En janvier 2016, le
Centre Alain Savary (une émanation de l’IFÉ) publiait à grand fracas une série d'articles sur l’enseignement explicite : Enseigner
plus explicitement – L’essentiel en 4 pages. Un travail « nourri par la formation nationale de
formateurs REP organisée par la DGESCO à Poitiers et Lyon en 2015 ».
Au vu du résultat, les pauvres formateurs REP ont dû avoir une indigestion de
propos abscons présentant une sorte d’enseignement explicite incompréhensible,
complètement étranger à ce que Barak Rosenshine a décrit sous ce nom dans les
années 1980. J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de parler de ce qui apparaît au
final comme une minable tentative de récupération constructiviste. Décidément, tout ce que
touchent ces gens-là finit en eau de boudin. Même les meilleures choses…
Je voudrais revenir
toutefois sur un « élément de langage » qui est réapparu à plusieurs
reprises depuis janvier, signe qu’il s’agit bien d’une façon de parler
concertée et répétée. Le vrai et authentique Enseignement Explicite (auquel nous
mettons désormais des majuscules pour le distinguer des succédanés constructivistes)
se voit maintenant désigné dans les cercles de la recherche pédagogique française
sous le nom d'« enseignement direct » ou d'« instruction directe ».
Voir, par exemple, ce qu’en dit Sylvie Cèbe dans son intervention.
En substance, on nous explique que « “Enseignement
explicite” ne se confond pas avec le concept “d’instruction
directe”, développée au Québec. Pour Sylvie Cèbe, “enseigner de manière
explicite” se rapporte davantage à une préoccupation professionnelle de
l’enseignant qu'à une méthode systématique. » On remarquera au passage que, comme Barak Rosenshine est
superbement ignoré dans ces « quatre pages » - bien qu’il soit “le
père” de l’enseignement explicite -, ce sont nos amis canadiens (dont seul
Steve Bissonnette a l’honneur d’être cité) qui apparaissent comme les vilains
instructionnistes, inventeurs d’un « enseignement direct ».
Rappelons que lorsqu’on
parle d’« instruction directe », cela renvoie au Direct Instruction
(développé par Siegfried Engelmann et ses collaborateurs dans les années 60 et suivantes). Barak
Rosenshine s’est servi des résultats obtenus par le Direct Instruction dans le
fameux projet Follow Through pour décrire les différents paramètres à observer (ou à éviter)
afin de mettre en œuvre un enseignement efficace. Pour autant, l’enseignement explicite
défini par Rosenshine (et repris par Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et
Mario Richard) est différent du Direct Instruction. Alors que Rosenshine décrit
ce qu’il faut faire (et ne pas faire), le Direct Instruction va plus loin en
donnant aux enseignants des scripts de leçon à suivre à la virgule près, car
tout a été pensé et testé au préalable pour obtenir une efficacité maximum.
Notons au passage que les enseignants français disent rejeter cette façon de faire car ils ne se considèrent pas comme des “techniciens” tout juste bons à appliquer une méthode, même si celle-ci est réputée efficace. Pourtant, bon nombre d’entre eux recherchent sur Internet des recettes clés en main et des plans de leçon tout préparés. Par conséquent, les scripts façon Direct Instruction ne seraient pas du luxe pour donner un cadre cohérent à une démarche pédagogique et pour faire d’un amateur montant son enseignement de bric et de broc un professionnel responsable. Mais c’est une autre histoire…
Notons au passage que les enseignants français disent rejeter cette façon de faire car ils ne se considèrent pas comme des “techniciens” tout juste bons à appliquer une méthode, même si celle-ci est réputée efficace. Pourtant, bon nombre d’entre eux recherchent sur Internet des recettes clés en main et des plans de leçon tout préparés. Par conséquent, les scripts façon Direct Instruction ne seraient pas du luxe pour donner un cadre cohérent à une démarche pédagogique et pour faire d’un amateur montant son enseignement de bric et de broc un professionnel responsable. Mais c’est une autre histoire…
« Enseignement
direct », disent les constructivistes. Il en faudrait d’ailleurs peu, dans leur bouche, pour que cet enseignement direct ne soit de fait « directif »,
ce qui est pour eux le comble de l’horreur pédagogique. D’ailleurs, le Café
pédagogique parle de l’enseignement direct comme d’« une forme assez contestée d'enseignement » dans cet article. Pour les constructivistes, l’enseignement explicite est un « état
d’esprit », mais absolument pas une démarche pédagogique. Résumons :
sur une heure de classe, les élèves doivent patauger pendant 55 minutes devant
une situation complexe et il reste 5 minutes à leur enseignant pour expliquer
ce qu’ils devaient « découvrir » par eux-mêmes pour construire leur
savoir. C’est vrai que, dans ce cas, il y a intérêt à avoir un « état d’esprit »
explicite. Reste à savoir si, au final, la démarche constructiviste y gagne en efficacité…
Autre tendance qui court sur Internet : le mélange. Sur le modèle de nos chercheurs en sciences de l’éducation,
il est pédagogiquement correct de dire qu’il est « bon de varier les approches » dans la mesure où, bien sûr, l'ensemble reste d'inspiration constructiviste. Ainsi, on peut donc jouer quelques (fausses) notes d’explicite dans la symphonie des démarches par découverte. Et malheur à celui qui dit le contraire !
Les constructivistes
dénigrent et méprisent l’« enseignement direct » ou l’« instruction
directe ». Ils l'amalgament à l'enseignement traditionnel honni. Ils préfèrent promouvoir un enseignement plutôt constructivo-explicite, c’est-à-dire un
machin ignoble dont des exemples abstrus sont donnés sur cette page, avec des schémas débiles dont voici un aperçu :
Enseignement explicite
(interprétation constructiviste)
Avec cette récupération
de l’Explicite, on retrouve toutes les manœuvres habituelles des constructivistes :
lorgner une bonne pratique, y récupérer ce qui est nouveau pour en faire
quelque chose d’indigeste et d’inefficace, disqualifier le reste en le traitant de « direct », ignorer et mépriser ceux qui ont fait connaître cette
bonne pratique (Rosenshine et nos amis canadiens), battre le rappel des idiots
utiles sur les réseaux sociaux pour faire la promotion de la « nouveauté »,
en parler dans le Café pédagogique et sans doute bientôt dans les Cahiers pédagogiques, obliger les formateurs à s’aligner sur le nouveau dogme, faire
de l’œil à la hiérarchie intermédiaire, se mettre un ministre incompétent dans
la poche. Et le tour est joué !
La Joconde
(interprétation constructiviste)
Avant d'être des théories de l'enseignement, le constructivisme et le socio-constructivisme sont des théories de l'apprentissage. Il faut savoir comment on apprend pour bien enseigner!
RépondreSupprimerLe malheur, c’est que même comme théories de l’apprentissage le constructivisme et le socioconstructivisme reposent sur des bases qui sont erronées.
RépondreSupprimerIl n’est qu’à se reporter à la théorie de la charge cognitive et à la distinction qu’il faut faire entre les connaissances et habiletés biologiquement primaires (par exemple reconnaître des visages ou apprendre à parler, qui ne nécessitent pas un apprentissage structuré) et celles qui sont biologiquement secondaires (l’étude de la langue, les mathématiques, la culture générale qui s’enseignent dans un cadre scolaire, et si possible de manière explicite pour les installer solidement et durablement).
Voir à ce propos un document récemment publié (en anglais) sur les travaux, entre autres, de John Sweller.