Avis présenté au nom de la Commission des Affaires
culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2014
par Julie Sommaruga
Assemblée nationale
n° 1429
10.2013
La députée PS Julie Sommaruga consacre donc ce rapport à l’enseignement
des sciences au primaire et au collège.
Elle commence par un constat que chacun peut faire : « L’enseignement scientifique dispensé au
primaire et au collège est en souffrance, voire en crise, ce que traduisent les
résultats des élèves, qui par ailleurs manifestent peu d’intérêt pour les
matières concernées. »
Précisant pour le Primaire : « D’une part, en calcul, les performances des élèves du primaire
baissent ou stagnent, comme le montre l’enquête Lire, écrire, compter de la
direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP),
effectuée en fin de CM2 en 1987, 1999 et 2007 [1]. Les scores obtenus entre 1987 et 1999 ont
en effet diminué de manière importante, soit une diminution du score moyen
d’environ deux tiers d’écart-type. De 1999 à 2007, il s’est opéré un tassement
des résultats, avec un score moyen en légère baisse, mais de manière peu
significative au regard des marges d’erreur inhérentes à ce type d’étude. (…) D’autre
part, au primaire, comme au collège, on constate la persistance d’un “noyau dur”
d’élèves en grande difficulté dans les sciences expérimentales. Les évaluations
dites CEDRE [2] montrent ainsi qu’en fin d’école
élémentaire, si plus de la moitié des élèves atteint un premier niveau de
conceptualisation et peut exploiter des données organisées, 15 % des élèves ne
peuvent répondre qu’à des questions en lien avec leur expérience quotidienne. »
Selon l’auteur du rapport, « cette situation résulte de facteurs structurels. » Lesquels ?
Il y a d'abord, bien sûr, les programmes, que les constructivistes de
tout poil trouvent toujours trop lourds. L’air est connu : leurs objectifs
sont « trop ambitieux et leur
caractère élitiste et formel. » Explication : « Cette situation s’explique par le fait que
cet enseignement, à commencer par celui des mathématiques, est conçu comme un
outil de sélection scolaire. C’est l’un des effets pervers d’un système
éducatif ultra-hiérarchisé. » Avec les mots “sélection” et “ultra-hiérarchisé”, inutile de rajouter quoi que ce soit. La sentence est tombée. Pourtant, il serait bon de préciser que ces fameux programmes “trop lourds” n'ont cessé d'être allégés depuis les années 80. Et ce n'est pas fini ! Quand on adopte des pratiques d'enseignements inefficaces comme les pratiques de découverte, on est bien obligé de rabattre ses prétentions encore et encore.
Ensuite, il y a la « la
démarche d’investigation [qui] est préconisée par l’ensemble des programmes
concernés du primaire et du collège. » Ce dont il faudrait « se réjouir ». Si on avait eu un
doute après le couplet sur les programmes, on a ici la certitude que Julie Sommaruga
est complètement acquise au camp constructiviste. Elle fait même fort en
affirmant que cette démarche pédagogique « est indispensable à l’acquisition des fondamentaux », alors
que son caractère inefficace est maintenant largement prouvé. Les croyances ont la peau dure...
Selon l’auteur du
rapport, si les enseignants ne les ont pas mise en œuvre (air connu), c’est parce que les conditions
du métier se sont dégradées et parce que les formations initiale et continue
sont insuffisantes. Bien que ces deux facteurs soient bien réels, ils n’expliquent
en rien la faillite de l’enseignement des sciences. D'une part, la dégradation des conditions d’exercice
du métier a un retentissement sur l’ensemble des enseignements dispensés et
pas seulement sur les sciences. Et d'autre part, les insuffisances de la formation n'existent pas seulement en durée, mais aussi et surtout en contenu : depuis une quarantaine d'années, les démarches de découverte bénéficient d’une
sorte de monopole, surtout en sciences où les formateurs ne jurent que
par La Main à la pâte. Or chaque praticien sait que ce
dispositif est chronophage, difficile à mettre en œuvre et dispendieux. Passer
un trimestre à montrer que l’eau qui chauffe se met à bouillir et celle qu’on
refroidit finit par geler est une activité de centre aéré ou de colonie de
vacances. Expérimenter sur du vide rappelle le titre du livre (inspiré par une expérience farfelue mais réelle tentée en classe) : Le
poisson rouge dans le Perrier… qui date de 1983. Déjà, à l’époque, on
faisait n’importe quoi au prétexte de faire des sciences. Et il faudrait s’étonner
de la faillite que déplore l’auteur de ce rapport ?
La réalité est qu'il faut d’abord enseigner les connaissances fondamentales avant de passer à l’expérimentation. Le novice n'est pas un expert, et les démarches qui conviennent à l'expert ne sont pas valides pour le novice.
Le résultat de toutes les errances pédagogiques, dont La Main à la pâte est l’aboutissement,
fait que l’enseignement des sciences est aujourd’hui gravement sinistré. La
preuve ? « Au primaire, un
enseignement de sciences expérimentales qui ne serait pas assuré dans près de
la moitié des classes. » (p 20) ; « environ une moitié encore des classes
primaires françaises ne respectent sans doute pas les obligations d’enseignement
des sciences expérimentales et d’observation » (citation d’un avis de
l’Académie des sciences qui préconise obstinément depuis des années le dispositif de La Main à la pâte, prouvant ainsi qu’on peut être à la fois un
savant dans sa discipline et un ignare en pédagogie).
Les procédures d’enseignement
des sciences sont devenues tellement compliquées que la moitié des enseignants du
Primaire n’osent même plus les tenter. Les manuels, sur lesquels les professeurs et leurs élèves pouvaient s’appuyer,
ont pratiquement disparu depuis que la mode est à l’investigation plutôt qu’à
l’enseignement. Je dirais même que les constructivistes n’ont jamais eu besoin de manuels, car leur démarche pédagogique
repose le plus souvent sur l'improvisation et le bricolage, si possible de dernière minute. L'enseignant devient ainsi un artiste qui réalise des performances. Et non un professionnel efficace.
On ne s'étonnera pas qu’au terme de ce parcours, la solution imaginée par Julie Sommaruga soit le recours à un comité Théodule. C'est décidément devenue une vraie habitude, dont la seule utilité se réduit à caser des copains. En
l’occurrence, il s’agit de l’ASTEP, créé en 2009 et dont personne n’a jusqu’alors
entendu parler [3]…
en-dehors du petit cercle de la Fondation La Main à la pâte.
Encore une fois,
on préfère un machin-bidule qu’on monte en épingle... à la mise en place d’un
enseignement explicite et structuré seul à même de renverser la tendance, de
rendre leur efficacité aux démarches pédagogiques, de faire en sorte que les
apprentissages des élèves débouchent sur des réussites.
[1] .
Voir cet
article.
[2] .
Voir cet
article.
[3] . Je
vous donne la signification de ce nouvel acronyme : “accompagnement en
sciences et technologie à l’école primaire”. Qui le savait ?
Merci pour cet article. La moitié des élèves en primaire n'ont pas suivi des formations et des enseignements concernant les sciences. Et pour y remédier il existe actuellement un appui scolaire pour les élèves afin de réussir.
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