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mercredi 16 novembre 2011

L’évolution du nombre d’élèves en difficulté face à l’écrit depuis une dizaine d’années (INSEE)

Auteurs : Jeanne-Marie Daussin, Saskia Keskpaik, Thierry Rocher
France, portrait social, Édition 2011, p 137-152
11.2011



Introduction :

Depuis une dizaine d’années, le pourcentage d’élèves en difficulté face à l’écrit a augmenté de manière significative et près d’un élève sur cinq est aujourd’hui concerné en début de 6e. Si le niveau de compréhension de l’écrit des élèves moyens n’a pas évolué, la plupart des évaluations témoignent d’une aggravation des difficultés parmi les élèves les plus faibles. Alors que la maîtrise des mécanismes de base de la lecture reste stable, les compétences langagières (orthographe, vocabulaire, syntaxe) sont en baisse, ce qui explique l’aggravation du déficit de compréhension des textes écrits, parmi les élèves les plus faibles. En moyenne, les filles ont de meilleures performances que les garçons dans le domaine de la compréhension de l’écrit ; cet écart s’accroît dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE depuis une dizaine d’années. En France, le statut économique, social et culturel des parents explique aujourd’hui une plus grande part de la variation des scores des élèves qu’en moyenne dans l’ensemble des pays de l’OCDE. C’est dans les collèges en zones d’éducation prioritaire que l’augmentation des difficultés est la plus marquée : près d’un tiers de ces collégiens éprouvent des difficultés face à l’écrit, contre un quart il y a dix ans. Les élèves de ZEP d’aujourd’hui ne sont peut-être pas tout à fait comparables à ceux d’hier, toutefois la composition sociale de ces collèges semble plutôt stable.

mardi 11 octobre 2011

Livre : Sauvons les garçons ! (Jean-Louis Auduc)


Jean-Louis AUDUC : Il est directeur adjoint de l'IUFM de Créteil. Agrégé d'histoire, il dirige une collection de manuels d'éducation civique et poursuit des recherches sur l'enseignement aux publics difficiles, les relations parents-enseignants et les évolutions du système éducatif.

Résumé :
Pourquoi sauver les garçons ? On a rarement l'occasion de penser le genre masculin comme une catégorie disqualifiante. Et pourtant... à l'école, être un garçon se révèle un handicap.
La douloureuse adaptation masculine au système éducatif commence seulement à devenir visible. Aujourd'hui, sur les 150 000 jeunes sortant chaque année sans aucune qualification du système éducatif, plus de 100 000 sont des garçons. Moins précoces et moins diplômés, les garçons sont devenus en quelques décennies le sexe faible de l'école.
Ce constat reste encore largement ignoré. En plus, il dérange. Il faut pourtant comprendre les causes de cette nouvelle fracture dans le système éducatif et proposer des réponses. Car des remèdes existent et sont déjà expérimentés dans d'autres pays...



Commentaire :

Dans ce petit livre, Jean-Louis Auduc tire la sonnette d’alarme à propos d’un problème qui n’était jusqu’alors jamais évoqué : l’échec scolaire des garçons. Les faits sont indéniables car « sur les 150 000 jeunes sortant sans aucune qualification du système éducatif, plus de 100 000 sont des garçons » (p 9). Mais on a du mal à admettre la réalité de cette infériorité masculine : « Il est difficile pour ceux et celles qui ont travaillé toute leur vie sur les discriminations dont souffrent toujours les femmes de percevoir qu’à l’école, désormais, les situations se sont inversées » (p 69). « La réalité de l’échec masculin passe souvent inaperçue, à l’école comme dans l’opinion publique. Les uns et les autres éprouvent, pour différentes raisons, un certain malaise à reconnaître que les garçons rencontrent plus de difficultés au sein du système éducatif. Que ce soient pour les convaincus de la supériorité masculine, pour les féministes ou les égalitaristes, le constat déplaît et ne suscite que peu de curiosité. Pour tous, il n’y a aucune raison pour que les garçons soient particulièrement en échec » (p 80). « Comme les hommes sont censés être dominants, leur conditionnement sexué n’est pas perçu comme un problème. Pourtant, ces stéréotypes limitent les garçons de la même manière que les filles » (p 64).

L’auteur s’attache à dresser l’inventaire des causes de ce phénomène.
Il y a d’abord – et je dirai surtout – des causes culturelles et sociales : « Partout où la domination masculine fut historiquement plus prégnante, les femmes se sont emparées de l’école, et ce sont les garçons, élevés dans un contexte culturel les assurant le plus entièrement de leur supériorité, qui sont aujourd’hui les plus confrontés à l’échec scolaire. La France participe pleinement aux caractéristiques des pays du Sud » (p 40). C’est l’éducation reçue dans les familles qui en est responsable : « Les différences sexuées dans les parcours scolaires ne peuvent être pensées en dehors de l’institution de la famille. (…) La majorité des parents, encore aujourd’hui, conserve des représentations sexuées des métiers préférables pour les enfants. Si celles-ci contribuent à limiter l’horizon professionnel des filles, elles concourent également à négliger l’échec scolaire masculin en supposant que l’insertion professionnelle des garçons sera plus aisée. (…) Une moindre présence paternelle pèse également sur le manque d’implication des garçons dans leur scolarité. (…) Les femmes assumant la quasi-totalité du soutien scolaire parental, elles sont plus attentives aux résultats de leurs filles, alors que les garçons ne reçoivent pas le même accompagnement de la part de leur père. (…) Même si le niveau d’éducation de la mère demeure pour les garçons un facteur présageant de leur réussite scolaire, cette corrélation est moins perceptible que pour les filles. Qui plus est, cette absence de père référent s’accentue encore aujourd’hui avec le développement des familles recomposées, au sein desquelles la mère représente en général le pivot constant autour duquel va évoluer la structure familiale » (p 58-59).


C’est particulièrement vrai dans les pays méditerranéens et dans les milieux défavorisés : « L’écart sexué de performances s’éclaire lorsqu’il est articulé à la variable de l’origine sociale. (…) Cet écart est plus significatif dans les pays méditerranéens et au sein des familles issues des milieux les moins favorisés. (…) Dans toutes ces familles, les filles peuvent se sentir valorisées à l’école, ce qui n’est pas toujours le cas à la maison, où elles sont l’auxiliaire de la mère et où les garçons seront tenus pour des “petits rois” » (p 62-63).

D’autant plus lorsque le rôle de l’école est dévalué ou nié : « Même si toutes les statistiques disent le contraire, certaines familles adhèrent encore à la légende, commentée abondamment par certains médias, des chômeurs diplômés plus nombreux que les chômeurs non qualifiés. Rappelons que pour les 15-24 ans, le taux de chômage des jeunes personnes sans qualification atteint 45 %, alors qu’il n’est que de 12 % en moyenne pour ceux qui possèdent un diplôme, même minime » (p 61).

À l’autre bout de l’échelle sociale, le problème se pose beaucoup moins : « Parce qu’un niveau scolaire élevé des parents garantit, en général, aux enfants une faible adhésion aux stéréotypes de sexes, plus on monte dans l’échelle sociale, plus l’écart de résultats entre filles et garçons s’amenuise. Ainsi, les difficultés scolaires masculines concernent davantage la masse que l’élite » (p 102).

Par l’éducation qu’ils reçoivent à la maison, les garçons affichent un comportement totalement inadapté au cadre scolaire, contrairement aux filles : « L’une des raisons les plus évidentes de cet écart de résultats réside dans les comportements de chacun à l’école. Les filles méritent leur avance. Elles travaillent davantage. (…) Indiscipline et désinvolture sont, en majeure partie, masculines » (p 45). « Les stéréotypes sexués transmis aux garçons, qui apprennent la compétition, l’affirmation du moi, la suprématie de l’activité physique, rendent leur adaptation au système scolaire plus difficile. Dès le primaire, un bon élève, c’est un ensemble d’attitudes : des devoirs soignés, être à l’heure, être à l’écoute de l’enseignant, ne pas s’agiter, avoir son matériel, des cahiers bien tenus… » (p 53). « Cette culture de l’indiscipline caractéristique de la socialisation scolaire masculine participe sans nul doute à produire les conditions de l’écart de résultats constaté entre les filles et les garçons » (p 56-57).


Et cela se produit dès l’élémentaire : « Dès l’école primaire, les garçons manifestent un retard dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture. Redoublant davantage que les filles, ils représentent la quasi-totalité des effectifs des structures pour élèves en refus scolaire ou coupables de comportements violents » (p 10).


Cela a notamment pour conséquence de tendre, à l’école, les relations entre filles et garçons : « Humiliés face à des filles en réussite, pour démontrer une supériorité inexistante dans les classes, certains [garçons] vont bousculer, agresser physiquement, voire sexuellement, leurs camarades [filles] » (p 68). « La conviction de leur supériorité confronte les garçons à des contradictions insolubles en ne se traduisant pas par une supériorité intellectuelle sur les filles de leur classe. Leurs modes de défense sont alors de dévaluer les savoirs scolaires et de se rebeller contre l’école » (p 13).


Pourtant, selon l’auteur, la solution ne consiste pas à revenir sur la mixité : « Selon de nombreuses études, la non-mixité ne produit en soi aucune amélioration des résultats scolaires masculins. (…) Plusieurs études (…) avancent l’idée que la non-mixité avantagerait les filles » (p 77 et 78). Tout au plus, on peut envisager que « pour mieux prendre en compte (…) les approches de chacun, (…) certaines disciplines comportent quelques heures de cours où garçons et filles seraient séparés » (p 86).


L’école peut utilement lutter contre les stéréotypes qui desservent les garçons : « Dans le cadre spécifique de l’environnement scolaire, la déconstruction et la remise en cause des stéréotypes sexués paraissent aujourd’hui plus nécessaires aux garçons qu’aux filles » (p 54). «  Il est important de démontrer à l’école l’arbitraire des croyances sur le féminin et le masculin, et particulièrement à ceux dont les familles les reproduisent sans questionnement » (p 85). Mais il ne faut pas se leurrer car l’école pèse bien moins que la famille dans la transmission des valeurs : « L’école ne peut, à elle seule, déconstruire les stéréotypes sexués transmis au sein de la famille. » (p 83). Il arrive même que ce soit l’enseignant lui-même qui ait des idées préconçues : « L’école, loin de corriger les représentations traditionnelles transmises au sein de la famille, contribue à les confirmer. (…) La croyance des instituteurs dans la supériorité des garçons en mathématiques et des filles en littérature est décelée, dès l’école primaire, alors même que les différences de performances sont inexistantes » (p 57).


Un des aspects du problème est que la profession enseignante est massivement féminisée. Or, « peu de garçons envisagent de choisir un métier qu’ils ont vu durant leur enfance exercé par des femmes. Si l’on encourage les filles à intégrer des disciplines scientifiques, il faudrait encourager les garçons à devenir enseignants, juges, infirmiers ou assistants sociaux, autant de professions massivement féminisées aujourd’hui » (p 90). La parité homme-femme devrait jouer dans l’enseignement aussi : « La valorisation culturelle et collective des garçons s’effectue toujours par l’intermédiaire de qualités s’exprimant en dehors de l’école, telles que la force, le courage, l’adresse, l’impulsivité ou l’insoumission. Présenter en classe des parcours scolaires masculins réussis permettrait aux jeunes garçons de s’identifier à des hommes estimés pour leurs compétences scolaires » (p 96).


On ne permet plus aux garçons certains jeux qui seraient trop violents (qu’on appelait autrefois des “jeux de garçons” où les coups, les plaies et les bosses n’étaient pas rares) : « Le genre masculin, longtemps bénéficiaire d’une suprématie indiscutée, est aujourd’hui l’objet de représentations négatives dues, pour l’essentiel, au fait que la violence est désormais inacceptable » (p 67). « Parce que nous tolérons de moins en moins la violence et l’existence des risques, nous avons rendu l’école de plus en plus aseptisée. (…) Aujourd’hui, nous judiciarisons la moindre blessure, le moindre incident, la moindre querelle entre jeunes… » (p 95). Mais en interdisant tout, on ne supprime pas les risques, bien au contraire : « Une étude concernant les jeux dangereux chez les élèves a (…) montré que plus la gestion de la cour de récréation est stricte (interdiction de jeux de balles, interdiction de sauter ou de courir…), plus les risques de comportements extrêmes, tels que les arrêts volontaires de la respiration ou le jeu du foulard, sont grands chez les jeunes garçons » (p 95).


Reste la question pédagogique : « Cet échec massif et précoce des garçons ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune prise en charge spécifique. Alors que de nombreuses publications se penchent sur les outils pédagogiques de la réussite des filles, aucun manuel à l’usage des enseignants ne questionne les caractéristiques du rapport masculin à l’école. (…) La communauté pédagogique n’arrive pas à faire de l’échec scolaire masculin un sujet de réflexion, un axe de lecture, un objet d’intervention » (p 11). Et l’auteur de proposer comme solutions pédagogiques de développer des situations de coopération entre élèves ou de minimiser la compétition… Ce qui est un peu court, surtout dans une école où la compétition est bannie depuis près de quarante ans et où les situations de coopération à la Freinet ont échoué lamentablement.


C’est d’ailleurs le principal défaut de ce livre : parler - du bout des lèvres - de solutions pédagogiques qui n’en sont pas. Alors que les pratiques d’enseignement  explicites ont fait la preuve de leur efficacité, surtout dans les quartiers difficiles, avec des élèves en difficultés dont nombre de garçons. L'auteur aurait dû s'informer !


Mais, à cette réserve près, la lecture du livre de Jean-Louis Auduc est très intéressante parce qu’elle bouscule nos propres idées reçues sur les discriminations homme-femme qui s’opèrent à rebours dans le cadre scolaire. Le sauvetage des garçons passe d’abord par une prise de conscience.


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Sauvons les garçons !
Jean-Louis AUDUC
Descartes & Cie, 11/2009, 103 p.

lundi 26 septembre 2011

Effets des pratiques pédagogiques sur les apprentissages (IFÉ)

Auteur : Annie Feyfant
Veille et analyse - IFÉ, Dossier d'actualité n° 65
09.2011




L’enseignement explicite est décrit comme un enseignement efficace par quantités d’études, de recherches, d’analyses, de méta-analyses, de méga-analyses.

Dès lors, comment peut-on s’en sortir lorsqu’on veut porter secours aux « tenants de la pédagogie Freinet, du constructivisme ou du socioconstructivisme », c’est-à-dire ceux pour qui s’est toujours battu l’INRP devenu aujourd’hui l’IFÉ ?

Annie Feyfant nous propose dans cet article plusieurs solutions :
- d’abord tenter d’ergoter sur la définition d’une pratique pédagogique en se demandant si c’est la pratique d’un enseignant ou bien la pratique d’enseignement afin d’enfumer le lecteur d’emblée ;
- ensuite se poser la question de savoir ce qu’on entend par “efficace”, comme si on ne disposait pas de dictionnaire ;
- après essayer de distinguer une pratique efficace d’une bonne pratique, comme si on ne pouvait pas avoir les deux en même temps ;
- il convient alors d'estimer que les indicateurs permettant de qualifier un enseignement d’efficace ne sont pas bons, ne sont pas justes, ne sont pas adéquats, ne sont pas si, ne sont pas mi ;
- et, si tout cela ne suffit pas, parler des “effets de contexte” (effet-maître, effet-classe, effet-école, effet-socioculturel, effet-socioéconomique, etc.) pour relativiser les résultats en les imputant à des causes extérieures à la pratique d’enseignement… comme si la preuve d’efficacité de l’enseignement explicite n’avait pas été d’abord apportée dans les quartiers défavorisés.

Nous avons là tout l’arsenal habituel de ceux dont les croyances constructivistes sont extrêmement perturbées par les résultats récents et massifs de la recherche. Normalement, quand une chose nous dérange, notre avis change. Eh bien, pas là : comme l’avis ne change pas, c’est la chose en question qu’il faut nier ou atténuer ou dénigrer ou disqualifier.

Franchement, ressortir l’étude d’Yves Reuter sur la pédagogie Freinet dans le cadre d’un article sur l’enseignement efficace, il fallait le faire !

Très sincèrement, je plains beaucoup nos amis chercheurs canadiens engagés dans ce travail sur les pratiques d’enseignement efficace. Non seulement ils ont à faire un travail sérieux pour sortir les données probantes de dessous le boisseau où on les maintient, mais en plus ils doivent essayer de convaincre des gens qui ne veulent rien voir, rien entendre et rien comprendre.

Et malgré tous ces obstacles, pièges, freins, guet-apens, entraves, traquenards, oppositions, obstructions, écueils, embûches et chausse-trapes, l’enseignement explicite progresse…

Quelle ironie !




jeudi 15 septembre 2011

Livre : Le pire est de plus en plus sûr (Natacha Polony)




Natacha Polony a écrit un petit livre vif et incisif sur l’état de l’école. Un de plus, serait-on tenté de dire. À tel point qu’il devient difficile de renouveler le genre. L’auteur a donc choisi le récit d’anticipation : Natacha Polony nous décrit l’école telle qu’elle existera – ou qu’elle risque probablement d’exister – à la Rentrée 2020.

Natacha Polony a un véritable talent de plume et la description qu’elle fait repose sur des éléments qui sont déjà expérimentés, ce qui signifie qu’ils passeront dans la réalité sous peu. Dans l’Éducation nationale, on “expérimente” d’abord ce qu’on veut généraliser ensuite et ce, quels que soient les résultats de l’expérimentation initiale. C’est simplement une tactique – éculée – pour faire passer ce qu’on veut et faire taire les récalcitrants.

Je partage en gros son analyse des causes du délitement du système éducatif français, avec notamment  la lourde responsabilité de ceux qui ont implanté massivement dans les classes les pratiques catastrophiques du constructivisme pédagogique. Je rejoins aussi son projet d’une école efficace et moderne, transmettant des savoirs de manière structurée.

Je regrette toutefois que Natacha Polony utilise comme synonymes les mots “républicains” et “instructionnistes”. Elle a tort. Si les “républicains” se situent dans un cadre politique (ou nostalgique avec l’École de la République), les instructionnistes sont des professionnels d’aujourd’hui, en quête d’efficacité dans leur métier d’enseignant. Ils se définissent par opposition aux constructivistes, c’est-à-dire au plan des pratiques pédagogiques et des philosophies éducatives qui les sous-tendent. Le mot “instructionnisme” a d’ailleurs été introduit dans la langue française par des chercheurs spécialistes de l’enseignement explicite… qui n’ont rien de “républicains” puisqu’ils sont québécois.

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Le pire est de plus en plus sûr – Enquête sur l'école de demain
Natacha Polony
Mille et une nuits, 08.2011, 110 p.

mercredi 17 août 2011

Livre : Vers une école totalitaire ? (Liliane Lurçat)




Ce livre a été écrit dans le prolongement de La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs, paru la même année à quelques mois d’intervalle.

Comme pour le précédent, le titre est trompeur dans la mesure où ne sont développés que quelques aspects seulement de ce qu’il annonce. Dans La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs, on s’attendait au procès de Jean Piaget, pilier du constructivisme et de sa justification. Or… rien. À peine son nom apparaît-il dans cette suite. De manière très fugace. Peut-être est-ce un effet de la solidarité entre psychologues (Liliane Lurçat est docteur en psychologie) ?

Comme dans le premier ouvrage, l’auteur fait une recension de livres et d’articles pour étayer son propos. Sources d’un intérêt inégal et pour la plupart oubliées, plus de dix ans plus tard.

Liliane Lurçat semble avoir découvert le mot “pédagogisme” entre ses deux livres (dans le premier, elle parlait plutôt d’Éducation Nouvelle et de constructivisme). Elle définit le  “pédagogisme” ainsi : « La pédagogie n’est pas séparable des connaissances à transmettre. Elle prend des formes différentes selon les disciplines. À l’inverse, le pédagogisme sépare la pédagogie des disciplines. Il veut se situer au-dessus des connaissances à transmettre auxquelles il substitue un arsenal de techniques et de procédés. » Je préfère, et de loin, la distinction établie par Fanny Capel. Il semble bien, en effet, que Liliane Lurçat confonde pédagogie et didactique. Quant aux techniques et aux procédés, c’est la caractéristique de toute pédagogie, y compris les plus efficaces.

Confondre la pédagogie et le “pédagogisme” est, selon moi, rédhibitoire. C'est l'erreur classique des partisans de l'enseignement traditionnel.

Là où l’auteur est plus convaincant, c’est sur la question de l’égalité. L’école doit offrir une égalité de droits, notamment le droit de recevoir un enseignement de qualité. De cette évidence qui remonte à Condorcet, on est passé avec les “pédagogistes” à une « égalité des chances », qui sous-entend que chaque élève doit avoir “la chance” de réussir, quelle que soient ses aptitudes ou son implication. Et l’on s’étonne ensuite que tous ceux qui restent sur le carreau soient déçus et manifestent parfois avec violence leur mécontentement. Quand ce ne sont pas leurs parents !

Pour cacher les piètres résultats obtenus par les élèves les plus faibles, on les fait passer automatiquement en classe supérieure. Du coup, ils sont contents et leurs parents aussi. Cela nous amène à un des postulats du constructivisme : la nécessaire hétérogénéité des classes.  « L’école de masse (…) se caractérise par le désir de scolariser tous les élèves sur le même modèle. Désormais, ils doivent suivre le même enseignement dans les mêmes classes, quelle que soit leur destination future. On appelle ce mélange des enfants : l’hétérogénéité des élèves, en opposition aux classes constituées de manière plus homogène d’élèves destinés à des études semblables. » D’où l’évocation de « l’enfance massifiée » dans le sous-titre. Or, comme le remarque très justement l’auteur, « l’hétérogénéité des niveaux n’engendre pas miraculeusement une homogénéité des résultats ». C’est l’exemple même de la fausse bonne idée parce que, dans ces classes hétérogènes, tous les élèves perdent en fait leur temps : les élèves en difficultés n’ont pas le temps de rattraper leur retard, les bons élèves s’ennuient et les moyens se débrouillent selon les jours. C’est la version pédagogique du lit de Procuste [1].

Liliane Lurçat remarque très justement que cette nouvelle école, par son inefficacité revendiquée, favorise les favorisés (les “héritiers”, disait Bourdieu) et coule les autres. « L’imprécision des démarches, l’absence de rigueur pédagogique favorisent la confusion et l’incompréhension, tandis que les automatismes de base : lire, écrire et calculer, ne sont pas installés chez beaucoup d’enfants qui ne bénéficient pas du soutien familial, et mal installés chez beaucoup d’autres, dont les connaissances sont lacunaires à des niveaux très élémentaires. »

Parangon du pédagogisme : Philippe Meirieu. La dernière partie du livre lui est consacrée. Il le mérite. En 1998, il est au faîte de sa gloire : il a l’oreille du ministre Allègre et vient d’être nommé directeur de l’INRP. « Ses idées sont largement diffusées dans l’école par l’action conjuguée des instances hiérarchiques et des associations militantes ; elles se sont imposées au niveau ministériel, par les responsabilités qui lui ont été confiées ». Liliane Lurçat fait une recension de quelques-uns de ses ouvrages. Les commentaires sont intéressants, mais ils n’ont pas la puissance argumentative développée par Denis Kambouchner. Principal chef de file des “pédagogistes”, Meirieu veut modifier la société grâce à l’école. Les “pédagogistes” « ont en commun la volonté de créer une école permettant de faire passer dans la réalité l’idée qu’ils se font de la société future ». Leur projet n’est donc pas pédagogique, il est politique. On peut donc dire qu’ils ignorent l’obligation de laïcité des écoles publiques et même qu’ils méprisent les valeurs démocratiques de notre société en cherchant à imposer leurs conceptions de manière totalitaire. D’où le titre du livre. Pour eux, l’école n’est qu’un « puissant moyen d’agir sur la société ». Comme dans les totalitarismes qui ont ensanglanté le XXe siècle…

Nous avons donc la réponse à la question posée dans le titre : « Vers une école totalitaire ? ». Devant les écoles constructivistes, on peut donc légitimement placer le panneau : « Danger, école ! »... et fuir.


Danger École



[1] . Procuste sévissait le long de la route qui va d'Athènes à Éleusis. Il offrait l'hospitalité aux voyageurs qu'il capturait pour les torturer ainsi : il les attachait sur un lit, où ils devaient tenir exactement ; s'ils étaient trop grands, Procuste coupait les membres qui dépassaient ; s'ils étaient trop petits, il les étirait jusqu'à ce qu'ils atteignent la taille requise.

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Vers une école totalitaire ? – L'enfance massifiée à l'école et dans la société
Liliane LURÇAT
François-Xavier de Guibert, 10.1998, 170 p.

vendredi 12 août 2011

Livre : La destruction de l'enseignement élémentaire et ses penseurs (Liliane Lurçat)



L’introduction de ce livre, d’une bonne trentaine de pages, contient une critique en règle de l’Éducation Nouvelle, avec une légère nuance pour le constructivisme qui, selon l’auteur, accentue davantage les méfaits des pédagogies “actives”.

Dans ce livre, Liliane Lurçat s’attache tout particulièrement à la question de l’apprentissage de la lecture. Elle fait la recension de plusieurs ouvrages parus dans les années 1970 à 1990 qui constituent un florilège de la pensée constructiviste dont les errements, avec le recul du temps, apparaissent totalement grotesques.

C’est la méthode globale ou idéo-visuelle qui retient surtout – et à juste titre – l’attention de l’auteur. Tout part d’Ovide Decroly (dont on apprend qu’Henri Wallon était un chaud partisan) qui met au point sa méthode avec des enfants qu’on qualifiait à l’époque d’“anormaux”. Son travail est ensuite largement repris par ses héritiers des années 1970. Au premier rang desquels, il y a Jean Foucambert avec sa “lecture fonctionnelle” : « L’enfant identifie instantanément la forme écrite d’un mot, d’un seul coup d’œil ». On apprend à lire comme on apprend à parler. Ce qui est l’erreur ontologique et générique du constructivisme qui ignore la distinction que font les cognitivistes entre les habiletés primaires (qui s’apprennent naturellement, comme marcher ou parler…) et les habiletés secondaires (qui s’apprennent à l’école et qui nécessitent un enseignement guidé et structuré, comme la lecture ou le calcul). Foucambert veut des lecteurs, pas des déchiffreurs. Il veut remplacer l’alphabétisation par la “lecturisation”. C’était l’époque où les instituteurs, le chronomètre à la main, faisaient lire de manière silencieuse n’importe quel texte à leurs élèves (la lecture à voix haute étant honnie) au nom du sens, du sens, du sens. Or, nous savons maintenant avec certitude qu’il ne peut y avoir lecture sans déchiffrage, comme il ne peut y avoir lecture sans prise de sens. Tant pis pour les cohortes d’élèves que Foucambert et ses méthodes frelatées a sacrifiées.

Avec Foucambert, on voit aussi apparaître les noms de Fijalkow, de Charmeux, de Meirieu, et bien d’autres, moins connus mais tout aussi nuisibles. Toute cette fine fleur du constructivisme triomphe avec le rapport du recteur Migeon qui précède la loi d’orientation sur l’école de Jospin (1989). Rapport farci d’erreurs, de contre-vérités, de falsifications basées sur un aveuglement idéologique où les bases scientifiques ne sont que superstitions et escroqueries. Rapport qui s’interroge sur ce qu’est le “savoir-lire”, sans apporter la moindre réponse convaincante. Rapport pourtant chaudement approuvé en son temps par l’AFL [1], les CEMEA [2], les CRAP [3], le GFEN [4], l’ICEM [5], autant d’organismes qui ont toujours pignon sur rue. Sans oublier le rôle constamment délétère joué par l’INRP [6]. Le tout étant puissamment relayé sur le terrain par les IEN [7] et par les formateurs en IUFM. Voilà comment on peut mettre à genoux tout un système éducatif en l’espace d’une génération…

Par-delà leur inefficacité et leur nocivité, la mise en application des options constructivistes a par ailleurs favorisé le manque de conscience professionnelle, sous couvert d’un discours généreux et innovant. C’est l’abandon pédagogique scientifiquement autorisé : les élèves sont laissés à eux-mêmes afin qu’ils construisent tant bien que mal leurs savoirs, ils deviennent ainsi des autodidactes sous les yeux observateurs d’un maître-animateur qui ne transmet plus aucune connaissance ou habileté.

Et les parents d’élèves dans tout ce chambardement pédagogique ? L’auteur observe avec beaucoup d’acuité que « les parents souhaitent que leurs enfants sachent lire. Cela les préoccupe beaucoup plus que les débats à prétention scientifique sur la vraie nature de la lecture. On comprend pourquoi ils achètent tellement d’abécédaires, comme s’ils n’avaient plus la même confiance dans l’école qu’autrefois. On peut se demander si l’école est un service public chargé de transmettre les connaissances fondamentales, ou un vaste terrain d’expérience pour des théories plus ou moins aberrantes. »

Liliane Lurçat s’intéresse également à l’école maternelle. Cette dernière se distingue de l’école élémentaire parce qu’elle n’est pas obligatoire et qu’elle accueille les enfants les plus jeunes. Les innovations peuvent donc y être introduites en douceur. D’autant que les buts qu’on assigne à l’école maternelle fluctuent en fonction des modes en matière d’éducation. On se presse toujours d’appliquer la dernière théorie à la mode. La règle permanente étant malgré tout que les “activités” remplacent les apprentissages. D’où une école maternelle qui tient maintenant plus de la garderie que de l’école.

Pour Liliane Lurçat, « les transformations rapides de l’école française sont l’aboutissement de l’action de mouvements représentés dans de nombreux pays et qui ont, dès le départ, établi des liens au sein d’organisations pédagogiques internationales. C’est aux États-Unis que l’expérience a été menée jusqu’au bout. » Il faut dire qu’avec Stanley Hall et John Dewey, ce pays avait pris de l’avance. Mais les pédagogies “actives” ont connu un regain dans l’école américaine au cours des années 1960, avec les échecs massifs qu’on connaît et qui semblent se perpétuer encore de nos jours.

L’Union Soviétique avait aussi adopté l’École Nouvelle dans les années 1920. Les professeurs étaient appelés ouvscols (ouvriers scolaires) et le Comec était le comité des écoliers. « Ce système consiste en ce que les ouvscols ne font rien, tandis que les élèves doivent tout apprendre par eux-mêmes. » Ces nouveaux pédagogues utilisent l’image suivante : « Aujourd’hui nous considérons l’écolier comme un bûcher auquel il suffit de mettre une allumette pour qu’il brûle ensuite de lui-même ». C’est aussi simple que cela ! Bien sûr, devant les résultats catastrophiques, la récréation se termine au début des années 1930.

Liliane Lurçat nous offre donc un tour d’horizon de ce qui échoue à l’école. Mais elle ignore complètement toutes les recherches menées en Amérique du Nord dans le dernier quart du XXe siècle sur les pratiques d’enseignement efficaces. Dès lors, son seul recours est de revenir à l’École de la IIIe République, c’est-à-dire celle d’autrefois, tant regrettée par les partisans de l’enseignement traditionnel. Par exemple, elle vante les mérites – qui sont indéniables – de l’écriture-lecture. Sous l’Ancien Régime, les enfants apprenaient d’abord à lire, du moins ceux qui avaient cette chance. Et seuls quelques-uns apprenaient ensuite à écrire. C’est la fabrication industrielle des plumes métalliques (les fameuses plumes Sergent-Major fabriquées à Boulogne-sur-Mer) qui va baisser considérablement leur prix et permettre un apprentissage moins coûteux de l’écriture. D’où le développement des méthodes d’écriture-lecture à partir des années 1850. Cette explication rationnelle n’apparaît pourtant nulle part dans ce livre. On doit se contenter des inévitables Buisson et Kergomard, références sacro-saintes des traditionalistes.

Comme il fallait dès lors s’y attendre, Liliane Lurçat est hostile aux sciences de l’éducation : « La pédagogie n’est pas scientifique. C’est essentiellement une pratique rodée au cours des siècles qui se transmet avec plus ou moins de bonheur. » Il est vrai que les sciences de l’éducation auxquelles on est habitué en France ressemblent à ceci : « À partir d’une observation locale, on veut généraliser ce qu’on pense avoir trouvé à l’ensemble des écoles. On identifie une recherche à “la science”. Cette recherche, forcément lacunaire, traite d’une seule compétence, elle présente des failles méthodologiques et de nombreux artefacts (privilégier une situation pédagogique à l’exclusion du reste des activités en classe, déduire une pratique générale de celle de quelques instituteurs, ossifier les possibilités actuelles des enfants en un tableau de fonctionnement psychologique, positif ou négatif). » Pourtant la démarche véritablement scientifique est décrite par l’auteur : « Avant d’être prise pour guide d’une action quelconque, toute idée nouvelle mise en avant par un chercheur devrait subir une série de mises à l’épreuve soigneusement définies. Cette règle de bon sens est bien connue, entre autres, des ingénieurs et des pharmaciens. Or, dans l’éducation, le prix d’une erreur est au moins aussi élevé que celui d’un médicament toxique ou d’un pont qui s’effondre. » Ce ne sont donc pas les sciences de l’éducation qui sont mauvaises en soi, c’est ce que des “chercheurs” peu scrupuleux ont fait d’elles.

Pour conclure, voilà un livre qui a eu son importance au moment où il est sorti (en 1998). Aujourd’hui, les références qu’il convoque pour mener le procès du constructivisme sont trop anciennes. Foucambert est oublié de tous même si son association (l’AFL) sévit toujours. Ses thèses ont fort logiquement rejoint les poubelles de l’histoire pédagogique après leur échec retentissant. La méthode globale ou idéo-visuelle est désormais rejetée par tout le monde. Même l’Éducation Nouvelle n’a plus le vent en poupe, le mouvement Freinet est en perte de vitesse (la société PEMF qui éditait la Bibliothèque de travail a été mise en liquidation en 2007). Le constructivisme a sévi depuis suffisamment de temps pour que tout le monde puisse constater les ravages dus à de graves erreurs de conception et à des présupposés particulièrement erronés.

Pour autant, nous sommes dans un entre-deux. Le constructivisme se maintient parce qu’on ne veut pas revenir à l’enseignement traditionnel, malgré les agissements d’une minorité active de nostalgiques. D’où le maintien d’un statu quo pédagogique qui est regrettable... parce que l’alternative existe. Celle d’un enseignement enfin efficace grâce à la Pédagogie Explicite. Mais qui connaît l'enseignement explicite, qui le reconnaît et qui le revendique ?



[1] . Association Française pour la Lecture.
[2] . Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active.
[3] . Centres de Recherche et d’Actions Pédagogiques.
[4] . Groupe Français d’Éducation Nouvelle.
[5] . Institut Coopératif de l’École Moderne (mouvement Freinet).
[6] . Institut National de la Recherche Pédagogique (aujourd’hui Institut Français de l’Éducation). Meirieu en a été un temps le directeur.
[7] . Inspecteurs de l’Éducation Nationale (autrefois IDEN).

_________________________
La destruction de l'enseignement élémentaire et ses penseurs
Liliane LURÇAT
François-Xavier de Guibert, 02.1998, 235 p.

vendredi 5 août 2011

Éducation Nouvelle et constructivisme pédagogique (Liliane Lurçat)

Liliane Lurçat
Liliane Lurçat


Liliane Lurçat a travaillé pendant une quarantaine d’années comme chercheur sur le terrain, dans les écoles maternelles et élémentaires. Elle a pu ainsi rencontrer quelques milliers d’élèves et leurs instituteurs et institutrices. Ses recherches l’ont conduite à devenir progressivement plus attentive aux causes proprement scolaires de l’échec, afin de les comprendre pour les éviter. Nous le savons tous, l’école peut en effet être à l’origine de l’échec scolaire des élèves qu’elle accueille. Liliane Lurçat  constate également : « Ce type de problème n’est jamais posé explicitement, il est parfois évoqué de manière allusive, à voix basse, comme s’il s’agissait d’une maladie honteuse de l’école ».

Formée à l’école d’Henri Wallon, on ne peut la soupçonner d’avoir été d’emblée hostile aux pratiques pédagogiques de l’Éducation Nouvelle. Ce sont ses recherches sur le terrain qui lui ont permis de comprendre l’importance que revêtent les façons d’enseigner. Elle cite une anecdote tout à fait éclairante : dans une école d’application où elle intervenait, une des classes de CP avait été confiée à des instituteurs inexpérimentés qui se sont succédé tout au long de l’année scolaire pour remplacer l’institutrice, titulaire du poste, qui était malade. Que s’est-il passé ? « Par la suite, beaucoup des enfants de cette classe ont connu un échec durable, ayant mal acquis les automatismes de base. Or, rien ne présageait un tel devenir scolaire : il n’y avait apparemment pas de tri préalable des enfants. Ces élèves n’étaient pas moins bons que les autres, ils ont seulement eu moins de chance. »

Pourtant, ces élèves avaient suivi le même programme que leurs camarades des autres classes de CP de cette école. Cela démontre une fois de plus que la source des causes scolaires de l’échec est essentiellement pédagogique. Liliane Lurçat parle dans ce cas d’« accident pédagogique », comme il existe des accidents industriels. Pourtant il n’existe aucun système interne à l’école pour prévenir ces accidents, ni pour les corriger. « Il y a une dimension pathétique dans cette fatalité scolaire dont sont victimes de trop nombreux enfants. »

Ce triste constat est bien celui que partagent les partisans d’un enseignement efficace. Nous savons quelles sont les pratiques pédagogiques qui permettent aux élèves de réussir leurs apprentissages. Et nous voulons qu’elles soient mieux connues et reconnues pour permettre une amélioration significative de notre système éducatif.

Ce livre est paru en février 1998 et je l’avais lu dans la foulée. Il révélait enfin le grand désastre entraîné par la mise en œuvre généralisée dans les écoles des techniques de l’Éducation Nouvelle et du constructivisme. Liliane Lurçat évoque cette question dans l’introduction du livre (pages 13 à 44). Toutes les citations qui suivent sont extraites de cette introduction.


Comment les idées de l’Éducation Nouvelle
se sont-elles imposées ?

« Les idées de l’Éducation Nouvelle se sont érigées progressivement en idéologie dominante dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale. Beaucoup d’enseignants étaient très sensibles aux défauts de l’école traditionnelle. Les pesanteurs de cette dernière, la place importante faite à la répétition, qui lui donnait parfois un côté irritant, ses rituels et ses interdits, dont beaucoup avaient perdu leur sens explicite, avaient développé chez eux le souvenir ennuyeux de contraintes et d’exigences qui leur semblaient arbitraires. »


Le plan Langevin-Wallon

« Pour comprendre les transformations de l’école française, on doit tenir compte de la place qu’y tiennent les idées issues du mouvement de l’Éducation Nouvelle. (…) Le plan Langevin-Wallon, qui date de 1947, affirme la nécessité d’introduire l’Éducation Nouvelle, fondée sur les sciences de l’éducation. (…) Dans le plan Langevin-Wallon, il n’y a pas de programme pour l’école maternelle qui concerne les enfants âgés de 3 à 7 ans, car les méthodes actives les remplacent. (…) La substitution des méthodes actives au programme de l’école maternelle s’appuie sur les idées les plus radicales de l’Éducation Nouvelle. »


De l’Éducation Nouvelle au constructivisme

« La différence entre les méthodes actives, prônées par les courants pédagogiques liés à l’Éducation Nouvelle, et le constructivisme me paraît être la suivante. Le constructivisme théorise en les poussant à l’extrême certaines idées de l’Éducation Nouvelle, concernant l’importance de l’activité de l’enfant dans l’apprentissage. Mais avec le constructivisme, il ne s’agit plus de la spontanéité des enfants mais de la volonté délibérée de les contraindre à devenir des autodidactes scolaires. Cette démarche est justifiée au nom de modèles à prétention scientifique sur la manière d’apprendre. De véritables pièges pédagogiques sont mis au point par des didacticiens : on oblige les enfants à deviner au lieu de comprendre, en obscurcissant délibérément la présentation des connaissances. »


Un projet séduisant

« Si l’échec d’origine scolaire a toujours existé, il prend des formes nouvelles à notre époque. Il devient massif et systématique, et il peut être mis en relation avec la destruction de l’enseignement élémentaire entreprise depuis quelques décennies. Cette destruction s’est présentée d’abord de manière séduisante, sous l’apparence du projet exprimé par un certain nombre de penseurs qui voulaient rendre l’école plus juste, plus égalitaire. Ils voulaient surtout la rendre plus moderne, grâce à des méthodes scientifiquement fondées. Ce projet a été mis en œuvre sur le terrain. »


L’épanouissement de l’enfant

« Les réflexions et les pratiques des tenants de l’Éducation Nouvelle ont été souvent intéressantes, beaucoup d’idées pédagogiques ingénieuses sont apparues, notamment par le biais des méthodes actives. Mais les courants les plus excessifs de l’Éducation Nouvelle ont été, dès le départ, porteurs du spontanéisme pédagogique. Le spontanéisme, c’est l’idée selon laquelle dans l’apprentissage réussi, tout dépend de la spontanéité de l’enfant. Les expériences menées sur une grande échelle (…) montrent les écueils du spontanéisme. Ces écueils se manifestent dans la réduction, la limitation, voire même la destruction de la transmission. Ils sont dus à l’esprit sectaire et exclusif, parfois fanatique, de certains militants de l’Éducation Nouvelle qui ne savent qu’opposer l’épanouissement de l’enfant à la transmission. Cet épanouissement ne peut, selon eux, se réaliser à l’école que par le libre choix de ses activités laissé à l’enfant. »


Le soutien des responsables politiques

« Il a fallu cependant une acceptation en haut lieu pour qu’on généralise des méthodes qui n’avaient pas fait leurs preuves. »

L’engagement des enseignants
et l’approbation des parents d’élèves

« Le modèle de méthodes fondées sur la séduction et la suggestion (…) a fasciné un certain nombre de maîtres et de parents en quête de modernité : pas de vain didactisme, mais plutôt une approche attrayante – au risque d’être superficielle – des thèmes abordés qui ne devrait jamais lasser. »


Le triomphe du constructivisme

« Actuellement, dans des textes savants et des textes officiels, la transmission est supprimée au nom de la construction des savoirs par l’enfant. Le constructivisme prôné par l’institution scolaire est une version modifiée et radicalisée de l’apprentissage par l’activité valorisé par les tenants de l’Éducation Nouvelle. »


Les fausses sciences de l’éducation

« Il ne s’agit plus de science, ce qui impliquerait que l’on cherche à décrire et à comprendre ce qui se passe réellement : il s’agit plutôt de scientisme. (…) Les scientistes croient imiter les sciences en procédant par affirmations autoritaires (…). La première caractéristique d’une thèse scientifique est de pouvoir être remise en question. »


Une théorie jamais vérifiée

« L’apprentissage, activité propre à l’enfant, se déroulerait conformément à une théorie arbitrairement imaginée par des chercheurs, et qui n’a jamais été vérifiée en la confrontant à des faits d’observation. Par le constructivisme, on systématise la robinsonnade intellectuelle. C’est la forme moderne de l’abandon pédagogique des enfants. »


En premier, l’école maternelle

« L’école maternelle n’étant pas obligatoire, elle est devenue l’institution où s’est exercée le plus librement, et sans la moindre entrave, l’application des théories modernes sur l’éducation. »


La construction des savoirs remplace
la transmission des connaissances

« Une des idées martelées à notre époque au sein de l’institution scolaire est qu’il n’y a pas de lien entre l’acquisition des connaissances et leur transmission, ou plus radicalement : qu’il n’y a pas de transmission, mais seulement une construction des savoirs. Cette idée n’est pas seulement déplacée, incongrue car elle ne peut être institutionnalisée, elle est aussi dangereuse. Elle légitime les pratiques les plus aberrantes, en même temps que l’abandon pédagogique des enfants. Si l’apprentissage se réduit à la seule construction des savoirs par l’enfant, sans qu’on mette en avant les conditions dans lesquelles il les construit, ni les matériaux qu’on lui fournit pour les construire, toutes les interprétations, y compris les plus arbitraires, tous les jugements a priori deviennent possibles. »


Aucun enseignement explicite

« L’ambiguïté des situations pédagogiques auxquelles sont affrontés les enfants est telle qu’elle perturbe leur capacité d’opérer des discriminations, d’acquérir des connaissances et des compétences solides. L’absence de transmission explicite, ou le camouflage de la transmission dans des situations où l’enfant croit trouver tout seul, engendrent des obstacles artificiels. »


Des méthodes “actives” pour autodidactes

« La prévalence des méthodes actives dans toutes les circonstances où la transmission est indispensable à l’instruction des enfants ampute les connaissances de manière presque toujours irrémédiable. Elle les rend incertaines, lacunaires, mal installées, confuses, et comportant beaucoup des traits de l’autodidactisme. »


Observer plutôt qu’enseigner

« Dans l’Éducation Nouvelle, le maître transmetteur se transforme en maître observateur, afin de mieux connaître les enfants. »


La manipulation des élèves

« Désormais, dans l’îlot que prétend être l’école, les enfants peuvent être embarqués dans des robinsonnades intellectuelles. Le maître peut manipuler indirectement les enfants, à l’aide de situations artificiellement créées. L’élève, supposé apprendre de manière active et ludique, est mis en réalité sous la coupe d’une autorité qui ne se révèle pas dans un rapport explicite, dans un rapport institutionnalisé. Les méthodes fondées sur la séduction des enfants peuvent ainsi s’exercer sans contrôle. »
« Plus on limite la transmission, et plus on favorise une certaine forme d’observation et de manipulation psychologique des enfants par les enseignants. (…) Malgré les justifications données par les fondateurs de l’Éducation Nouvelle, le refus de la transmission ne peut que déboucher sur des manipulations contraires à la laïcité, à tous les niveaux de l’enseignement. Le refus de la transmission freine, parfois même empêche l’instruction des enfants. On est amené, en appliquant ces thèses, à nier la fonction principale de l’école. »


Deviner plutôt que comprendre

« L’effort pour mieux transmettre les connaissances et les habiletés a toujours existé, il existe encore sur le terrain, là où les maîtres sont affrontés à l’instruction de tous les enfants et tentent de remplir leur contrat. Malheureusement, dans beaucoup trop d’endroits, on croit mieux faire à présent en laissant les enfants deviner ce qu’il faudrait leur expliquer ; on refuse de leur donner les éléments de connaissance qui leur permettraient de dominer réellement la situation. »


La non-acquisition des automatismes

« Dans la conception des nouveaux penseurs de l’école, l’élimination de la transmission s’accompagne généralement de la suppression d’un certain nombre de méthodes d’enseignement fondées sur l’étude progressive des matières et sur l’automatisation des compétences fondamentales impliquées dans l’écriture, la lecture et le calcul. L’automatisation est favorisée par la répétition des exercices, elle dépend de l’entraînement. »


Une formation professionnelle déficiente

« Pour beaucoup d’enfants, le lien est très fort entre l’incompréhension et l’ennui. La responsabilité des adultes est grande quand ils ne donnent pas aux enfants les moyens de comprendre et d’apprécier ce qu’ils doivent leur faire connaître. Elle est grande aussi quand, dans les lieux de formation, on initie les futures maîtres à l’idée étrange que l’enfant pourrait construire seul ses savoirs. On n’aide pas ces futurs maîtres à s’impliquer dans leur tâche, dont l’objet principal demeure, quoi qu’on en dise, l’instruction des enfants. »


Le constructivisme provoque
une nouvelle forme d’échec scolaire

« La négation du rôle de la transmission des connaissances dans l’apprentissage des enfants et son remplacement par des pratiques aventureuses ont pu pervertir l’acte pédagogique. Des formes spécifiques d’échec sont alors apparues, concernant en particulier l’apprentissage de l’écriture et de la lecture : l’échec des enfants mal enseignés. »


L’échec du constructivisme est nié

« Ce sont les facteurs proprement scolaires de l’échec qui sont occultés. Parmi ces facteurs, plusieurs sont à prendre en considération. En premier lieu, on a limité le temps consacré aux apprentissages de base. Or ceux-ci nécessitent des exercices répétés dans la durée, pour que les connaissances soient bien assimilées. (…) En second lieu, on peut souligner l’importance du rôle de la pensée pédagogique actuelle dans la genèse de l’échec d’origine scolaire. En troisième lieu, la nouvelle manière de former les maîtres comporte également des effets négatifs. Cette formation ne les prépare pas au terrain, elle peut même les en éloigner, car elle est fortement marquée par les idéologies qui ont envahi les lieux de formation. »


L’échec scolaire est imputé à la famille
ou à une déficience de l’enfant

« Dans la vision de l’acquisition du savoir, telle qu’elle est imposée actuellement, l’enfant et sa famille deviennent les seuls responsables des difficultés rencontrées à l’école, c’est pourquoi prévalent des explications sociologiques et médicales de l’échec. (…) Ce nouveau déterminisme vient à point pour justifier tous les abandons pédagogiques. »


Pour conclure, je reprendrai cette formule de Liliane Lurçat qui résume parfaitement les conséquences de l’adoption des pratiques pédagogiques inefficaces du constructivisme dans les classes : « Ce n’est pas égaliser les chances, mais généraliser les malchances. »

mercredi 3 août 2011

Livre : L'art d'apprendre à ignorer (Xavier Darcos)




Lui-même professeur agrégé, ayant commencé en enseignant au collège et au lycée, Xavier Darcos connaît bien la question scolaire et les problèmes qu’elle soulève. Instructionniste, il rappelle sans ambiguïté qu’« enseigner c’est transmettre » (p 88). C’est pourquoi il est hostile au constructivisme. D’abord celui-ci est inefficace : « Cette discussion n’aurait pas lieu d’être si la voie pédagogique choisie ces dernières années avait démontré sa supériorité par ses résultats. Il n’en est rien » (p 73). Ensuite, Darcos pointe un de ses défauts majeurs : malgré les professions de foi “progressistes” de ses partisans, le constructivisme « accentue des différences sociales, car pour solliciter chez l’enfant son auto-construction, il faut mobiliser en lui les ressources culturelles ou intellectuelles dont il peut déjà disposer. La pédagogie dite “active” favorise donc ceux qui possèdent familialement ou socialement ces ressources » (p 202). C’est cet aspect socioculturel parfaitement inégalitaire qui a vite rendu inacceptables à mes yeux les pratiques pédagogistes. Le comble étant qu’elles étaient (et sont toujours) prônées par des militants se voulant proches du peuple et qui, de fait, obtenaient (et obtiennent toujours) l’inverse de ce qu’ils proclament. La fameuse “École du Peuple” chère à Freinet enfonce les pauvres et favorise les riches. La justification des pédagogues de l’École nouvelle, c’est que « la transmission du savoir est (…) une forme larvée de brimade, de contrainte et de domination, comme si le maître imposait sa volonté à l’esclave, ou le patron à l’ouvrier » (p 92). Discours que tout enseignant de base a maintes et maintes fois entendu. Et dont beaucoup sont maintenant convaincus…

D’autant que la question de l’efficacité est taboue en France. Les constructivistes n’ont pas intérêt qu’elle se pose : la comédie des “désobéisseurs” refusant de faire passer les évaluations nationales à leurs élèves en est un exemple récent. Les traditionalistes non plus : la question de l’efficacité renvoie à une approche de l’école qu’ils jugent “technicienne”, alors que pour eux l’enseignement est un art où la notion de rendement est particulièrement obscène. Cela se traduit également à la rue de Grenelle : « La réflexion sur l’efficacité scolaire n’occupe qu’une place minime, voire dérisoire, bien qu’excipée volontiers. L’organigramme du ministère le démontre au premier coup d’œil : les bureaux qui sont voués à la “mission pédagogique” sont étroits et sans gloire, sortes de placards où l’on relègue des demi-retraités » (p 86).

De fait, il apparaît que le bateau n’est plus dirigé depuis des années parce que ceux qui sont chargés de le piloter ne savent plus où ils doivent aller. L’école devrait transmettre des savoirs et épanouir les enfants. Comme on ne sait pas faire les deux à la fois, on demande aux enseignants de se débrouiller, sachant qu’on pourra toujours leur reprocher soit leur inaptitude à faire apprendre quoi que ce soit à des élèves qui s’ennuient, soit leur tendance à brimer ces pauvres enfants qui viennent à l’école la boule au ventre. En fait, « l’institution se défausse sur les individus : moins elle est capable de dire où elle veut aller, plus elle demande au “terrain” de construire des projets » (p 11). C’est le règne du système D où on voit les enseignants essayer de glaner sur Internet quelques recettes miracles. Et peu importe si tout ce fatras récolté n’a aucune cohérence pédagogique…

Aussi, ne faut-il pas s’étonner du résultat obtenu : « L’enseignement doit produire le pacte social. Or c’est l’inverse qui advient souvent : c’est dans nos écoles que viennent se vider les querelles et s’extérioriser les tares de la société, la violence notamment. Des “grands frères” poursuivent des vendettas familiales jusque dans les salles de classe, agressant les maîtres. Les histrions s’invitent. Les parents négocient les résultats avec les professeurs. Des “espaces citoyens” s’ouvrent à tous les baratineurs. Au gré des opinions ministérielles, on empile des matières nouvelles. » (p 114)

Le constat fait en 2000 était déjà valable dix ans plus tôt. Il l’est toujours dix ans plus tard.

Xavier Darcos a été ministre de l’Éducation nationale de mai 2007 à juin 2009. Françoise et moi l’avions rencontré au ministère lors d’une réunion qui regroupait des gens qui n’avaient pas l’habitude d’être reçus dans ces murs. Nous avions été chaleureusement accueillis.

Suite à cette réunion, Darcos a décidé de nous soutenir, notamment par une subvention conséquente à l’association “La 3e voie…” dont nous étions alors les principaux animateurs.

Notre intervention, lors de la réunion, a permis que le préambule des programmes de 2008 comporte la phrase suivante : « C'est en proposant aux élèves un enseignement structuré et explicite (...) qu'on les préparera à la réussite. » Une mention favorable à l’enseignement explicite, venant du ministère, c’était inespéré...



Xavier Darcos
Xavier Darcos


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Xavier DARCOS
Plon (coll. Tribune libre), 09.2000, 230 p.

vendredi 22 juillet 2011

« La recherche montre que ... »


À intervalles très réguliers, la grande presse sort des articles vantant la pédagogie Freinet. C’est au tour d’Éducation Magazine, dans sa livraison n° 12 (juillet/août 2011). Pourtant, ces thuriféraires détestent habituellement tout ce qui est ancien en matière éducative. C’est d’ailleurs l’argument massue pour rejeter avec dégoût l’enseignement traditionnel qui porte sa tare dans sa dénomination même. Rappelons tout de même que la pédagogie Freinet fait maintenant bel et bien partie de l’histoire de l’Éducation puisqu’elle aura bientôt un siècle d’existence. Comme “nouveauté”, on peut trouver mieux. Pour les enseignants explicites, la pédagogie Freinet a sa place dans un musée, comme l’enseignement traditionnel : tout cela, c’est du passé…

Sans surprise, Éducation Magazine nous ressort l’étude habituelle qui est censée faire taire toute contradiction. Il n’y en a pas cinquante, il n'y en a qu'une. Les partisans de Freinet n’ont guère le choix. Menée sous la direction d’Yves Reuter, professeur de didactique du français, ce travail fait l’objet d’un article intitulé péremptoirement “La pédagogie Freinet – Une pédagogie reconnue par les chercheurs”. Voyons donc d’un peu plus près de quelle recherche il s’agit.



En 2007, sous la direction d’Yves Reuter, est publié Une école Freinet – Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire (éd. L’Harmattan). Il s’agit de la relation d’une étude menée dans l’école primaire Concorde à Mons-en-Barœul, dans la banlieue de Lille. Cette école connaissait de gros problèmes (effectifs en baisse, résultats au-dessous des écoles environnantes, incivilités…). En 2000, à la faveur d’un dispositif créé par le ministre Jack Lang « pour la réussite et l’innovation scolaire », le mouvement Freinet lance le projet d’une école expérimentale. L’année suivante, l’équipe pédagogique de l’école Concorde est entièrement renouvelée, avec l’arrivée de 9 enseignants expérimentés, militant au mouvement Freinet depuis longtemps. Avec la bénédiction de l’IEN de circonscription (le fameux Pierre Frackowiak, sorte de Brighelli constructiviste, était inspecteur non loin de là à cette époque). À la seule condition qu’une équipe de recherche du laboratoire Théodile (Université Lille III) puisse suivre et analyser le travail mené par les enseignants et leurs élèves. C’est ce qui a été fait pendant 5 ans. Yves Reuter, fondateur de Théodile, précise non sans fierté : « Il s’agit de la recherche la plus longue et la plus complète sur une école pratiquant une pédagogie différente en milieu populaire ».

Comme on pouvait s’en douter avant même que la recherche commence, les résultats sont bien évidemment positifs. Selon Yves Reuter, « la situation s’est très vite améliorée. En particulier les rapports avec les familles. Le nombre d’incivilités a aussi considérablement baissé. Quant au climat de travail, il est sans comparaison. Enfin, les résultats que nous avons analysés, notamment en français, sciences et en mathématiques, sont en constante amélioration : ils ont rattrapé, puis dépassé les résultats d’écoles de milieux équivalents. On voit ainsi que la pratique d’une nouvelle pédagogie peut entraîner des évolutions significatives dans un milieu populaire urbain, tant sur les apprentissages que sur le climat et le rapport à l’école. Depuis, les effectifs de l’école ont augmenté. » Que dire de plus ?

Pour l’équipe de chercheurs, il ne fait aucun doute que c’est la « nouvelle pédagogie » qui est la cause de cette amélioration. À aucun moment, il n’est venu à l’esprit de ces chercheurs que des enseignants expérimentés, militants d’un mouvement pédagogique, travaillant tous dans le même esprit et avec les mêmes objectifs obtiendraient sans difficulté de meilleurs résultats que des enseignants, le plus souvent débutants, parachutés contre leur gré dans une école de quartier difficile, et faisant ce qu’ils pouvaient avec des méthodes pédagogiques disparates. En cinq années, ils n’ont pas perçu ce qui se comprend aisément en cinq secondes…

Ainsi, on pourrait tout aussi bien réunir une équipe de chercheurs pour faire chauffer de l’eau afin de s’apercevoir que la température du liquide monte, petit à petit. Et qu’au bout d’un moment, on obtient de l’eau chaude. Non pas à cause de la casserole comme aurait dit Théodile, mais… à cause d’une source de chaleur.

Qu’importe ! Les travaux menés sous la direction d’Yves Reuter permettent d’assurer pendant des années que « La recherche nous montre que… ». En l’occurrence, que la pédagogie Freinet est formidable. Depuis le temps qu’elle existe et qu’elle est mise en œuvre, si elle l’était vraiment, cela se saurait…

Quitte à dépenser de l’argent public, comme l’a fait le laboratoire Théodile, une recherche sérieuse aurait pris plusieurs pratiques pédagogiques et les aurait implantées dans des écoles similaires. Avec les instituteurs en place qui auraient bénéficié, durant le temps de l’expérimentation, d’une formation continue sur la pratique pédagogique implantée dans leur école. Avec un budget équivalent et des écoles témoins. Sur 8 ans, de la Petite Section au CM2. Au bout de quoi, on aurait bien vu quelles sont les pédagogies réellement efficaces. Alors là oui, dans ce cas, la recherche nous montrerait bien quelque chose de tangible et de sérieux !

Comme cela a déjà été fait avec le projet Follow Through, de 1967 à 1976, sur des milliers d'élèves et des centaines d'écoles.

On pourrait recommencer : le résultat serait de toute façon le même. La pédagogie explicite arriverait encore en tête. Que ce soit sur le plan des connaissances de base, des habiletés cognitives ou de l’estime de soi…

Mais plusieurs chercheurs, ou intitulés tels, seraient alors obligés de manger leur chapeau et de renier tout ce qu’ils ont affirmé sans aucune preuve pendant des années.

La démarche scientifique prendrait alors le pas sur l’idéologie et les croyances. Chiche ?

jeudi 7 juillet 2011

Livre : École - L'enjeu démocratique (Jean-Pierre Terrail)

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Résumé :

Qu'opposer à la perspective chaque jour plus pressante d'un démantèlement et d'une marchandisation de l'école ?
Multiplier les moyens ? Mais, s'il en faut ( beaucoup), les moyens restent précisément des moyens. Restaurer l'autorité des maîtres ? Trouver, à l'inverse, de nouvelles recettes pédagogiques toujours plus “douces” pour des publics décrétés rétifs à l'abstraction ? Mais la querelle entre “républicains” et “pédagogues” n'a rien de nouveau à offrir : s'y laisser enfermer vaudrait interdit de penser.
En prenant au sérieux la perspective d'une école démocratique, Jean-Pierre Terrail nous propose un état des lieux sans complaisance et un retour réflexif au cœur de l'acte d'enseignement qui permettent d'imaginer les voies possibles de l'égalité scolaire.



Commentaire :

Depuis la fin des années 60, les sociologues de l’éducation se sont engagés en rangs serrés en faveur du courant constructiviste. Leurs travaux, analyses, publications n'ont visé qu’à tresser des louanges aux méthodes “actives” tout en niant le constat de leur inefficacité. Heureusement pour les instructionnistes, quelques rares chercheurs n’ont pas suivi le troupeau. C’est le cas de l'auteur…

Ce livre reprend une thèse qui est chère à Jean-Pierre Terrail – et qu’il poursuit encore –, celle de l’enjeu démocratique dont l’école a toujours besoin. Je ne reprendrai pas tous les termes de l’analyse qui nous conduit de manière convaincante jusqu’à la conclusion d’une nécessaire démocratisation scolaire. Je me contenterai d’évoquer un certain nombre de points qui me paraissent liés à notre engagement en faveur de l’enseignement explicite.

Jean-Pierre Terrail a conscience de l’importance des pratiques pédagogiques dans la réussite scolaire. Il connaît les travaux nord-américains sur lesquels s’appuient les partisans de la Pédagogie Explicite : « Les recherches américaines ont montré (…) que les “enseignants efficaces” sont ceux qui maximisent, au sein du temps de la séance, le temps d’engagement de leurs élèves dans le travail intellectuel ; qui insistent fortement sur les points importants de la leçon, exposent clairement les notions essentielles, les font manipuler ensuite assez longtemps par les élèves ; et qui (…) posent beaucoup de questions à leurs élèves. Ces enseignants sont ceux (…) avec lesquels les élèves disposent pour “construire” leurs savoirs de références conceptuelles précises, structurées et motivées… » (p 114). Le rôle essentiel de l’école est clairement rappelé : « Plus [l’école] assure par elle-même la confrontation à la difficulté intellectuelle, moins (…) elle en délègue la responsabilité aux familles, et moins elle subordonne les performances des élèves aux ressources de ces dernières » (p 118). Et l’auteur affirme ce que nous ne cessons de répéter : « Là est le critère qui doit prévaloir dans la réflexion critique des pratiques d’enseignement : les bonnes pédagogies sont celles qui réduisent les inégalités scolaires, celles donc qui favorisent la réussite des élèves d’origine populaire » (p 139). Ce ne sont pas les idéologies ou les croyances qui doivent définir ce que sont les bonnes pratiques, ce sont les résultats obtenus en classe, notamment avec les élèves issus d’un milieu socioculturel défavorisé.


Reste à en convaincre les instituteurs. Car si le renouvellement des pratiques pédagogiques doit se faire, il se fera à la base, dans les écoles et dans les classes, mis en œuvre par des enseignants voulant travailler de manière efficace. Les ministres et leurs cabinets n’ont pas ce pouvoir, empêtrés qu’ils sont dans leur perception déformée des réalités, leur inaptitude à discerner ce qui est valable de ce qui ne l’est pas, leur désir de se plier à l’idéologie molle du moment, leur pusillanimité politique et leur entêtement à choisir systématiquement les pires solutions.


Si le salut doit venir des instituteurs, autant mieux les connaître. L'auteur nous livre une très intéressante enquête sociologique, dont les constats sonnent particulièrement juste. Ayant commencé ma carrière à la fin des années 70, j’ai connu les anciens maîtres, puis ceux des années 90. Le livre, écrit en 2003, ignore la nouvelle génération qui arrive aujourd’hui dans les écoles et qui semble redonner la priorité à la transmission des connaissances et aux méthodes efficaces pour y parvenir.


Jean-Pierre Terrail nous dit d’abord que le métier d’instituteur et celui de professeur dans le Secondaire sont des métiers différents : « C’est un clivage fort ancien et différenciateur, à cet égard, que celui qui oppose les professeurs de l’enseignement secondaire, recrutés sur la base de connaissances de type disciplinaire, et les instituteurs, d’origine sociale tendanciellement plus modeste, et dont on exige un niveau de culture générale conjugué (…) à des connaissances d’ordre pédagogiques » (p 102). Cela explique que certains professeurs, atteints d’un complexe de supériorité sociale et intellectuelle, fassent la leçon aux instituteurs. Les petits groupements prétendant refonder l’école en présentent d’ailleurs de beaux spécimens... qu’il convient de fuir au plus vite.


Les instituteurs d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux de l’école d’autrefois : « Les jeunes professeurs des écoles (…) sont désormais diplômés du supérieur : ils ont une licence, souvent même une maîtrise. Paradoxalement, puisque le niveau de leur formation générale s’est fortement élevé, on peut faire l’hypothèse que c’est un rapport d’intensité limitée aux savoirs scolaires et universitaires qui les a conduits au concours de l’IUFM. (…) [Les instituteurs d’autrefois] se présentaient à l’école normale sur la base de leurs bonnes performances dans [l’enseignement primaire supérieur]. Quelles que soient les limites de leur culture générale, ce parcours de réussite s’accompagnait d’une considération et d’un intérêt pour les savoirs qu’ils avaient à transmettre qu’on ne retrouve pas toujours aussi intenses chez les instituteurs d’aujourd’hui. Ces derniers ont accompli une scolarité secondaire plutôt moyenne, dans un cas sur deux ils ont redoublé une année dans l’enseignement supérieur, dans un cas sur trois ils ont choisi un cursus de sciences humaines » (p 103 note 3). Dans le courant de ma carrière, j’ai pu constater qu’on devenait souvent instituteur par défaut, parce qu’on n’avait pas pu faire autre chose. « On comprend, dans ces conditions, leur propension [aux professeurs des écoles] à se définir comme des éducateurs autant ou plus que comme des enseignants titulaires d’un savoir, des éducateurs ayant à faire à des “enfants” ou à des “gamins” autant qu’à des “élèves”. Ils savent bien, certes, que c’est la transmission des connaissances qui différencie leur métier de ceux du service social. Il reste que leur rapport plus “faible” aux savoirs lettrés contraste avec les exigences plus fortes auxquelles l’enseignement primaire doit satisfaire (…), favorisant notamment chez eux une méconnaissance des enjeux et de la difficulté de la transmission des savoirs élémentaires, ainsi qu’une conception unilatéralement utilitaire des apprentissages » (p 104). Une formation professionnelle particulièrement inefficiente ne pouvait réduire ce déficit de maîtrise des connaissances de base : « Il ne semble pas que la formation proprement professionnelle dont ils bénéficient dans les IUFM suffise à redresser la barre, et ils s’avèrent au total plus ou moins bien préparés à affronter les difficultés théoriques qu’ils devraient aider les élèves à surmonter (…). Cette maîtrise limitée des savoirs à enseigner ne peut bien sûr que handicaper leur transmission » (p 104-105).

L’auteur aborde ensuite deux paramètres qui expliqueraient la montée du puérocentrisme à l’école primaire et le triomphe des pédagogies invisibles : « La vocation d’éducateurs des maîtres du primaire doit bien sûr à l’âge des élèves, à leur propre rapport “faible” aux savoirs scolaires, mais aussi sans doute à l’évolution du corps professionnel : sa féminisation, et conjointement son recrutement croissant dans le salariat intermédiaire ou d’encadrement. (…) On a tout lieu de penser (…) qu’un recrutement plus féminin et puisant plus souvent dans les classes moyennes salariées a sérieusement contribué à ce que l’on pourrait appeler la “maternisation” de l’enseignement, notamment élémentaire, à partir des années 1960. La montée du puérocentrisme, qui triomphe en 1989 avec l’inscription dans la loi d’orientation de l’invite à “placer l’élève au centre du système éducatif”, représente une véritable révolution dans les conceptions (et pour une part dans les pratiques) pédagogiques. Les conceptions traditionnelles définissaient les savoirs à inculquer, et se préoccupaient de la formation des maîtres appelés à les transmettre. Dans les dernières décennies, c’est la personne de l’enfant qui est passée au premier plan, le maître ayant mission de favoriser son épanouissement, de susciter et d’accompagner ses activités d’apprentissage. (…) Le ressort principal de ce transfert est (…) l’exigence pour les mères des classes moyennes de concilier leur activité salariée avec leur rôle dans la transmission culturelle au sein de la famille : la seule solution étant pour elles que l’école, et notamment l’école primaire, reproduise fidèlement l’ambiance d’une éducation familiale qui bannit tout autoritarisme et valorise la négociation, le contrat, le plaisir. Ce transfert se traduit par la diffusion, en lieu et place de la pédagogie “visible” en vigueur au temps des “blouses grises”, d’une pédagogie “invisible” qui repose idéalement sur le respect de l’autonomie de l’enfant, l’enseignant exerçant un contrôle étroit mais implicite en l’observant dans les activités qu’on lui propose et qui sont à forte composante ludique. Inspirée de conceptions qui mettent l’accent sur le développement de la personnalité enfantine, et décrivent l’apprentissage comme un processus tacite et invisible, cette pédagogie tend à effacer la frontière entre le travail et le jeu, et n’insiste guère sur la transmission des savoirs. On reconnaît dans la pédagogie invisible les traits de la “pédagogie active” (…) qui imprègne désormais de façon diffuse l’enseignement élémentaire » (p 109-110).


Or, ces pédagogies “actives” sont particulièrement pénalisantes pour les enfants des milieux défavorisés : « Quel que soit le degré auquel s’exerce cette tendance à abolir toute frontière nette entre l’école et la famille, elle pénalise au premier chef le rapport aux apprentissages des élèves d’origine populaire. Les autres disposent du garde-fou de la famille, où l’on sait pertinemment l’importance des premiers apprentissages, et où l’on peut rectifier le tir en douceur. Les jeunes des milieux populaires, par contre, n’ont guère de recours contre le brouillage des repères inhérent à la pédagogie invisible, qui tend à confondre ce qui est du travail et ce qui est du jeu (…), qui ne leur indique pas clairement ce qui est important et ce qui ne l’est pas » (p 111).


Jean-Pierre Terrail n’apprécie pas les pédagogies dérivées du constructivisme, qu’il appelle les “pédagogies douces” : « Ce sont les préoccupations de la pédagogie douce qui ont présidé à l’adoption de ces nouvelles formes de l’enseignement de la langue écrite : susciter la motivation des élèves, éviter qu’ils ne s’ennuient à l’école, faire de tout apprentissage un jeu et un plaisir, etc. Elles renversent le problème, qui n’est pas de faire naître l’envie d’apprendre – les élèves qui entrent au CP ne manquent certainement pas de volonté de savoir – mais de ne pas la décourager. Or, la seule façon de ne pas la décourager, c’est de mettre les élèves en position de la satisfaire, et donc  de leur permettre de se confronter réellement à des difficultés intellectuelles qu’ils ont les moyens de surmonter » (p 98-99).


Nous rejoignons pleinement le constat que la réussite scolaire ne peut se passer des efforts de l’élève : « Disons-le tranquillement : les apprentissages intellectuels demandent une dépense d’énergie mentale, une tension de l’esprit, une constance dans l’effort dont il serait absolument illusoire de prétendre faire l’économie » (p 78).


Doit-on pour autant en revenir à l’école d’autrefois défendue par les traditionalistes ? « Les tenants de la révolution conservatrice critiquent eux aussi le peu contestable manque d’efficacité des actuels dispositifs de scolarisation. Celui-ci ne leur est cependant qu’un prétexte. Il n’est que de les lire : inquiets de violences à l’école et de la dégradation des relations entre jeunes et adultes, ils visent en réalité à restaurer la capacité de l’école à inculquer le respect et l’ordre social. Leur souci est celui de la mise au pas des classes dangereuses, du retour à l’ordre moral. Ils rêvent d’élèves en uniforme, mais le “comment apprendre” leur importe peu » (p 139). Qui a fréquenté les petits groupements, dont je parlais plus haut et qui prétendent refonder de l’école, savent à quel point le “comment apprendre” n’a aucune importance à leurs yeux. Pour ces traditionalistes, seuls les programmes présentent un intérêt. Le reste, c’est de la tambouille où tout se vaut…


Ce qui est particulièrement stupide. De bons programmes doivent être déclinés par des pratiques pédagogiques ayant fait la preuve de leur efficacité : « Seuls des apprentissages élémentaires bien réussis garantissent de façon à peu près assurée une suite de parcours satisfaisante ; par contre, s’ils sont nettement ratés, les chances de s’en tirer ultérieurement sont particulièrement minces » (p 80).


Ce commentaire sur le livre de Jean-Pierre Terrail ne serait pas complet sans une critique. L’auteur fustige le redoublement, l’enseignement spécialisé et les classes de niveau, évoquant « l’échec de ces différentes formes de remédiation » (p 83). Je ne suis pas d'accord. D’une part parce que le constat d’échec repose sur des travaux dont on peut légitimement douter de l'objectivité, d’autre part parce que tant que nous n’aurons pas trouvé mieux, il faudra se contenter de ces trois solutions. Car elles permettent de ne pas laisser des élèves en difficultés ou à besoins spécifiques dans un tronc commun où ils attendent plus ou moins patiemment leur éjection finale du système éducatif.

Ceci étant dit, je partage avec l'auteur ce projet d’école démocratique qui se donnerait pour mission de transmettre à tous les élèves qui lui sont confiés les connaissances et les habiletés précisément définies par niveau. Et qui s’attacherait à compenser les déficits socioculturels de ceux qui sont les plus démunis. Grâce à un enseignement explicite...


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École - L'enjeu démocratique
Jean-Pierre TERRAIL
La Dispute, 01/2004, 154 p.