Translate

jeudi 7 novembre 2013

La moitié des élèves n'ont pas d'enseignement des sciences en Primaire

Avis présenté au nom de la Commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2014
par  Julie Sommaruga

Assemblée nationale
n° 1429
10.2013 


La députée PS Julie Sommaruga consacre donc ce rapport à l’enseignement des sciences au primaire et au collège.

Elle commence par un constat que chacun peut faire : « L’enseignement scientifique dispensé au primaire et au collège est en souffrance, voire en crise, ce que traduisent les résultats des élèves, qui par ailleurs manifestent peu d’intérêt pour les matières concernées. »

Précisant pour le Primaire : « D’une part, en calcul, les performances des élèves du primaire baissent ou stagnent, comme le montre l’enquête Lire, écrire, compter de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), effectuée en fin de CM2 en 1987, 1999 et 2007 [1]. Les scores obtenus entre 1987 et 1999 ont en effet diminué de manière importante, soit une diminution du score moyen d’environ deux tiers d’écart-type. De 1999 à 2007, il s’est opéré un tassement des résultats, avec un score moyen en légère baisse, mais de manière peu significative au regard des marges d’erreur inhérentes à ce type d’étude. (…) D’autre part, au primaire, comme au collège, on constate la persistance d’un “noyau dur” d’élèves en grande difficulté dans les sciences expérimentales. Les évaluations dites CEDRE [2] montrent ainsi qu’en fin d’école élémentaire, si plus de la moitié des élèves atteint un premier niveau de conceptualisation et peut exploiter des données organisées, 15 % des élèves ne peuvent répondre qu’à des questions en lien avec leur expérience quotidienne. »

Selon l’auteur du rapport, « cette situation résulte de facteurs structurels. » Lesquels ?

Il y a d'abord, bien sûr, les programmes, que les constructivistes de tout poil trouvent toujours trop lourds. L’air est connu : leurs objectifs sont « trop ambitieux et leur caractère élitiste et formel. » Explication : « Cette situation s’explique par le fait que cet enseignement, à commencer par celui des mathématiques, est conçu comme un outil de sélection scolaire. C’est l’un des effets pervers d’un système éducatif ultra-hiérarchisé. » Avec les mots “sélection” et “ultra-hiérarchisé”, inutile de rajouter quoi que ce soit. La sentence est tombée. Pourtant, il serait bon de préciser que ces fameux programmes “trop lourds” n'ont cessé d'être allégés depuis les années 80. Et ce n'est pas fini ! Quand on adopte des pratiques d'enseignements inefficaces comme les pratiques de découverte, on est bien obligé de rabattre ses prétentions encore et encore.

Ensuite, il y a la « la démarche d’investigation [qui] est préconisée par l’ensemble des programmes concernés du primaire et du collège. » Ce dont il faudrait « se réjouir ». Si on avait eu un doute après le couplet sur les programmes, on a ici la certitude que Julie Sommaruga est complètement acquise au camp constructiviste. Elle fait même fort en affirmant que cette démarche pédagogique « est indispensable à l’acquisition des fondamentaux  », alors que son caractère inefficace est maintenant largement prouvé. Les croyances ont la peau dure...

Selon l’auteur du rapport, si les enseignants ne les ont pas mise en œuvre (air connu), c’est parce que les conditions du métier se sont dégradées et parce que les formations initiale et continue sont insuffisantes. Bien que ces deux facteurs soient bien réels, ils n’expliquent en rien la faillite de l’enseignement des sciences. D'une part, la dégradation des conditions d’exercice du métier a un retentissement sur l’ensemble des enseignements dispensés et pas seulement sur les sciences. Et d'autre part, les insuffisances de la formation n'existent pas seulement en durée, mais aussi et surtout en contenu : depuis une quarantaine d'années,  les démarches de découverte bénéficient d’une sorte de monopole, surtout en sciences où les formateurs ne jurent que par La Main à la pâte. Or chaque praticien sait que ce dispositif est chronophage, difficile à mettre en œuvre et dispendieux. Passer un trimestre à montrer que l’eau qui chauffe se met à bouillir et celle qu’on refroidit finit par geler est une activité de centre aéré ou de colonie de vacances. Expérimenter sur du vide rappelle le titre du livre (inspiré par une expérience farfelue mais réelle tentée en classe) :  Le poisson rouge dans le Perrier… qui date de 1983. Déjà, à l’époque, on faisait n’importe quoi au prétexte de faire des sciences. Et il faudrait s’étonner de la faillite que déplore l’auteur de ce rapport ?

La réalité est qu'il faut d’abord enseigner les connaissances fondamentales avant de passer à l’expérimentation. Le novice n'est pas un expert, et les démarches qui conviennent à l'expert ne sont pas valides pour le novice.

Le résultat de toutes les errances pédagogiques, dont La Main à la pâte est l’aboutissement, fait que l’enseignement des sciences est aujourd’hui gravement sinistré. La preuve ? « Au primaire, un enseignement de sciences expérimentales qui ne serait pas assuré dans près de la moitié des classes. » (p 20) ; « environ une moitié encore des classes primaires françaises ne respectent sans doute pas les obligations d’enseignement des sciences expérimentales et d’observation » (citation d’un avis de l’Académie des sciences qui préconise obstinément depuis des années le dispositif de La Main à la pâte, prouvant ainsi qu’on peut être à la fois un savant dans sa discipline et un ignare en pédagogie). 

Les procédures d’enseignement des sciences sont devenues tellement compliquées que la moitié des enseignants du Primaire n’osent même plus les tenter. Les manuels, sur lesquels les professeurs et leurs élèves pouvaient s’appuyer, ont pratiquement disparu depuis que la mode est à l’investigation plutôt qu’à l’enseignement. Je dirais même que les constructivistes n’ont jamais eu besoin de manuels, car leur démarche pédagogique repose le plus souvent sur l'improvisation et le bricolage, si possible de dernière minute. L'enseignant devient ainsi un artiste qui réalise des performances. Et non un professionnel efficace.

On ne s'étonnera pas qu’au terme de ce parcours, la solution imaginée par Julie Sommaruga soit le recours à un comité Théodule. C'est décidément devenue une vraie habitude, dont la seule utilité se réduit à caser des copains. En l’occurrence, il s’agit de l’ASTEP, créé en 2009 et dont personne n’a jusqu’alors entendu parler [3]… en-dehors du petit cercle de la Fondation La Main à la pâte

Encore une fois, on préfère un machin-bidule qu’on monte en épingle... à la mise en place d’un enseignement explicite et structuré seul à même de renverser la tendance, de rendre leur efficacité aux démarches pédagogiques, de faire en sorte que les apprentissages des élèves débouchent sur des réussites.





[1] . Voir cet article.
[2] . Voir cet article.
[3] . Je vous donne la signification de ce nouvel acronyme : “accompagnement en sciences et technologie à l’école primaire”. Qui le savait ?

1 commentaire:

  1. Merci pour cet article. La moitié des élèves en primaire n'ont pas suivi des formations et des enseignements concernant les sciences. Et pour y remédier il existe actuellement un appui scolaire pour les élèves afin de réussir.

    RépondreSupprimer

Les commentaires reçus n’ont pas tous vocation à être publiés.
Étant directeur de publication de ce blog, seuls les textes qui présentent un intérêt à mes yeux seront retenus.