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dimanche 2 juillet 2017

Environ un quart des jeunes Français ne sont pas des lecteurs efficaces en 2016

Journée Défense et Citoyenneté 2016
Environ 1 jeune Français sur 10
en difficulté de lecture

Auteurs : Philippe Arzoumanian, Léa Chabanon, Jean-Philippe Rivière, Fanny De La Haye, Jean-Émile Gombert
MEN-DEPP : Note d'information, n° 17
06.2017

En 2016, environ un jeune participant à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) sur dix rencontre des difficultés dans le domaine de la lecture. Pour la moitié d’entre eux, ces difficultés se révèlent sévères. Un jeune sur dix a une maîtrise fragile de la lecture. Par contre, près de huit sur dix sont des lecteurs efficaces et chez les filles, ce sont environ neuf sur dix qui sont des lectrices efficaces.
Les performances en lecture progressent avec le niveau d’études. Elles sont globalement plus élevées chez les filles que chez les garçons. En France métropolitaine, c’est au nord de la Loire que les difficultés de lecture sont les plus fréquentes.

En 2016, plus de 760 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans, de nationalité française, ont participé à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Selon les évaluations effectuées à cette occasion, 10,8 % d’entre eux sont en difficulté de lecture. C’est d’abord le niveau en compréhension de l’écrit (traitements complexes) qui distingue les jeunes ayant des difficultés de ceux qui n’en ont pas. Les lecteurs efficaces se distinguent des lecteurs médiocres par une connaissance supérieure du vocabulaire.

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5,1 % des jeunes peuvent être considérés en situation d’illettrisme

L’étude des différents profils des 10,8 % de jeunes dont la compréhension en lecture est très faible (profils 1 à 4), voire inexistante, permet de préciser la nature des difficultés qu’ils rencontrent.
Ceux qui rencontrent les difficultés les plus sévères (profils 1 et 2), et qui représentent 5,1 % de l’ensemble, se caractérisent par un déficit important de vocabulaire. De surcroît, les jeunes du profil 1 (3,2 %) n’ont pas installé les mécanismes de base de traitement du langage écrit. Les jeunes des profils 1 et 2 peuvent être considérés en situation d’illettrisme, selon les critères de l’ANLCI (Agence nationale de lutte contre l’illettrisme).
Les jeunes des profils 3 et 4 (5,7 %) ont, quant à eux, un niveau lexical oral correct mais ne parviennent pas à comprendre les textes écrits. Pour les jeunes du profil 3 (2,6 %), des mécanismes de lecture déficitaires peuvent être invoqués. Quant à ceux du profil 4 (3,1 %), ils ont un niveau de lexique correct mais comprennent mal ce qu’ils lisent.

11,7 % de jeunes aux acquis limités

L’évaluation permet d’identifier des profils particuliers de lecteurs : les jeunes des profils 5a et 5b parviennent à compenser leurs difficultés pour accéder à un certain niveau de compréhension. Pour eux, les composants fondamentaux de la lecture sont déficitaires ou partiellement déficitaires.
Les jeunes du profil 5b (7,9 %) qui ont pu rencontrer des difficultés de compréhension de certains mots dans les épreuves complexes ont su compenser leur lacune de vocabulaire pour parvenir à une compréhension minimale des textes. Ce type de compensation est plus remarquable encore chez les jeunes du profil 5a (3,8 %) chez qui le déficit lexical se double de mécanismes de traitement des mots déficients (ils affichent un temps moyen de déchiffrage de 2,5 secondes contre 1,6 seconde pour les jeunes du profil 5b).
On peut supposer que pour les profils 5a et 5b, l’activité de lecture, sans doute plus coûteuse sur le plan cognitif, ne constitue pas un moyen facile permettant d’enrichir efficacement leurs connaissances lexicales. La lecture reste pour ces deux profils une activité laborieuse mais qu’ils savent mettre en œuvre pour en retirer les fruits.
Ces résultats soulignent l’importance de la compétence lexicale. Les jeunes des profils 5a et 5b reconnaissent seulement une dizaine de mots parmi les vingt vrais mots présents dans une liste qui mélange des mots et des « pseudo-mots », créés pour les besoins de l’évaluation. Leurs performances sont nettement en-deçà de celles des « lecteurs efficaces » (dix-sept vrais mots reconnus en moyenne).
On peut imaginer que ces lecteurs défaillants, pour rendre la tâche plus facile, emploient une stratégie de compensation qui consiste à faire des hypothèses sur le produit de leur lecture. Pour cela, il leur est indispensable d’avoir un lexique suffisant pour réduire les probabilités d’échec et faire de cette stratégie une façon de lire fructueuse. L’automatisation des processus cognitifs impliqués dans l’identification de mots ne permet pas toujours de garantir l’efficacité de traitement d’écrits complexes.

77,5 % de lecteurs efficaces

Les profils 5d et 5c ont été regroupés sous l’appellation « lecteurs efficaces ». Les profils 5d, soit 63,6 % des jeunes ayant participé à la JDC en 2016, ont réussi les trois modules de l’évaluation. Ils possèdent tous les atouts pour maîtriser la diversité des écrits et leur compétence en lecture devrait évoluer positivement.
Quant au profil 5c (13,9 % de l’ensemble des jeunes), il désigne une population de lecteurs qui, malgré des déficits importants des processus automatisés impliqués dans l’identification des mots, réussit les traitements complexes de l’écrit, et cela en s’appuyant sur une compétence lexicale avérée. Leur lecture est fonctionnelle grâce à une stratégie de compensation fructueuse. Ils ont su adapter leur vitesse de lecture, relire et maintenir un effort particulier d’attention en dépit de leur mauvaise automatisation des mécanismes de base de la lecture (décodage, identification des mots). Ces lecteurs mettent au service de la lecture une compétence langagière ancrée dans l’oralité. La faible vitesse avec laquelle ils traitent les écrits marque la différence entre eux et les lecteurs du profil 5d. Les lecteurs du profil 5c sont efficaces mais plus lents : en moyenne, ils mettent 2,5 secondes à déchiffrer une paire de mots, contre 1,5 seconde pour les jeunes du profil 5d.
La question qui se pose pour ces jeunes reste celle des effets d’un éventuel éloignement des pratiques de lecture et d’écriture : les mécanismes de base étant insuffisamment automatisés, le risque est que l’érosion de la compétence les entraîne vers une perte d’efficacité importante dans l’usage des écrits. Les sollicitations de leur environnement professionnel et social seront donc déterminantes.

45,8 % des jeunes de niveau collège ont des difficultés de lecture

Quatre types de scolarité ont été définis en fonction des formations que les jeunes déclarent suivre ou avoir suivies. Les jeunes en difficulté de lecture sont de moins en moins nombreux à mesure que le niveau d’études s’élève : de 45,8 % chez ceux qui n’ont pas dépassé le collège à 4,3 % chez ceux qui déclarent suivre ou avoir suivi au moins des études générales ou technologiques au lycée. Ils représentent aussi une part encore importante chez ceux qui, à 17 ans environ, ont un niveau CAP ou BEP (28,5 %).

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Les garçons plus souvent en difficulté que les filles

Le pourcentage de jeunes en grande difficulté est très différent selon le sexe : 12,4 % des garçons contre 9,2 % des filles. De fait, les garçons réussissent moins bien les épreuves de compréhension (traitements complexes). De plus, ils témoignent plus souvent d’un déficit des mécanismes de base de traitement du langage écrit, ce qui explique leur présence significativement plus importante dans les profils 1 et 3.

Les différences garçons/filles s’observent en particulier pour les niveaux d’études les moins élevés. À partir du niveau baccalauréat, pour les trois épreuves, les performances des garçons et des filles ne sont pas significativement différentes. Plus précisément, les garçons n’ayant pas dépassé le collège sont, en moyenne, légèrement moins rapides que les filles à l’épreuve d’automaticité. En lexique, ils obtiennent de meilleurs résultats que les filles à niveau d’études égal, mais ont dans l’ensemble un niveau similaire à celui des filles. En traitements complexes, bien que les scores des filles et des garçons soient proches à niveau scolaire égal, les garçons sont moins performants dans l’ensemble. Ces résultats, apparemment contradictoires, s’expliquent par un effet de structure : le pourcentage de garçons est plus élevé que celui des filles dans les niveaux scolaires les plus bas.

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Dans la France métropolitaine, l’académie d’Amiens est la plus touchée par les difficultés en lecture

La fréquence des difficultés de lecture est, en France métropolitaine, plus prononcée dans des départements du nord ou entourant l’Île-de-France. La part des jeunes en difficulté de lecture s’élève ainsi à 17,7 % dans l’Aisne et 17,5 % dans la Somme. Elle atteint aussi 14,4 % dans la Nièvre et 13,5 % dans l’Oise. Elle est en revanche inférieure à 10 % en moyenne dans les départements bretons. En Île-de-France, la part des jeunes en difficulté varie de 5 % à Paris à 11,8 % en Seine-Saint-Denis. Concernant l’outre-mer, les pourcentages sont nettement plus élevés : autour de 30 % pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, 48 % en Guyane et 73 % à Mayotte.
Les comparaisons entre départements doivent toutefois être maniées avec précaution. En effet, ces résultats concernent des jeunes de nationalité française, qui représentent environ 96 % des générations scolarisées en France, cette proportion pouvant être sensiblement différente d’un département à l’autre. De plus, les jeunes participants à la JDC n’ont pas tous le même âge. Certains jeunes, en proportion variable selon les départements, ne se sont pas encore présentés à la JDC, et l’on sait, de par les précédentes enquêtes, qu’ils auront globalement de moins bons résultats que les autres.


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