Une mise en perspective des statistiques de l’Éducation
nationale (1958-2014)
Auteurs : Florence Defresne et Jérôme Krop
Éducation et formations, n° 91
09.2016
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Le système scolaire français a connu sous la Ve
République une massification spectaculaire. Cette massification est caractérisée
notamment par un allongement de la durée des études et par l’accès d’une large partie
de la population à un niveau de qualification élevé, qui était auparavant
réservé à une minorité d’élèves généralement issus des catégories sociales les
plus privilégiées.
En effet, jusqu’à la fin des années 1950, le système
scolaire français était encore fondé sur la stricte séparation de deux ordres
d’enseignement : élémentaire et secondaire. La majorité des élèves suivaient
leur scolarité élémentaire dans des écoles primaires durant leur scolarité
obligatoire, qui a été allongée d’un an jusqu’à l’âge de 14 ans en 1936 à
l’époque du Front populaire. Après l’obtention du certificat d’études
primaires, les meilleurs élèves pouvaient poursuivre leur scolarité dans des
cours complémentaires, ceux-ci jouant après 1945 un rôle majeur dans l’amorçage
de l’allongement de la durée de scolarisation dans les milieux populaires et
les classes moyennes. Parallèlement, l’enseignement secondaire reste à cette
époque un ordre d’enseignement culturellement et socialement ségrégué. Il se
distingue par la culture scolaire plus abstraite qu’il diffuse, historiquement
fondée sur la prééminence de la culture classique gréco-latine, mais qui
bascule pleinement, au milieu des années 1960, dans un contexte de
modernisation économique et d’accélération du progrès technologique, vers une hiérarchisation
des enseignements faisant des mathématiques la discipline scolaire la plus
sélective. Héritier des collèges de l’Ancien Régime et du lycée napoléonien
formant les cadres d’un état centralisé, l’enseignement secondaire reste donc
l’apanage d’une minorité issue des groupes sociaux les plus aisés, dont les
lycées accueillent encore souvent les enfants dès le début de leur scolarité
obligatoire dans des classes élémentaires. La suppression de ces classes
élémentaires est en principe actée par l’ordonnance du 3 mars 1945, mais dans
les faits elles perdurent jusque dans la première moitié des années 1960.
Même si la gratuité instaurée au début des années 1930 a pu
contribuer à l’entrée, dans les collèges et les lycées, d’enfants issus d’un
milieu relativement moins aisé, l’enseignement secondaire reste un ordre
d’enseignement malthusien et élitiste. Ainsi, pendant l’année scolaire
1957-1958, les classes élémentaires du primaire scolarisent près de 4 millions
d’élèves contre moins de 70 000 dans les petites classes des lycées. La même année,
si le premier cycle du second degré, de la sixième à la troisième, compte 417 500
élèves, les cours complémentaires en scolarisent autant, tandis que les classes
de fin d’études, qui accompagnent jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire
les enfants qui ne prolongent pas leurs études, en regroupent 730 000. À la fin
des années 1950, seuls 10 % des jeunes constituant une classe d’âge accédaient au
baccalauréat, qui est à la fois le diplôme sanctionnant la fin des études
secondaires et le premier grade universitaire donnant accès à l’enseignement supérieur.
Cependant, la dynamique tant démographique, économique, sociale que culturelle
de la France des Trente Glorieuses, qui en matière scolaire se prolonge bien
au-delà du milieu des années 1970, conduit à la mise en œuvre de politiques
transformant profondément la physionomie du système scolaire. Du début de la Ve
République au milieu des années 1990, qui marque l’accès à un nouveau seuil en
termes d’accès au baccalauréat, cette transformation conduit à une organisation
du système scolaire en deux degrés, celui-ci étant désormais caractérisé par la
scolarisation des jeunes français dans un même type d’établissement jusqu’à
l’âge de 15 ans.
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