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vendredi 7 octobre 2016

La massification scolaire sous la Ve République

 Une mise en perspective des statistiques de l’Éducation nationale (1958-2014)

Auteurs : Florence Defresne et Jérôme Krop
Éducation et formations, n° 91
09.2016
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Le système scolaire français a connu sous la Ve République une massification spectaculaire. Cette massification est caractérisée notamment par un allongement de la durée des études et par l’accès d’une large partie de la population à un niveau de qualification élevé, qui était auparavant réservé à une minorité d’élèves généralement issus des catégories sociales les plus privilégiées.

En effet, jusqu’à la fin des années 1950, le système scolaire français était encore fondé sur la stricte séparation de deux ordres d’enseignement : élémentaire et secondaire. La majorité des élèves suivaient leur scolarité élémentaire dans des écoles primaires durant leur scolarité obligatoire, qui a été allongée d’un an jusqu’à l’âge de 14 ans en 1936 à l’époque du Front populaire. Après l’obtention du certificat d’études primaires, les meilleurs élèves pouvaient poursuivre leur scolarité dans des cours complémentaires, ceux-ci jouant après 1945 un rôle majeur dans l’amorçage de l’allongement de la durée de scolarisation dans les milieux populaires et les classes moyennes. Parallèlement, l’enseignement secondaire reste à cette époque un ordre d’enseignement culturellement et socialement ségrégué. Il se distingue par la culture scolaire plus abstraite qu’il diffuse, historiquement fondée sur la prééminence de la culture classique gréco-latine, mais qui bascule pleinement, au milieu des années 1960, dans un contexte de modernisation économique et d’accélération du progrès technologique, vers une hiérarchisation des enseignements faisant des mathématiques la discipline scolaire la plus sélective. Héritier des collèges de l’Ancien Régime et du lycée napoléonien formant les cadres d’un état centralisé, l’enseignement secondaire reste donc l’apanage d’une minorité issue des groupes sociaux les plus aisés, dont les lycées accueillent encore souvent les enfants dès le début de leur scolarité obligatoire dans des classes élémentaires. La suppression de ces classes élémentaires est en principe actée par l’ordonnance du 3 mars 1945, mais dans les faits elles perdurent jusque dans la première moitié des années 1960.

Même si la gratuité instaurée au début des années 1930 a pu contribuer à l’entrée, dans les collèges et les lycées, d’enfants issus d’un milieu relativement moins aisé, l’enseignement secondaire reste un ordre d’enseignement malthusien et élitiste. Ainsi, pendant l’année scolaire 1957-1958, les classes élémentaires du primaire scolarisent près de 4 millions d’élèves contre moins de 70 000 dans les petites classes des lycées. La même année, si le premier cycle du second degré, de la sixième à la troisième, compte 417 500 élèves, les cours complémentaires en scolarisent autant, tandis que les classes de fin d’études, qui accompagnent jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire les enfants qui ne prolongent pas leurs études, en regroupent 730 000. À la fin des années 1950, seuls 10 % des jeunes constituant une classe d’âge accédaient au baccalauréat, qui est à la fois le diplôme sanctionnant la fin des études secondaires et le premier grade universitaire donnant accès à l’enseignement supérieur. Cependant, la dynamique tant démographique, économique, sociale que culturelle de la France des Trente Glorieuses, qui en matière scolaire se prolonge bien au-delà du milieu des années 1970, conduit à la mise en œuvre de politiques transformant profondément la physionomie du système scolaire. Du début de la Ve République au milieu des années 1990, qui marque l’accès à un nouveau seuil en termes d’accès au baccalauréat, cette transformation conduit à une organisation du système scolaire en deux degrés, celui-ci étant désormais caractérisé par la scolarisation des jeunes français dans un même type d’établissement jusqu’à l’âge de 15 ans.


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