Heureux comme un constructiviste
nommé dans un Conseil éducatif inutile
Article publié le
27.11.2014 :
Le 19 avril 2013, la
ministre George-Pau Langevin installait un nouveau Comité Théodule à l’Éducation
nationale (un de plus !) : le Conseil national de l’innovation et de
la réussite éducative, dont la présidence a été confié à Didier Lapeyronnie,
professeur de sociologie à l’université Paris-Sorbonne. Un sociologue, pourquoi
pas ? J'en connais qui disent des choses intéressantes sur l'École... mais ils
sont peu nombreux dans cette corporation habituellement favorable au
constructivisme.
En matière de “réussite
éducative” et d’innovation, la ministre George-Pau Langevin avait l’air d’en
connaître un bon bout puisque, lors de sa prise de parole au congrès de l’ICEM
le 21 août de la même année, elle avait affirmé : « Ce que
Célestin Freinet a posé comme questions demeure extrêmement actuel ».
Misère ! Si elle en est réduite à invoquer des pratiques obsolètes datant
des années 1920, cela en dit long sur ses compétences en tant que ministre
déléguée à la “réussite éducative”.
Au passage, j’aurais
plutôt parlé de réussite scolaire. La réussite éducative étant principalement
du ressort des parents. Mais, passons…
Le 10 novembre 2014, ce
Conseil national de l’innovation and so on publiait une synthèse de ses travaux. Il aura donc fallu 18 mois pour parvenir à pondre un
document de 52 pages ! Le rendement est donc plutôt faible : un peu
moins de 3 pages par mois.
D’autant plus que, dès la
table des matières, on est particulièrement surpris de voir l’influence que
semble avoir exercé Brighelli sur les auteurs. On est étonné de le trouver en
cet endroit situé à mille lieues de l’école de Jules Ferry chère au pamphlétaire.
Rappelons que Brighelli s’est fait connaître en 2005 avec son livre La
fabrique du crétin. Manifestement, le crétin – les éducrates visés par le
polémiste – a aimé ce terme de “fabrique” puisque trois des cinq chapitres du
document reprennent le mot. On a ainsi des fabriques pour l’engagement,
l’ouverture, la compétence. Voilà une belle anomalie ! Mais
rassurez-vous : c’est la seule, car tout le reste est sans surprise.
Ne perdons pas de temps
et allons directement aux 25 propositions et recommandations terminales. On y
retrouve tous les poncifs apparus ces derniers mois : l’inévitable et omniprésente
“bienveillance”, l’édulcoration des sanctions, la priorité aux concertations et
aux parlotes vaines, le travail en équipe, le numérique, la coopération, les
démarches de projet, le travail coopératif (encore !), l’évaluation
forcément et uniquement positive, l’innovation comme règle de vie, la formation
professionnelle conçue comme une conformation, la “perception ouverte” du
métier (!), les expérimentations si possible loufoques, et – last but
not least – « mettre en place une cérémonie d’accueil pour
sensibiliser les nouveaux enseignants et personnels à l’éthique et les intégrer
symboliquement dans la communauté éducative » [ne pas rire] ! Sans
oublier, bien entendu, les parents d’élèves, nouveaux rois de l’École, avec
l’augmentation de leur pouvoir, leur association automatique à toute décision,
et l’instauration d’un médiateur école-familles dont on pressent que son rôle
consistera surtout à défendre les deuxièmes contre la première.
Bref, n’en jetez
plus : la cour est pleine.
Une seule proposition
parvient à surnager dans ce naufrage de l’efficacité professionnelle des
enseignants, la proposition 5 : « Reconnaître l’engagement des
personnels dans les projets par le biais des rémunérations, des décharges, de
l’accès aux formations ou par la progression de l’avancement. »
Parions déjà que si
toutes les autres recommandations ont quelques chances d’aboutir, celle-ci est
déjà condamnée à l’avance. Combien de fois nous l’a-t-on déjà servie… sans
aucun résultat tangible. La carotte fait toujours avancer le bourricot.
En fait, la véritable
innovation dans l’Éducation nationale serait de se mettre à choyer les
enseignants, de les payer enfin décemment et de veiller pour de bon à ce qu’ils
aient les meilleures conditions de travail possibles. Cela oui, ce serait
vraiment nouveau. Pour ne pas dire innovant !
Article publié le 27.09.2016 :
J’ai déjà eu l’occasion de parler du CNIRÉ (Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative), encore un fromage où caser les amis constructivistes plus ou moins radicaux. Comme si les démarches par découverte qu'ils revendiquent provoquaient la réussite ! Après quarante années de mise en application forcenée de ces pratiques dans l’École française, on est plus proche du désastre pédagogique que de la réussite, y compris “éducative”.
J’ai déjà eu l’occasion de parler du CNIRÉ (Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative), encore un fromage où caser les amis constructivistes plus ou moins radicaux. Comme si les démarches par découverte qu'ils revendiquent provoquaient la réussite ! Après quarante années de mise en application forcenée de ces pratiques dans l’École française, on est plus proche du désastre pédagogique que de la réussite, y compris “éducative”.
Najat Vallaud-Belkacem, actuelle ministre, a récemment prononcé
un discours à Grenoble pour « renforcer la culture de l’innovation dans l’Éducation
nationale ». Et relancer par la même occasion le CNIRÉ dont tout le monde
avait depuis oublié l’existence. La ministre a annoncé la nomination de son nouveau président : sans
surprise, il s’agit de Philippe Watrelot, membre éminent du CRAP, vivier de militants
constructivistes conformes au dogme pédagogique en vigueur. Décidément, on trouve ces gens dans tous les fromages et leur
règne, malgré les catastrophes qu’ils ont provoquées, n’est pas près de s’arrêter…
Le CNIRÉ a rendu la synthèse des travaux qu’il a conduit
pendant deux ans. Un document de 36 pages, soit une moyenne d’une page et demie par mois ! Une
telle cadence de travail montre à quel point on se moque du monde. Un vrai scandale.
D’autant que si on voulait véritablement innover, il
suffirait tout simplement de renoncer à toutes les vieilles recettes de l’École “nouvelle”
(qui aura bientôt un siècle), à toutes les lubies constructivistes et à toutes les
démarches inefficaces par découverte. Parce que ces pratiques pédagogiques sont la cause fondamentale des
inégalités scolaires : les élèves en difficulté s’y noient, les moyens
boivent la tasse et les bons surnagent comme ils peuvent grâce à leur famille.
La gabegie a assez duré.
La véritable innovation consisterait à mettre enfin en œuvre les
pratiques d’enseignement efficaces. À commencer par l’Enseignement Explicite.
Et pas besoin d’un CNIRÉ pour cela. Tant pis pour le fromage…
Et comme l'a dit @cassiaux_ sur Twitter :
“Waterloo, morgue pleine.”
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