Source : Le Temps
Paru le Mercredi 23 Février 2011
Il convient de se canaliser sur les expériences pouvant être les meilleures pour l’apprentissage, du point de vue de l’ « apprenant », plutôt que de simplement transmettre et évaluer les connaissances qu’on estime qu’il doit posséder. Il faudra rechercher à créer des déséquilibres pour que l’ « apprenant » tente de les dépasser de lui-même. Cela aide aussi à comprendre que chaque participant à un cours peut être tour à tour un enseignant et un « apprenant ». Le travail d’enseignant peut se modifier en passant du rôle de « source de la connaissance » à celui de pôle d’influence et modèle de la culture de classe. Il s’agit d’avoir des contacts personnalisés et adaptés aux besoins d’apprentissage de chaque « apprenant », et d’animer les discussions et les activités de façon à atteindre collectivement les objectifs d’apprentissage de la classe.
Le professeur quitte son rôle d’intermédiaire entre l’œuvre à étudier et l’élève. Il devient une sorte d’animateur, un organisateur de savoir collectif en classe, un pourvoyeur de déséquilibres calculés et pouvant être surmontés.
De ce point de vue, la note par son côté individuel et normatif, heurte de plein fouet la doxa constructiviste. Un professeur, ou un ensemble de professeurs, jugent un élève et lui mettent une note qui évalue de manière chiffrée son travail ou son comportement à tel moment de son cursus scolaire. Cette logique cumulative est opposée à la logique constructiviste puisque le rythme, le moment où « se forme » la connaissance attendue, n’est pas le même pour tous les élèves. D’un côté, on attend qu’un élève de tel âge (en telle année) sache lire et on évalue son savoir dans une logique de transmission de connaissances ; de l’autre côté, on s’adapte au rythme de chacun dans une vision socio-constructiviste puisque les tortues et les lièvres sacrifient à des cycles différents.
Or les professeurs Gauthier, Bissonnette et Richard (Université Laval, Montréal) dont les résultats ont été publiés en 2005 « Quelles sont les pédagogies efficaces ? » montrent que les méthodes axées sur l’élève mis au centre fonctionnent bien pour 15 pour cent seulement de ces élèves. Alors que les méthodes explicites (allant du plus simple au plus complexe) fonctionnent avec 85 pour cent des élèves : ils apprennent mieux et plus vite. Ces méthodes sont aussi plus normatives. Ces études universitaires démontrent en plus que ce sont les connaissances acquises qui assurent l’estime de soi, contrairement à ce qu’affirment les socio-constructivistes.
Une note chiffrée est l’antidote absolu à ces théories élitistes. L’Arle a réintroduit en 2006 les notes scolaires à l’école primaire à Genève et cela a mis fin, du moins dans sa volonté ouvertement déclarée, à la Rénovation voulue par Martine Brunschwig Graf.
Aujourd’hui, l’Arle lance une initiative pour une note de comportement à l’école obligatoire. On peut discuter à l’infini pour savoir si une telle note est juste, intelligente, bonne ou nécessaire pour redonner à l’école un semblant d’autorité, s’il faut autre chose pour redorer le blason d’un Cycle d’orientation en grande difficulté, mais ce qui semble important en plus du signal clair que l’Arle envoie c’est qu’une note est l’antidote dont nous avons besoin pour faire pièce au socio-constructivisme. Lâcher une note dans ce milieu, c’est mettre un chat dans le bal des souris.