des écoles.
Je me suis amusé à retourner le sens des phrases pour retrouver une vision exacte de la réalité.
Citations :
- Une école anarchique dans laquelle le maître ne parviendra pas toujours à maintenir sa nécessaire autorité.
[chap. I]
- Il n’y a vraiment que les pédagogues pour prétendre brûler les
étapes, réussir mieux que la nature, et qui s’obstinent orgueilleusement
dans leurs erreurs malgré l’évidence de leurs échecs.
- Dans les réunions hebdomadaires de la coopérative scolaire s’expriment toutes tendances à la médisance, à la calomnie, à la méchanceté mesquine.
- Ébloui par la complexité, on s’abîme dans la superficialité et le papillonnement.
- Vous pouvez, à un pauvre [élève], montrer le plan d’un travail
qui l’intéresse, qu’il comprend et pour lequel il se sent de suffisantes
aptitudes. Mais s’il n’a pas ensuite (…) les outils nécessaires, il
tâtonnera inutilement, essaiera de suppléer par sa bonne volonté et son
habileté (…). Il n’en échouera pas moins lamentablement, et il sera
guéri, peut-être à jamais, de sa confiance en lui et de son
enthousiasme.
- Les enfants (…) se fatiguent et s’énervent. Vous êtes contraint
d’intervenir, parfois sans succès. Pendant ce temps, vous négligez
d’autres tâches indispensables. Nervosité, désordre, déficience.
- Fatigue encore, nervosité, dispute, désordre, perte de temps des élèves et des maîtres.
- Et nous n’oublierons pas que va immanquablement à la faillite
le magasin qui prétend se lancer dans la complexité des articles (…) :
il est mal approvisionné, avec des articles de qualité douteuse ; les
vendeurs fouillent en vain le désordre des casiers insuffisants (…).
Désordre aussi, énervement des vendeurs, jurons inutiles des chefs de
rayon, mécontentement des clients, déficience générale catastrophique.
- Cette séance de réponse aux questions dégénère en vain
bavardage, les élèves enchaînant questions sur questions au fur et à
mesure de vos explications.
- Un inutile et dangereux papillonnement.
- Chaque fois que l’élève a fait de son mieux, il mériterait la note maximum, quel que soit le résultat. [19]
- Justification pédagogique pour maîtres paresseux : Comme les
fiches sont autocorrectives, il ne s’agit pas de revoir tous les
exercices, mais de contrôler la forme et les résultats, ce qui est très
rapide.
[chap. II]
- Avouons-le, nous [sommes] assez souvent désespérés.
- Il reste (…) très souvent dans notre esprit comme une vague
conscience d’insuffisance. (…) La manie du scrupule formel nous reprend.
[20]
- Quand le doute risquerait de nous tourmenter, nous feuilletterons le journal scolaire réalisé depuis le début de l’année.
[chap. III]
- Jamais nous ne pourrons parvenir à cette perfection dans la
diversité. Nous n’avons pas assez de souplesse, pas assez d’aptitudes.
Cela nous demandera trop de travail. J’ai peur de ne pas réussir !
[chap. IV]
Les points d’accord
Pour terminer sur une note positive, j’ai noté quelques – rares – points d’accord.
Citations :
- On ignorait le travail à l’École maternelle, comme aux degrés
suivants d’ailleurs. On se contentait du principe d’activité qui n’en
est qu’une contrefaçon.
- C’est la nature et la forme du travail scolaire qui doivent déterminer la structure des locaux.
- Au spectacle de la sortie d’une classe, on peut juger de son degré d’organisation fonctionnelle.
- A l’encontre de certains théoriciens d’éducation nouvelle, nous
ne pensons pas que nous devions laisser les enfants aller exclusivement
au gré de leurs tendances et de leurs fantaisies individuelles.
[chap. II]
Nous pourrions même reprendre mot pour mot certaines citations de Freinet pour définir ce que nous faisons.
Citations :
- Notre révolution pédagogique devra naître du désordre existant,
construire le futur au sein du présent, convaincre plus que
contraindre, et convaincre non par des mots, mais par l’évidence d’un
progrès essentiel dans l’organisation, par l’éblouissement d’une
efficience décuplée.
[chap. I]
- Nos réalisations sont toujours, exclusivement, le fruit d’une
expérience tâtonnée pratiquée à même le travail scolaire avec les
enfants (…). Aucune de nos innovations n’a son origine dans une idée a
priori qu’on essaie de faire passer dans les faits : c’est à même le
travail journalier que nous avons adapté les outils anciens, forgé et
perfectionné les outils nouveaux.
- Parce que nous voulons construire effectivement et solidement à
partir du réel, nous cherchons des outils, des techniques, une
organisation qui permettent des résultats éducatifs maximum avec des
instituteurs qui restent dans la norme des humains : c’est-à-dire qui
peuvent perdre leur calme en bien des circonstances, qui n’ont pas
toujours une suffisante patience, ne sont pas d’une habileté
remarquable, (…). Ce n’est pas là tracer un tableau péjoratif des
éducateurs actuels, mais se placer en face des réalités.
[chap. II]
[1] . Fin de récré - Pour une refondation de l’école (Gawsewitch, 2008), page 58.
[2] . Sic !
[3] . Prendre les élèves à témoins pour que « l’esprit de notre enseignement
» soit préservé, c’est dégager bien facilement ses responsabilités de
professionnel de l’enseignement. En d’autres termes, le maître explique à
ses élèves qu’il pourrait faire du bon travail mais que, faute de
moyens, il fait un travail déplorable. La responsabilité glisse ainsi de
l’instituteur vers la mairie ou l’État…
[4] . Nous remarquons dans ces lignes (« forts en thèmes », « premiers de la classe », « orgueil » et non fierté des résultats obtenus) le mépris affiché par Freinet pour les bons élèves.
[5] . Ce qui ne l’empêche pas d’utiliser un registre religieux pour parler du métier d’enseignant : il parle du « champ de notre sacerdoce
» [chap. II]. Le sacerdoce, le dévouement, la vocation… n’appartiennent
pas au registre professionnel que nous voulons pour le métier
d’enseignant.
[6] . Allusion à l’économie planifiée des pays socialistes.
“Une économie planifiée est une économie dirigée, généralement à
l’échelle d’un État, au moyen d’un plan fixant les objectifs de
production sur une période annuelle ou pluriannuelle. Autrement dit,
elle désigne un mode d'organisation fondé sur la propriété collective ou
étatique des entreprises qui se voient imposer des objectifs de
production par un plan centralisé. Elle peut être démocratique ou non,
selon les différents pays qui l'ont appliquée. Elle caractérise les pays
dits du « socialisme réel » (par la propagande officielle) jusqu'au
début des années 1990.” (Wikipédia, article Économie planifiée)
[7] . Cela perdure dans les Programmes de 2008 qui prescrivent de faire La main à la pâte en Sciences.
[8] . La photocopieuse est utilisée à outrance dans toute pédagogie qui se veut “active”.
[9] . Freinet parle d’une « atmosphère familiale d’autocritique » pour cette sorte de Tribunal du peuple hebdomadaire.
Plus loin, Freinet expose une autre pratique qui tourne également souvent au règlement de comptes : « L’élève
responsable passe la revue de propreté. Les enfants sales ou mal
coiffés, passent au lavabo d’où ils reviennent beaux et neufs. (Ce n’est
pas une punition.) ». Cette dernière remarque entre parenthèses en
dit long malgré elle. En effet, ce n’est pas aux élèves, fussent-ils
“responsables”, de veiller à la propreté et à l’hygiène de leurs
camarades.
[10]
. Les amendes en monnaie sonnante et trébuchantes, il fallait y penser…
et surtout oser ! En ce sens, la pédagogie de Freinet est effectivement
nouvelle.
[11] . « L’école de demain » a donc vu le jour avec la loi Jospin de 1989, avec la centration sur l’apprenant.
[12] . Ces épithètes sont surprenantes dans la bouche d’un pédagogue qui cherche à développer au maximum la personnalité des élèves.
[13] . Encore une épithète qui vient à l’encontre de la philosophie éducative proclamée par ailleurs.
[14] . Encore une curieuse façon de parler des élèves pour une pédagogie qui se voulait “nouvelle”.
[15]
. Outre le fait que cette “enquête” soit d’une utilité pédagogique plus
que douteuse, on notera que les élèves peuvent quitter l’école sans la
moindre surveillance.
[16]
. Curieusement, dans l’évaluation de l’effort fourni, Freinet ne
soupçonne plus « les risques humains de partialité, d’arbitraire et
d’erreurs ». Freinet ne nous donne pourtant pas la solution qui
permettrait d’évaluer objectivement les efforts des élèves.
[17] . Donc la compétition – pratique malsaine – existe dans une classe Freinet, même si elle reste exceptionnelle.
[18] . C’est bien le problème de la pédagogie Freinet qui semble bel et bien réservée à « quelques êtres d’élite ».
[19] . On récompense l’effort d’une note sans valeur, on n’évalue pas l’acquisition de la connaissance ou de l’habileté.
[20]
. Il y a de quoi ! Freinet parle de la journée de “travail” : réaliser
un imprimé, amorcer un travail, écouter une conférence, recevoir des
imprimés, des lettres et un colis. Freinet dit : « Nous sentons que nous avons bien travaillé ». Certes, et en plus le maître ne sera pas fatigué en fin de journée…
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Pour l’école du peuple – Guide pratique pour
l’organisation matérielle, technique et pédagogique de l’école populaire
Célestin FREINET
François Maspero /
Petite collection Maspero, n° 51 (Paris, 1969 - 1ère édition :
1946)
181 p.
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