Dans les années 1990, la Suède a pris la tête des pays
réformistes dans l'optique du New
Management. Le pays est passé en quelques années d'un système éducatif
étatique et centralisé à une décentralisation totale. Les enseignants sont
devenus des employés communaux. Les établissements sont gérés par des chefs
d'établissement qui ont une totale liberté de gestion sous tutelle de la municipalité
et une large autonomie pédagogique. L'État attribue aux communes une enveloppe
globale en échange de services. Les parents peuvent inscrire leur enfant dans
l'école de leur choix à l'intérieur de la commune. Ils disposent d'un chèque
éducation. C'est son apport qui alimente le budget de chaque école. On a donc
la plus large décentralisation parmi les pays de l'OCDE et elle a été effectuée
en un temps record.
Vingt ans après la réforme, le diagnostic dressé par l'OCDE
sur l'École suédoise relève des points forts. Malgré le chèque éducation, les
différences entre les écoles sont faibles. Les relations profs élèves sont
bonnes. Mais l'OCDE pointe le faible niveau de compétences des élèves suédois et
la baisse régulière des performances en compréhension de l'écrit, en maths et
en sciences dans les évaluations PISA depuis 10 ans. Celle-ci découle en partie
du manque de discipline dans les classes : les élèves suédois sont les plus
souvent en retard dans l'OCDE. Elle provient aussi de l'émiettement du système
de formation des enseignants dont l'embauche est maintenant municipale. L'OCDE
pointe aussi le faible niveau du statut social des enseignants : seulement 5 %
d'entre eux estiment que leur métier est valorisé dans la société, un taux très
proche de celui de la France. Autre proximité, dans un contexte fort différent
: l'étude souligne le manque de clarté dans l'administration de l'École et dans
ses objectifs.
L'OCDE invite d'abord à revoir le financement de l'École.
Elle estime qu'il est insuffisant et qu'il faut apporter de nouvelles
ressources. Cela remet en question le choix opéré dans les années 1990 du
chèque éducation. Elle invite aussi à revoir la formation des enseignants et à
la “re-étatiser” à travers un institut national. L'éclatement du système a
conduit à multiplier les instituts de formation et à abaisser le niveau de
formation. L'OCDE demande aussi un effort pour valoriser le métier enseignant
en encourageant un pilotage partagé des établissements, ce qui remet en cause
sa municipalisation, et en encourageant la coopération entre les enseignants.
Enfin l'organisation invite à faire des efforts pour améliorer le niveau
scolaire des élèves issus de l'immigration en renforçant l'enseignement du
suédois et l'école primaire.
Pour nous, ces critiques portées par l'OCDE prennent leur
sens par rapport à la situation actuelle de l'école française. Celle-ci partage
bien des maux avec l'école suédoise : baisse des performances, inégalités
scolaires accrues, dévalorisation du métier. L'intérêt pour nous c'est que ces
mauvais résultats sont le résultat d'une réforme libérale de l'éducation :
le chèque éducation avec le libre choix parental, l'autonomie totale laissée
aux écoles, le management local, la toute-puissance du chef d'établissement,
tout cela a été expérimenté en Suède et a échoué.
D’après un article de François Jarraud
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Merci, Bernard. Il y a un passage sur le déclin de la Suède dans le nouveau livre de Hirsch.
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