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mardi 24 décembre 2019

André Tricot - Innover en pédagogie : créer ou concevoir ?


mercredi 4 décembre 2019

PISA 2018 : Note par pays - France


Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA)

Résultats du PISA 2018

Note par pays : France




- Le score moyen des élèves en France est de 493 points en compréhension de l’écrit, le domaine majeur évalué dans PISA  2018 – ce qui place la France légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE (487 points). Elle se classe entre le 20e et le 26e rang en compréhension de l’écrit des pays participant au PISA et entre le 15e et 21e rang des pays de l’OCDE, au même niveau que l'Allemagne, la Belgique, le Portugal, la République tchèque et la Slovénie. Les élèves en France ont également obtenu des résultats légèrement supérieurs à la moyenne de l'OCDE en mathématiques et en sciences.


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- Comme déjà observé lors des éditions précédentes du PISA, la France est l'un des pays de l'OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA est le plus fort avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé. Cette différence est nettement supérieure à celle observée en moyenne dans les pays de l’OCDE (89 points). 

- De nombreux élèves, et en particulier les élèves issus d’un milieu défavorisé, ont des ambitions moins élevées que ce à quoi on pourrait s'attendre compte tenu de leurs résultats scolaires. En France, parmi les élèves ayant de bons résultats dans PISA, un sur cinq ne prévoit pas de faire des études supérieures quand il vient d’un milieu défavorisé alors que cette proportion est très faible quand il vient d’un milieu favorisé.

- Les attentes professionnelles des élèves de 15 ans telles que déclarées dans PISA reflètent de forts stéréotypes de genres. Parmi les élèves les plus performants en mathématiques ou en sciences, un garçon sur trois en France souhaite travailler comme ingénieur ou comme scientifique à l'âge de 30 ans, alors que seulement une fille sur six se projette dans ce type de professions. Seulement 6 % des garçons, mais presqu’aucune fille en France, souhaitent travailler dans des professions liées aux technologies de l'information et de la communication (TIC). 

- La France est l'un des pays où les élèves ressentent le moins de soutien de la part de leurs enseignants pour progresser dans les apprentissages. Ainsi, moins d'un élève sur quatre en France (un sur trois, en moyenne dans les pays de l'OCDE) déclare que son professeur lui indique ses points forts. De même, moins de deux élèves sur cinq en France, alors que près d'un élève sur deux en moyenne dans les pays de l'OCDE, déclarent que leur professeur leur indique souvent ou toujours comment améliorer leurs résultats.

- En France, les élèves sont plus souvent préoccupés que dans la plupart des autres pays de l’OCDE par les problèmes de disciplines qui perturbent l’enseignement. Ainsi, un élève sur deux a déclaré dans PISA qu'il y avait du bruit et du chahut dans la plupart ou la totalité des cours – à comparer avec un élève sur trois en moyenne dans les pays de l’OCDE.


vendredi 11 octobre 2019

La pédagogie Freinet : un modèle obsolète




Jean-Pierre Terrail, du GRDS [1], aborde dans un article récent la question de la pédagogie Freinet et de la pertinence de son actualité.

Il faut bien admettre à cet égard que les pédagogies alternatives ont placé la “formation de l’homme” au centre de leur attention, en s’intéressant beaucoup moins à la transmission des savoirs. (…) L’objectif de ce pédagogue, dans le monde social qui était le sien, n’était pas d’introduire ses élèves aux difficultés et aux embûches d’études prolongées, mais de former des paysans, des ouvriers, des employés disposés à l’action coopérative et disposant des moyens (notamment en matière de narration écrite) d’occuper leur position sociale en citoyens libres et solidaires. Le monde a changé, et du même coup ce que sont les présupposés d’une politique scolaire démocratique. Les héritiers de Freinet ont-ils intégré ces nouvelles exigences historiques ? Il est vrai que les effets pratiques des scolarités effectuées dans le cadre des pédagogies alternatives ont rarement été mesurés. Mais le peu que l’on en sait concernant le mouvement Freinet laisse perplexe. Ce que l’on en sait : il s’agit de cette école de ZEP de la banlieue de Lille [2] pratiquant la pédagogie Freinet. La comparaison systématique menée par une équipe universitaire entre les performances des élèves parvenus en fin de CM2, et celles de leurs homologues de l’école voisine dans la ZEP, ainsi que d’une autre école proche, mais hors ZEP et socialement hétérogène, montre que les élèves de l’école Freinet sont aussi à l’aise en narration libre que ceux de l’école hors ZEP, mais que leur maîtrise formelle de la langue écrite et leurs résultats dans toutes les autres matières ne les différencient guère de l’autre école ZEP. Ils n’ont que très partiellement acquis, si l’on préfère, le bagage de ces fameux “savoirs fondamentaux” qui leur serait nécessaire pour poursuivre sans trop de problèmes une scolarité secondaire et supérieure. Qui plus est, on ne sache pas que la publication de cette recherche ait suscité au sein du mouvement Freinet le besoin d’un aggiornamento passant par une meilleure prise en compte des contraintes de la “propagation des connaissances”…
 Inutile d'en dire plus...




[1] . Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire : voir le site.
[2] . Voir cet article.


jeudi 29 août 2019

Visible Learning : la Lune et le doigt



Le travail réalisé par John Hattie et son équipe a suscité, lors de sa parution, beaucoup d’enthousiasme par l’ampleur des données récoltées et par le fait qu’il s’agissait d’une tentative de déterminer les meilleures pratiques d’enseignement en se basant sur des données en grand nombre (plus de 900 méta-analyses).

Les constructivistes, qui tiennent plus à leurs croyances fondées sur l’idéologie que sur les données probantes fondées sur la réalité, ont partout rejeté le travail de Hattie parce qu’il démontrait l’inefficacité de leurs pratiques pédagogiques. Leurs critiques ne sont, par conséquent, que des réactions défensives sans valeur. Inutile qu’on s’y attarde…

En revanche, lorsque Robert Slavin, qui est un chercheur sérieux prônant un enseignement du type instructionniste avec Success for All, dit “John Hattie is wrong” dans un article de son blog, il faut écouter ses arguments et les prendre en considération.

Sa critique pointe le fait que, dans la masse des analyses que Hattie et son équipe ont utilisées, certaines avaient des biais importants. Ces défauts se sont logiquement reportés sur les méta-analyses qui les recensaient malgré tout et, à un niveau supérieur, sur les méga-analyses, pour les mêmes raisons.



Il pointe également le seuil de 0,40 du célèbre cadran qui sert de limite entre les pratiques qui ont un effet tangible et celles qui n’en ont pas. Les effets compris entre 0,15 et 0,40 correspondent à ce que tout enseignant pourrait produire quelle que soit sa méthode. Et ceux compris entre 0,00 et 0,15 équivalent à ce que n’importe quel enfant peut apprendre tout seul, sans le secours de l’école. Or, selon Robert Slavin, ce cadran et les zones qu’il détermine ne tient pas compte de la taille de l’effet. En statistique, c’est la force de l'effet observé d'une variable sur une autre (voir l’article de Wikipédia pour en apprendre davantage).

Le point de vue de Franck Ramus doit également être pris en compte : « Quand on pousse la synthèse à l’extrême il existe évidemment un risque de simplification, de passer à la trappe des détails importants ou de se livrer à des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être. Il ne faut ainsi pas lire les tableaux de Hattie de façon littérale. Et s’il s’agit de convertir ces données en recommandations pratiques pour les enseignants alors oui il est nécessaire de revoir chaque étude retenue dans le détail. Il me semble que les travaux de Hattie constituent davantage un outil pour les chercheurs parce qu’ils sont un point d’entrée systématique et exhaustif vers une littérature scientifique immense et difficile à dominer ».

Quant à Steve Bissonnette, il écrit : « Les travaux menés par l’équipe de John Hattie font l’objet de plusieurs critiques et plusieurs de ces critiques sont valables et recevables. En effet, réaliser une méga-analyse en comparant les résultats provenant de diverses méta-analyses ayant utilisé parfois différentes méthodologies crée le danger de comparer des pommes avec des oranges ! » 

Le “Saint-Graal de l’éducation” – comme le Visible Learning a été très vite qualifié par les médias – n’est donc pas vraiment la relique miraculeuse que tout le monde enseignant espère.

Incontestablement, les instruments de mesure utilisés par les chercheurs ne sont pas parfaits. On retrouve les mêmes limites – et les mêmes critiques – dans les mesures effectuées pour les comparaisons internationales (PISA, TIMSS, PIRLS) ou pour les évaluations standardisées des acquis des élèves. Mais malgré leurs défauts, ces instruments de mesure révèlent un certain nombre d’indications massivement convergentes, dont il serait stupide de rejeter l’évidence au nom d’une perfection qui ne sera jamais de ce monde.

Lorsque le sage montre la Lune, il n’est pas idiot de regarder le doigt. Mais à condition de ne pas oublier, en même temps, de regarder aussi la Lune…




jeudi 15 août 2019

Les conceptions pédagogiques des enseignants du Primaire




Le numéro d’Éducation et Formations de novembre 2018 contient un article révélateur de Jacques Crinon et de Georges Ferone, intitulé “Savoirs et conceptions professionnelles des enseignants” (pp 39-50).

« Au travers d’une enquête menée auprès d’une centaine d’enseignants de l’école primaire en France, nous explorons les conceptions sur les manières contemporaines de faire la classe. »

De cette enquête, les chercheurs ont tiré les conceptions les plus consensuelles, celles qui sont dominantes.

Ainsi :

« Le savoir est à faire émerger des réponses des élèves : l’accent est mis fortement sur l’activité de l’ensemble de la classe, le dernier mot laissé aux élèves, la réticence à donner trop vite le savoir pour privilégier les démarches de recherche, et même à communiquer des savoirs qui apporteraient les clés d’une recherche collective.  L’enseignant reporte à plus tard la leçon, plutôt que d’apporter directement le savoir. À l’inverse, les items qui donnent à l’enseignant un rôle de dispensateur de savoirs ou un rôle modélisant sont très peu choisis. L’enseignant n’enseigne pas directement, mais favorise un apprentissage des élèves passant par leur propre activité de recherche collective, tâtonnante, impliquant dans certaines disciplines la manipulation et dont il importerait de ne pas interrompre le tâtonnement en apportant des informations. »

« Il s’agit bien ici de faire participer, parler, argumenter le maximum d’élèves, de les rendre actifs et de s’appuyer sur leurs représentations et leurs réponses pour introduire les savoirs. »

Cela me rappelle mes formateurs de l’école normale d’instituteurs, à la fin des années 1970, qui, chronomètre en main, comparaient les temps de parole du maître et celui des élèves. Et gare à l’élève-maître qui parlaient plus que les élèves !

Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, voici la conclusion de l’étude :

« Pour les enseignants interrogés, le savoir doit émerger des réponses des élèves, en particulier grâce à des discussions collectives faisant participer le plus grand nombre d’élèves. Ils soulignent également les bienfaits de la différenciation. Ces résultats sont en cohérence avec de précédentes recherches et peuvent étayer l’existence d’un corpus de conceptions communes sur la manière de faire la classe aujourd’hui, assez différentes de la pédagogie transmissive d’antan. Rayou (2000) montre ainsi comment historiquement le concept de l’enfant au “centre” s’est imposé à l’école ainsi que dans les familles, favorisant un modèle éducatif basé sur l’expression de l’enfant. Daguzon et Goigoux (2007) relèvent chez les jeunes enseignants une grande homogénéité́ des conceptions basées sur un modèle pédagogique d’inspiration socioconstructiviste organisé selon trois   principes interdépendants : les élèves doivent être actifs, ils doivent être motivés et doivent prendre la parole. »

Cela fait une cinquantaine d’années que les formateurs, les experts, les conseillers pédagogiques, les inspecteurs, les syndicats majoritaires disent aux instituteurs d’enseigner de cette façon. Toutes ces croyances socioconstructivistes, qui ne reposent sur aucune donnée probante, sont devenues au fil du temps des certitudes stratifiées, pratiquement impossibles à déliter. C’est la raison principale de l’échec durable de notre École : quand les enseignants s’y prennent de travers, il ne faut pas s’étonner des résultats obtenus. Et ces enseignants n’y sont pour rien : on leur a dit de faire comme cela et ils le font. Le malheur, c’est que la plupart sont maintenant convaincus de bien faire…



Voir aussi Convictions et pratiques pédagogiques (TALIS, 2015)


jeudi 20 juin 2019

TALIS 2018 : le métier de professeur des écoles





La note d’information n° 19.22 de la DEPP s’intéresse aux premiers résultats de l’enquête TALIS 2018.

« En 2018, les enseignants français exerçant en classes élémentaires ont participé pour la première fois à l’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) conduite sous l’égide de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Les données ont été collectées via un questionnaire auto-administré dans quinze pays dans le monde, dont six au sein de l’Union européenne (Angleterre, Belgique - Flandre, Danemark, Espagne, France et Suède). Cela représente un échantillon de près de 50 000 enseignants, dont plus de 1400 en France interrogés par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). Les directeurs d’école font également partie de l’échantillon. »

Vu du courant pédagogique Explicite, quelques points méritent d’être relevés, puisque « les premiers résultats permettent de dresser une photographie inédite du métier d’enseignant dans le premier degré à travers la description de leurs pratiques, de leurs conditions d’exercice et de leurs sentiments à l’égard de leur travail et de leur formation. »

Les rédacteurs de cette note rappellent que « l’étude des pratiques d’enseignement repose sur l’existence d’un “effet-maître” sur les acquisitions scolaires, les attitudes et les représentations des élèves, révélé dans de nombreux travaux de recherche depuis les années 1970. » Ce qui est exact.

Mais ils affirment dans la foulée que « les études cherchant à identifier les pratiques les plus efficaces se heurtent souvent à des problèmes de validité externe, car les résultats ne sont pas nécessairement extrapolables à un autre contexte que celui dans lequel ils ont été produits. » Vieille rengaine habituelle des partisans du constructivisme pédagogique qui ne parviennent pas à accepter qu’il y ait des pratiques d’enseignement plus efficaces que d’autres.

Rappelons encore une fois que « les résultats comparatifs obtenus par les différents pays ayant participé au projet de recherche [Enquête internationale conduite par Reynolds et collab. (2002)] montrent que les écoles considérées comme efficaces, c’est-à-dire celles ayant provoqué les gains d’apprentissage les plus élevés auprès de leurs élèves, sont celles qui offrent un enseignement présentant les caractéristiques identifiées par la recherche sur l’enseignement efficace : renforcement positif, leçon structurée et nommant les éléments clés à retenir, vérification de la compréhension des élèves, questionnement fréquent et varié, attentes élevées envers ce que les élèves peuvent apprendre, attention accordée aux réponses des élèves. Ainsi, dans les divers pays qui ont participé à l’étude, le recours aux méthodes d’enseignement efficace s’avère un facteur déterminant contribuant à l’efficacité des écoles. » [1].

Les bonnes pratiques d’enseignement sont universelles. De même, hélas, que les mauvaises…

Nous notons avec satisfaction que « les pratiques pédagogiques structurantes et transmissives (comme le fait pour l’enseignant de présenter aux élèves un résumé des derniers apprentissages ou d’exposer les objectifs en début de séance) font partie des pratiques les plus fréquemment citées par les enseignants [français] interrogés dans le cadre de TALIS. » Cela va dans le sens des pratiques explicites que nous préconisons.

Toutefois, « les enseignants français favorisent moins souvent les stratégies visant à répéter des exercices similaires jusqu’à ce que tous les élèves aient compris le point abordé en séance. » Donc pas de surapprentissage et donc pas d’automatisation permettant le maintien en mémoire à long terme des connaissances et des habiletés.

Le tableau qui est brossé dans cette note des pratiques des enseignants français donne l’impression d’un recours à l’enseignement traditionnel, sans que soient connues les pratiques efficaces de l’Enseignement Explicite. Et pour cause : celui-ci est largement ignoré dans les instituts de formation. Ou pire encore, confondu avec le constructivisme explicité, dernière invention pour justifier le maintien des pratiques de découverte.

Les auteurs de la note rapportent d’ailleurs que « globalement, les enseignants français dressent un constat peu satisfaisant de leur formation initiale. » Cela fait des décennies que la formation professionnelle des enseignants est inefficace à cause des dogmes constructivistes qui y sont déployés de manière univoque, malgré les désastres éducatifs qu’ils provoquent.

Cette formation initiale (ou continue) déficiente et idéologiquement orientée plombe aussi bien les pratiques pédagogiques que les techniques de gestion de classe. Les enseignants français « sont légèrement plus nombreux que leurs collègues européens à indiquer perdre du temps d’enseignement à cause des comportements perturbateurs de certains élèves (44 %) ou à souligner que leur classe est perturbée par beaucoup de bruit (41 %). Surtout, ils indiquent avoir été moins bien préparés à la gestion de classe dans le cadre de leur formation initiale : seuls 16 % éprouvent un sentiment de préparation positif. »

Pour ne pas dire 84 % qui éprouvent un sentiment négatif…


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dimanche 16 juin 2019

Un quart des jeunes ne sont pas des lecteurs efficaces

Journée Défense et Citoyenneté 2018
Plus d'un jeune Français sur 10 en difficulté de lecture

Auteur : Léa Chabanon
MEN-DEPP : Note d'information, n° 19.20
06.2019



En 2018, 11,5 % des jeunes participants à la journée défense et citoyenneté (JDC) rencontrent des difficultés dans le domaine de la lecture. La moitié d’entre eux peut être considérée en situation d’illettrisme. Par ailleurs, près d’un jeune sur dix a une maîtrise fragile de la lecture. Enfin, près de huit sur dix sont des lecteurs efficaces.





Les performances en lecture progressent avec le niveau d’études. Elles sont globalement plus élevées chez les filles que chez les garçons. Les jeunes des DOM sont particulièrement concernés par les difficultés de lecture. En France métropolitaine, c’est au nord que les difficultés de lecture sont les plus fréquentes.




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dimanche 9 juin 2019

À propos du livre L'École à la croisée des chemins



Acheter le livre


C’est en novembre 2013 que Stevan Miljevic et moi sommes entrés en contact. J’avais repéré son blog d’alors et la critique qu’il y faisait de la démarche constructiviste. Depuis nous échangeons régulièrement et en toute amitié.

Le livre qu’il a écrit et qui a été publié récemment, L’École à la croisée des chemins, fait le point sur tout ce que Stevan a appris sur son métier ces dernières années. L’intérêt de sa démarche est de ne pas rejeter a priori les idées constructivistes. Il les expose en montrant sa grande connaissance de ces pratiques par découverte.

Comment pourrait-on d’ailleurs les ignorer alors que toutes les formations, initiales ou continues, nous les présentent, en France comme en Suisse, de manière univoque depuis quarante ans ? Alors que la grande majorité des experts, des inspecteurs, des syndicats, des conseillers, des médias sont unanimes pour dire la grande qualité des pédagogies constructivistes et socioconstructivistes ? Tous les enseignants les connaissent et ont essayé, tant bien que mal, de les mettre en pratique avec les résultats décevants - pour ne pas dire plus ! - qui en résultent. Seuls quelques militants omniscients et omniprésents de ce courant pédagogique disent obtenir des résultats magnifiques avec leurs classes. Mais encore faudrait-il aller voir de plus près ce que cela donne vraiment. Au cours de ma carrière, il m’est arrivé de côtoyer quelques-uns de ces collègues férus de Freinet. Animé d’une saine curiosité professionnelle, je me suis alors intéressé de près à leur façon d’enseigner. Mal m’en a pris, car à chaque fois, j’y ai trouvé des classes agitées et bruyantes sous couvert de “classes actives”, des élèves ayant perdu tout sens de l’effort et n’ayant plus le moindre goût pour la réussite, sans aucun comportement adéquat pour travailler en classe, et n'ayant trop souvent aucune envie d’apprendre et de venir à l’école si ce n’est pour y planter une joyeuse pagaille.

Quant aux collègues “progressistes” de ces classes, quelques-uns se permettaient de donner des leçons à tous les autres instituteurs de l’école et de les culpabiliser en les traitant d’affreux passéistes incapables de comprendre ce qu’est l’École “moderne”. Ils aimaient tellement les élèves qu’ils les fuyaient en devenant très vite conseillers pédagogiques, tant leur chance était grande d’acquérir cette qualification puisque la cooptation est de règle dans la confrérie constructiviste. Les autres – la plupart – étaient des joyeux drilles qui avaient très vite compris que, moyennant un peu de bruit, il était moins fatigant de laisser les élèves « construire leurs savoirs » plutôt que de prendre la peine de leur enseigner quelque chose. Le tout, en étant dans le sens du vent pédagogique et en espérant ainsi obtenir l’assentiment d’une hiérarchie supposée acquise à la “découverte”... mais qui était rarement dupe des apprentissages réellement effectués dans ces classes.

Stevan Miljevic ne fait pas l’impasse sur le constructivisme pédagogique. Il dit ce qu’il faudrait faire en respectant strictement le dogme. Mais il ajoute aussitôt que l’efficacité de ce dogme n’a jamais été démontrée, bien au contraire. Dès lors, pour tâcher de trouver une solution professionnelle à leurs pratiques, les enseignants devraient recourir à la masse de données probantes, la plupart récentes, et aux enseignements, eux aussi récents et convergents, des sciences cognitives. Si on suit cette piste, une pratique se détache alors nettement, celle de l’Enseignement Explicite.

Pour chaque point abordé, la démonstration de Stevan Miljevic est imparable. D’où l’intérêt de mettre son livre dans les mains de tout enseignant, surtout ceux qui sont encore en formation, mais aussi les autres pour qu’ils y trouvent matière à réflexion puis, une fois convaincus, à argumentation.

Je voudrais également souligner le fait que les pratiques Explicites sont faciles à comprendre et encore plus à mettre en œuvre dans sa classe. Depuis que Françoise et moi diffusons et vulgarisons la Pédagogie Explicite, nous avons reçu de multiples témoignages d’enseignants, aussi bien du Primaire que du Secondaire, qui disaient leur surprise et leur extrême satisfaction de voir les élèves se mettre enfin au travail et obtenir des résultats grâce aux pratiques que nous exposions. Et ce, du jour au lendemain. Immédiatement…

Voici ce que dit Stevan Miljevic dans sa conclusion :
« Lorsque j’ai commencé à travailler (…), j’éprouvais des difficultés à tenir mes classes. (…) J’obtenais des résultats guère brillants. J’en ressortais épuisé, déçu de ne pas pouvoir remplir ma mission correctement. (…) Les théories qu’on m’avait présentées me paraissaient tellement contraires au bon sens que j’avais du mal à les appliquer. Lorsque j’essayais, je rencontrais à peu près systématiquement l’échec. (…) Un soir où j’effectuais une recherche sur Internet, je tombai un peu par hasard sur un texte écrit par les grands pontes francophones de l’Enseignement Explicite, les professeurs Gauthier, Bissonnette et Richard. (…) Intrigué, et parce que ce qu’ils préconisaient paraissait empreint de bon sens, je décidai de me lancer et de creuser le sujet. Ce fut pour moi un nouveau départ. (…) Ce que je constatai d’emblée parut encourageant. J’avais l’impression que le niveau montait et que les élèves commençaient à rendre de meilleurs travaux. (…) Plus ma maîtrise pédagogique s’affinait, plus je voyais son effet s’accentuer dans mes classes. À ma grande surprise, l’Enseignement Explicite n’agissait pas uniquement sur les apprentissages, mais aussi sur l’attitude des élèves. Mes cours devenaient de moins en moins agités. Les jeunes se montraient de plus en plus appliqués, concentrés sur ce que je leur transmettais. (…) Inlassablement, j’ai modifié mes approches et inventé de nouveaux dispositifs jusqu’au point culminant où j’ai doublé mon Enseignement Explicite d’une gestion de classe basée sur le soutien au comportement positif. Les effets sont devenus alors détonants. Les élèves atteignent un niveau dont je ne les aurais jamais crus capables auparavant. Ma vision du métier, comme celle des élèves, a radicalement changé. »
Merci Stevan pour ce témoignage.

Et pour la qualité de ce livre dont je recommande chaudement la lecture !

vendredi 7 juin 2019

Évaluation des élèves français à l'échelle internationale


Les dossiers de la DEPP, n° web-dossier 2019.01
05.2019



La France participe à plusieurs comparaisons internationales de performances des élèves :
- PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) pilotée par l’IEA (Association internationale pour l'évaluation de l'efficacité dans le domaine scolaire) ;
- TIMSS (Trends International in Mathematics and Science Study) pilotée par l’IEA ;
- PISA (Program for International Student Assessment) pilotée par l’OCDE ;
- ICCS (International Civic and Citizenship Education Study), pilotée par l’IEA ;
- ICILS (International Computer and Information Literacy Study) pilotée par l’IEA.


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PIRLS
Tous les cinq ans depuis 2001, PIRLS évalue les compétences des élèves de quatrième année d’école obligatoire (CM1, en France) en compréhension de l’écrit, dans près de 50 pays. Outre les comparaisons des performances entre pays, le dernier cycle de l’étude (2016) permet de comparer les évolutions temporelles sur une période de 15 années, ce qui au niveau de l’école élémentaire correspond à une suite de données exceptionnelle.

TIMSS4
À l’école élémentaire, tous les quatre ans, TIMSS4 évalue les compétences des élèves en fin de quatrième année des enseignements systématiques (CM1, en France), tant en mathématiques qu’en sciences. L’étude existe depuis 1995, mais la France s’y est jointe pour la première fois lors du dernier cycle (2015). Les résultats de 2015 ont permis des comparaisons des performances entre pays. Ces résultats constituent en outre une base, un temps T0, et permettront lors du prochain cycle (2019) de comparer les évolutions temporelles sur une période de 4 années.

TIMSS8
Tous les quatre ans, l’évaluation TIMSS8 évalue les compétences des élèves de classe de quatrième en mathématiques et en sciences. Jusqu’à présent, la France n’avait participé qu’à la première édition de l’enquête, en 1995. La France réintègre le dispositif en 2019. Les élèves français de quatrième qui participent à cette étude appartiennent à la même génération que celle qui avait participé en CM1 en 2015. Les résultats qui en seront issus constitueront une base, un temps T0, et permettront lors du prochain cycle (2023) de comparer les évolutions temporelles sur une période de 4 années.

TIMSS Advanced
TIMSS Advanced est une évaluation des compétences en mathématiques et en physique des élèves de terminale S. Elle comprend aussi un échantillon complémentaire d’élèves de classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques. Cette évaluation a été réalisée en mai 2015 dans 9 pays.

PISA
Tous les trois ans depuis 2000, PISA évalue les compétences des élèves de 15 ans dans trois domaines clés : la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique. À chaque cycle PISA, un de ces domaines est privilégié par rapport aux autres, ce qui permet une étude approfondie des résultats et des évolutions le concernant. En 2015, tout comme en 2006, la culture scientifique était au centre de l’évaluation menée dans 72 pays ou « économies partenaires », dont les 35 pays de l’OCDE.

ICCS
L’étude ICCS s’intéresse à la façon dont les jeunes sont préparés à leur rôle de citoyen. Pour cela, l’étude aborde les connaissances, les attitudes et l’engagement civiques et citoyens des élèves scolarisés au grade 8 (équivalent de la classe de quatrième en France). La France participera pour la première fois à l’étude en 2022. Lors de la précédente édition, en 2016, 24 pays étaient représentés.

ICILS
ICILS (International Computer and Information Literacy Study) est un projet international de recherche conduit par l’IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement). Il concerne les connaissances et les compétences des élèves de quatrième en termes d’utilisation des outils numériques et de maîtrise de l’information. L’étude existe depuis 2013, mais la France s’y est jointe pour la première fois lors du dernier cycle (2018).

jeudi 16 mai 2019

Encore du constructivisme explicité !





Tiré de la revue Recherche & formation (2018/1, n° 87, pp 97 à 107), un article
de Patrick Rayou a été mis en ligne le 12 mars 2019. Comme il est intitulé “ Pédagogie explicite”, il a attiré mon attention.

Qui est Patrick Rayou ? C’est un sociologue, ex-professeur en sciences de l’éducation, et membre du laboratoire Escol. Trois indications à charge. Les sociologues en éducation ont toujours été favorables au constructivisme pédagogique pur et dur (la seule exception qui vaille et que je connaisse est Nathalie Bulle). Les sciences de l’éducation sont, en contexte français, dans une situation catastrophique car les aspects scientifiques qu’elles donnent aux travaux sont systématiquement tordus afin de correspondre point par point à l’idéologie constructiviste dominante. Et enfin, le laboratoire Escol se targue de produire des travaux qui « visent pour l’essentiel à étudier et mieux comprendre le renouvellement des processus de production des inégalités sociales et sexuées en matière de scolarisation et d’accès aux savoirs et aux modes de travail intellectuel », donc encore des sociologues de l’éducation qui glosent sur les inégalités et qui en déduisent qu’il faut faire de l’explicite, mais dans le cadre contraint des pratiques constructivistes ou socioconstructivistes. Autrement dit, au vu du pedigree de Patrick Rayou, il faut s’attendre à un article de plus sur ce fameux constructivisme explicité, apparu il y a peu, et qui prétend être le propriétaire de l’expression “pédagogie explicite”, en oubliant que le modèle de l’enseignement explicite a été réalisé dans les années 1980, qu’il a été amené dans le monde francophone dans les années 2000… et qu’il n’a rien à voir avec la contrefaçon constructiviste proposée en France au motif « d’enseigner plus explicitement ».

Tout cela se confirme en consultant la quarantaine de références mises en bibliographie. Rien sur les travaux de Barak Rosenshine. Et une seule mention relative à un article de Clermont Gauthier et Martial Dembélé, “Qualité de l’enseignement et qualité de l’éducation. Revue des résultats de recherche”. Un article de 2004, alors que les travaux sur l’Enseignement Explicite – l’authentique – n’ont pas cessé ces dernières années et que les publications d’ouvrages ou d’études se sont, depuis, multipliées.

En lisant l’article de Rayou, on observe en creux une critique des pratiques constructivistes. C’est le paradoxe insensé de ce nouveau courant du constructivisme explicité qui constate que les pédagogies de découverte noient les élèves, notamment ceux les plus en difficulté, et qu’il faut, en même temps, contrebalancer cette défaillance ontologique par de l’explicitation. On aboutit ainsi à une “découverte explicitée”, qui a autant de signification que “glace chaude” ou “feu froid”. Où est le tâtonnement cher à Freinet dès lors qu’on se permet d’expliquer ? Cette contradiction ne gêne pas les tenants de cette nouveauté pédagogique car on n’est plus à une approximation près en matière de pédagogie constructiviste.

Je parlais de critique en creux des pratiques de découverte. Ainsi, Rayou parle des « difficultés récurrentes à lutter efficacement contre les inégalités scolaires », ce qui interroge « les pédagogies car les enseignants peuvent, avec les meilleures intentions du monde, contribuer à les perpétuer, voire à les augmenter. » C’est un fait aujourd’hui solidement établi que le constructivisme pédagogique est encore plus élitiste que la pédagogie traditionnelle fustigée par Bourdieu. Seuls les « héritiers » parviennent à s’en sortir dans cette École “nouvelle”, puisque les parents peuvent rattraper le soir ce qui n’a pas été fait ou mal fait à l’école dans la journée. L’école constructiviste est « une école qui ne fait pas qu’enregistrer en son sein les inégalités sociales, mais peut participer à leur renforcement. » L’auteur nous livre même une piste : « Les élèves en difficulté scolaire sont souvent ceux qui confondent la manipulation nécessaire à l’apprentissage avec l’apprentissage lui-même ou l’habillage destiné à donner du sens à l’exercice avec l’exercice lui-même. » Et « lorsque les préconisations pédagogiques, insistant sur la mise en activité des élèves, peuvent amener à confondre l’habillage des leçons et exercices avec leurs finalités. » Voilà un des travers – il y en a beaucoup d’autres – caractéristique des pédagogies de découverte. Plus loin, on lit aussi que « le cadre même de l’activité dont il est essentiel qu’il soit commun aux enseignants et aux élèves. Car si ceux-ci ne partagent pas le projet de l’adulte, leurs actions ne viennent s’encastrer [sic !] que localement dans celui-ci. Peuvent alors s’ensuivre de nombreux malentendus, notamment lorsque les élèves prennent pour des concours de devinettes les demandes des professeurs dont ils ne saisissent pas l’intention. » Eh oui ! Il arrive souvent que les actions des élèves ne « s’encastrent » pas avec l’intention de l’enseignant dans les classes de l’École “moderne”. Admirons au passage le verbiage dont font preuve les sociologues, à croire qu’il n’est là que pour masquer la vacuité du propos. Pas étonnant, dès lors, que parmi les élèves « certains s’acquittent des tâches pour avoir la paix ou se perdent dans les anecdotes de la séquence de classe. » Inutile d’en rajouter plus, tout le monde aura compris…

À cela s’ajoute, en filigrane, le mépris pour les élèves issus des couches populaires. Ceux qui sont accusés de contrarier les pratiques constructivistes en n’y entrant pas et en restant obstinément en échec scolaire. Or, c’est justement pour eux que, dans les années 1970 et la massification de l’enseignement, on avait changé les pratiques pédagogiques. Car on pensait que ces nouveaux publics, qui accédaient à des degrés d’instruction auxquels ils ne parvenaient pas auparavant, étaient probablement trop bêtes pour profiter d’une pédagogie classique. Ainsi : « L’entrée, dans le second degré et dans l’enseignement supérieur, d’élèves et d’étudiants issus de catégories sociales qui en avaient longtemps été exclues a mis en évidence l’existence d’implicites qu’il n’était pas nécessaire d’objectiver lorsque les socialisations familiale et scolaire étaient dans une relation de continuité. » D’où les pédagogies de découverte, où le jeu remplace l’effort. Mais comme cela ne fonctionne pas, l’auteur recommande donc de « dissiper les obscurités qui peuvent expliquer que les élèves socialement moins bien dotés ne comprennent pas ce qu’on leur enseigne. » Il faut donc « anticiper les processus de diffraction des savoirs [sic !] qui apparaissent lorsque les élèves ne sont pas accommodés à la culture scolaire. » 

On peut y ajouter une accusation en incompétence des enseignants, stratégie habituelle des constructivistes qui renvoient sur le dos des enseignants l’incurie des pratiques pédagogiques qu’ils imposent : « Les prescriptions des enseignants ne prennent spontanément en compte ni les différentes modalités d’interprétation des tâches scolaires dans les familles populaires ni les véritables didactiques familiales qui peuvent y parasiter la réalisation attendue des devoirs. » Air connu : si cela ne marche pas, c’est la faute des enseignants !

Dès lors, il convient d’« expliciter ce qui, dans les attentes de l’école, pénalise les enfants de milieux populaires. » Voilà la solution du constructivisme explicité.

Mais qu’est-ce que cette fameuse « pédagogie explicite » pour Rayou ? Autant les principes d’instruction de Barak Rosenshine sont clairs et nets, autant les prescriptions des partisans d’« enseigner plus explicitement » sont floues. Mais on peut les résumer : il faut expliquer les consignes au début, puis laisser patauger les élèves, et enfin les faire expliciter leurs trouvailles en espérant qu’ils ne se soient pas noyés en cours de route. Voilà la grande solution du constructivisme explicité.

Mais, comme je le disais, les explications sont beaucoup plus nébuleuses. L’auteur commence par dire que « s’il est assez facile de s’entendre sur ce principe d’explicitation, il est beaucoup moins évident de le mettre en œuvre. » En effet, puisqu’on ne sait pas trop ce qu’il faut faire précisément. Rayou se lance alors dans une démonstration qui, sans le vouloir, devient ridicule : « Vouloir tout expliciter rencontre en effet rapidement une impossibilité logique. Car remplir un tel programme supposerait qu’on explicite les termes par lesquels on explicite, puis ceux grâce auxquels on a explicité et ainsi de suite selon une régression à l’infini. » Régression surtout de l’argumentation : qui irait se perdre à expliciter à l’infini ? Conclusion : « Il faut donc respecter un principe de réticence, au détriment d’une explicitation totale. » Quelle est donc cette « explicitation totale » ? Attention au niveau scientifique de ce qui suit. L’explicitation totale, c’est « l’effet Topaze, dans lequel, par exemple, la restitution exhaustive de la graphie des mots : les moutonsses étaieuennt... » (n’ayons pas peur des pagnolades). C’est aussi « l’effet Jourdain, dans lequel l’enseignant donne, sans qu’elle soit jouée, le gain de la partie à l’élève, (…) à la manière du maître de philosophie du Bourgeois gentilhomme qui valide comme « prose » des propos triviaux de son élève. » Pourtant, les évaluations constructivistes sont célèbres pour leur générosité, sous couvert d’un vernis de bienveillance et d’une réalité de laxisme. L’effet Jourdain permet de masquer aux élèves, aux parents et au système éducatif, la réalité des apprentissages misérables et fragiles menés dans les classes par découverte. L’évaluation constructiviste est l’équivalent dans le domaine éducatif des fameux villages Potemkine.

Pour l’auteur, il n’est pas question de revenir sur les pratiques inefficaces qui ont mis l’école française à genoux. Ainsi, « si l’enseignant possède les informations nécessaires à la production de stratégies d’apprentissage gagnantes de la part de l’élève, il ne peut néanmoins les lui communiquer car celles-ci doivent être proprio motu. » Proprio motu, et rien d’autre : « Si le professeur peut bien expliciter les finalités d’un exercice, il ne peut expliciter tout ce qu’il en attend au risque de stériliser son intérêt et son pouvoir de développement des élèves. » Allez comprendre, si l’enseignant ne peut expliciter ce qu’il attend d’un exercice, il peut expliciter ses objectifs (ce qui pour moi est exactement la même chose) :  « Les enseignants peuvent assez facilement expliciter les buts de l’enseignement, le fait que c’est un travail de longue durée, qu’on apprend de ses erreurs, etc. Ils peuvent aussi expliciter les objectifs et les points nodaux d’une séance. » Il faudrait savoir !

Dans cette perspective, expliquer les stratégies (ce qui est le rôle majeur de l’enseignant Explicite) est une tâche qui incombe aux élèves ! « Il devient de plus en important que les élèves prennent conscience de ce que leur propre explicitation des manières de réfléchir rend leurs activités plus efficaces et permet que les procédures conscientisées soient transférables sur d’autres objets. » Avec un peu de socioconstructivisme, c’est encore mieux : « Construire à l’école des savoirs problématisés semble possible si l’activité des élèves est contrainte par des dispositifs (moments de débats, mais aussi écritures individuelles et collectives, analyses de caricatures sur ce thème) qui poussent à construire des argumentations et à passer de savoirs doxiques [sic !] à d’autres susceptibles d’expliquer non seulement pourquoi les choses sont ainsi mais aussi et surtout pourquoi elles ne peuvent pas être autrement. » Les croyances, les constructivistes se les réservent pour eux. Les élèves n’y ont pas droit…

On lit aussi cette remarque stupéfiante : « Si s’expliciter à soi-même semble une condition sine qua non des apprentissages scolaires contemporains, encore faut-il que la conduite de la classe amène les élèves à devoir rendre compte de ce qu’ils font quand ils agissent et à ne pas se satisfaire de réussir la tâche demandée. » À quoi sert la métacognition si elle ne mène pas à la réussite ? Pour un Explicite, la réussite dans les apprentissages est la priorité numéro Un. Pas pour les constructivistes.

Mais l’auteur nous met en garde : « Les multiples appels contemporains à un enseignement plus explicite peuvent paradoxalement devenir très vite cacophoniques si ne sont pas distingués les niveaux et les moments d’une telle explicitation. » Pour éviter la « cacophonie », Rayou propose deux solutions ultimes : recourir à la didactique et à la sociologie (on n’est jamais mieux servi que par soi-même !) : « Les arrière-plans des apprentissages sont nombreux et le recours à des approches comme la didactique ou la sociologie peut aider à les expliciter. » Et, comme les choses sont très compliquées, il convient de se nourrir « par des analyses didactiques qui éviteraient d’attribuer prioritairement au relationnel les difficultés des élèves et par des approches sociologiques relatives aux conditions contemporaines de l’enseignement massifié. » Et c’est tellement important que c’est dit en conclusion. Si on en est réduit à se tourner vers les didacticiens (majoritairement constructivistes) et vers les sociologues (majoritairement constructivistes), on n’est pas sorti du sable !

Reste le passage inévitable sur les promoteurs du véritable Enseignement Explicite.

D’abord en matière d’apprentissage de la lecture :
 « Une des voies préconisées consiste à faire expliciter par l’enseignant les procédures supposées par la tâche à accomplir. Dans le cas, très vif dans l’école française, de l’apprentissage de la lecture, certains chercheurs insistent sur la nécessité d’enseigner systématiquement le code. Faute de le posséder, les enfants de milieu populaire en particulier se trouvent en effet mis face à des tâches de niveau trop complexe qui supposent à tort la possibilité d’une approche « seconde », réflexive, de textes qu’ils peinent à déchiffrer. Les recherches mettent alors l’accent sur la nécessité d’une acquisition encadrée, au sein de l’institution scolaire, de la fluidité préalable au passage aux compétences de niveau supérieur qui permettent de traiter un texte comme un objet de réflexion. »
Puis sur les chercheurs canadiens :
« À partir d’une réflexion sur l’importance de l’« effet maître » dans la réussite des élèves, plus significatif encore pour les élèves d’origine modeste et d’ethnie minoritaire, s’est développé un courant dit d’« instruction directe » qui vise précisément à expliciter de façon systématique les connaissances et les procédures à apprendre en classe. Pour ces auteurs, à l’inverse des pédagogies par découverte dont l’efficacité n’est pas établie, qui manquent de clarté opérationnelle et sont hors de portée des enseignants ordinaires (Gauthier et Dembélé, 2004), l’instruction directe permet une appropriation supérieure, visible dans les résultats des élèves qui en bénéficient. Une première étape, le « modelage », consiste à enseigner quoi faire, comment, quand et pourquoi le faire, une deuxième, la « pratique guidée », vérifie ce que les élèves ont compris grâce à des tâches à réaliser proches de celles effectuées lors du modelage, une troisième, la « pratique autonome » amène l’élève à réinvestir seul ce qu’il a compris et appliqué lors des étapes précédentes. »
Si ce n’est que les travaux sur l’Explicite n’ont pas démarré d’une « réflexion sur l’effet-maître », mais d’une recherche sur l’efficacité en enseignement. Notons encore la mention du terme « instruction directe » qui se veut péjorative, mais qui est une erronée puisqu’elle correspond au Direct Instruction d’Engelmann et non à l’Explicit Teaching de Rosenshine.

Rayou ajoute que « les controverses scientifiques autour de cette pédagogie reposent sur le sens donné à la notion d’apprentissage. Car si cette méthode semble pertinente pour construire des procédures de base évaluées par des questions fermées ou semi-ouvertes, elle ne donne pas les mêmes résultats lorsqu’il s’agit de résoudre une situation inédite et les enseignants les plus efficaces jugés à l’aune des évaluations inspirées par la pédagogie par objectifs le sont beaucoup moins lorsque l’évaluation est celle des compétences. » Si j’ai bien compris, l’enseignement explicite marche pour tout ce qui est simple mais ne marche pas pour ce qui est compliqué, dans une « situation inédite ». Sur quelle étude se fonde une telle affirmation ? Mystère, on doit prendre cela comme argent comptant. Le malheur pour Rayou, c’est que le projet Follow Through qui « est aujourd'hui considéré comme la plus vaste et la plus dispendieuse étude expérimentale jamais menée dans le monde de l'éducation » (voir cet article) prouve exactement le contraire :
« Les résultats obtenus clans le cadre du projet Follow Through sont clairs : les données recueillies montrent la supériorité de l'efficacité d'une approche, à savoir le Direct Instruction (DI). Seul le modèle du DI obtient des résultats positifs dans les trois domaines évalués, à savoir les domaines scolaires, cognitifs et affectifs, en plus de présenter les résultats les plus élevés pour les trois mesures (Adams, 1996). Cette approche fait usage de séquences d'enseignement hautement structurées qui indiquent à l'enseignant les détails précis du déroulement des leçons. Avec cette approche très directive, l'enseignant est formé pour l'utilisation du matériel qui s'élabore autour de séries de questions/réponses suivies des procédures de correction. Quelle que soit l'analyse effectuée, les élèves évoluant dans les groupes du DI ont fait les plus grands gains d'apprentissage comparativement aux élèves des autres modèles évalués dans le projet Follow Through. »
Quand la sociologie finit par ressembler à l’astrologie…

dimanche 14 avril 2019

Études flamandes sur la pédagogie Freinet

Jerissa de Bilde


Jerissa de Bilde, Jan Van Damme  et al. (2011). The impact of alternative education in Flanders on children’s early non-cognitive development., Université catholique de Louvain.

Jerissa de Bilde (2011) et Jan Van Damme, ainsi que leur équipe, ont réalisé une étude comprenant un échantillon de 6000 élèves inscrits dans 190 écoles primaires de Belgique. Selon les chercheurs, si les enfants des écoles actives montrent des aptitudes plus positives au début de leur apprentissage, il a été remarqué qu’en fin de parcours les résultats scolaires étaient meilleurs parmi les élèves des écoles traditionnelles. Par ailleurs, l’étude a également démontré que l’enthousiasme et l’intérêt des élèves pour l’école étaient similaires entre les élèves des différentes écoles.

Le Soir, article du 21.02.2013 :
« Un enfant qui a suivi sa scolarité dans une école proposant de la pédagogie active de type Freinet, Montessori ou Steiner obtient de moins bons résultats en mathématiques au sortir de l’école primaire que celui qui a suivi un cursus traditionnel. C’est la conclusion à laquelle arrive l’étude de Jerissa de Bilde (KUL) qui porte sur un échantillon de 6 000 élèves répartis dans 190 écoles primaires. Selon la chercheuse de la KUL, alors que les enfants des écoles “alternatives” montrent de meilleures aptitudes durant les premières années d’apprentissage que leurs camarades plongés dans l’enseignement traditionnel, la tendance s’inverserait par la suite, non seulement en mathématiques mais aussi en lecture et orthographe. Jerissa de Bilde observe par ailleurs que les enfants qui suivent un enseignement construit sur le modèle “actif” montrent un enthousiasme similaire à celui de leurs camarades du “traditionnel” alors que l’autonomie et la liberté constitutives de la pédagogie active seraient des gages de plus d’adhésion. »

Jerissa de Bilde, Jan Van Damme, Carl Lamote & Bieke De Fraine (2013). “Can alternative education increase children’searly school engagement? A longitudinal study from kindergarten to third grade.”, in School Effectiveness and School Improvement – An International Journal of Research, Policy and Practice, Volume 24, 2013 - Issue 2: Educational effectiveness approaches in early childhood research across Europe

Cette étude examine l'impact de l'éducation alternative sur un échantillon de 2776 enfants d’écoles flamandes traditionnelles et alternatives (Freinet et Waldorf), élèves qui ont été suivis de la maternelle jusqu’au CE2. Elle montre qu’il n’y a pas d'effet positif de l'éducation alternative sur l'engagement scolaire. En revanche, il a été constaté que dans l'éducation alternative, les enfants agissaient de manière moins indépendante que dans les écoles traditionnelles.