[Pour présenter ce livre que j'avais lu en janvier 2003 et dont je n'ai pas encore fait la recension, je publie un entretien accordé par
l’auteur à L’Express le 13 septembre 2001, sous le titre : “La dyslexie
surévaluée”.]
La dyslexie touche pas moins de 10 % des élèves de l'école
primaire, selon des évaluations officielles qui affolent les parents. Faux,
corrige l'orthophoniste Colette Ouzilou dans un livre au titre provocateur, Dyslexie,
une vraie-fausse épidémie (Presses de la Renaissance). À 70 ans, dont
trente consacrés à soigner et étudier les troubles du langage, cette
spécialiste passionnée s'insurge contre le discours alarmiste des linguistes:
les vrais dyslexiques, affirme-t-elle, ne représentent qu'à peine 1 % de la
population.
Pourquoi parlez-vous de « vraie-fausse épidémie »
?
Il y a bien une épidémie, non pas de dyslexiques, mais de mauvais lecteurs.
Quand nous rééduquons un prétendu dyslexique en six mois, c'est qu'il n'est pas
dyslexique. En trente ans de métier, j'ai vu passer des centaines de mal-lisants,
mais seulement une quinzaine étaient d'authentiques dyslexiques.
Le diagnostic de ce trouble de la lecture et de l'écrit
repose pourtant sur des études scientifiques...
Aucune enquête ne prouve de façon définitive que la dyslexie a une origine
neurologique ou génétique. Il y a de fortes chances pour que les scientifiques
assimilent la dyslexie à d'autres troubles du langage tels que l'alexie, une
incapacité de lire qui a effectivement des origines neurologiques. Le vrai
dyslexique est celui qui n'arrive pas à associer lettre et son. Or on taxe tout
de suite de dyslexie un enfant qui déplace les lettres dans un mot ou qui
les confond, alors que son problème peut être provoqué par une mauvaise
latéralité, une immaturité sensorielle ou un défaut de langage.
Pourquoi de plus en plus d'enfants butent-ils sur la lecture
et l'écriture?
La méthode mixte – mi-globale, mi-syllabique – utilisée à l'école depuis les
années 70 mène à l'échec les enfants fragiles. Les élèves ont bien du mal à
trouver une logique de lecture, puisqu'ils doivent mémoriser des mots dont ils ne
connaissent pas les lettres. Tout repose sur la mémoire visuelle, sans aucun
repère phonique. Dans ces conditions, ils confondent facilement des lettres
comme le "b" et le "d".
Méthode syllabique contre méthode globale : c'est
l'éternel débat...
La méthode globale n'est pas mauvaise en soi mais demande une formation
pointue. D'ailleurs, ce n'est pas elle qu'on utilise à l'école, mais la mixte.
Pour enseigner correctement la lecture, il faut commencer par la lettre et
construire le mot à partir de la syllabe. L'apprentissage syllabique doit être
progressif et rigoureux, ce qui est moins que jamais le cas.
Le gouvernement a lancé un plan de dépistage de la
dyslexie – premier du genre – au printemps dernier. Qu'en pensez-vous ?
La France a enfin pris la mesure du problème. Mais on parle toujours de l'échec
de l'enfant, sans jamais remettre en question la pédagogie ni la formation des
enseignants. Les instituteurs n'ont aucune idée de la phonétique. Et si l'on
commençait par mieux les former ?
Propos recueillis par Claire Chartier
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Colette OUZILOU
Presses de la Renaissance, 212 p