Auteur : Paratge
L’école constructiviste de dentisterie permet aux élèves de
découvrir leurs propres procédures de traitement du canal radiculaire.
LYON
À l’école de médecine dentaire privée, on ne trouvera ni cotons
tiges à l’ancienne ni schémas parodontaux comme on les appelle, ni même des
amalgames. C’est parce que, dans cette institution d’apprentissage alternatif,
les étudiants sont encouragés à rompre avec la tradition médicale et à
découvrir leurs propres procédures.
« Chez nous, nous
croyons que la dentisterie n’est pas que la pratique médicale qui traite les
troubles de la dent et de la gencive, c’est plus que ça » déclare le
directeur de l’école, le Dr Hubert Benoît, aux journalistes. « Il s’agit de favoriser la créativité, la
promotion de l’expression de soi et l’individualité. Il s’agit de regarder une
pulpe pourrie et d’en tirer ses propres conclusions. »
« En fait, ici la
dentisterie c’est tout ce que nos étudiants veulent en faire » poursuit-il.
Fondée en 1991 et conçue d’après les méthodes d’enseignement
développées d’abord par le grand pédagogue Philippe Reimieu, l’école propose un
cycle de trois ans offre une approche fraîche et innovante de l’apprentissage
qu’on trouve rarement dans les écoles plus classiques de dentisterie.
Les enseignants ou “facilitateurs itinérants dentaires”,
comme ils préfèrent qu’on les appelle, peuvent être difficiles à repérer dans
l’école : ils choisissent souvent de rester à l’écart de leurs étudiants
curieux et ne font que de légères suggestions par exemple sur la façon dont un
plancher radiculaire infecté doit être drainé.
« Lors du traitement
d’un canal radiculaire, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise méthode »
déclare la formatrice Vanessa Perrin qui ajoute qu’elle n’enseigne pas à ses
étudiants comment traiter un nerf enflammé mais les conduit plutôt vers une
bouche ouverte et prend ensuite du recul. « Bien
sûr, nous pourrions dire à nos étudiants : “Ici l’émail est complètement érodé
et doit être traité immédiatement.” Mais ce qui est plus satisfaisant, ce qui
est plus dynamique, c’est de simplement laisser lentement se développer chez
l’étudiant une “impression” de la raison pour laquelle un patient est en train
de hurler. »
« Nous essayons
d’encourager nos étudiants à travailler avec leurs patients afin de déterminer
une solution à leur situation-problème » ajoute Perrin. « C’est une des nombreuses raisons pour
lesquelles nous ne croyons pas à l’utilisation de l’anesthésie pendant les
procédures chirurgicales. »
Selon ses administrateurs, l’école de médecine dentaire
s’efforce de présenter une alternative à la structure dogmatique des autres
écoles. En plus d’être libres de définir leur propre programme d’études, les
étudiants de l’établissement privé peuvent prendre une pause pendant les
opérations longues et compliquées s’ils s’ennuient ou ne se sentent pas
inspirés.
L’atmosphère de tradition confinée et antiseptique est
absente même des salles de classe qui sont des environnements reposants et qui
sont parfois remplies de confortables canapés rembourrés plutôt que de chaises
de dentistes.
« Si un étudiant est
en train d’installer une couronne et sent à mi-parcours qu’il se sentirait
mieux s’il faisait un implant dentaire, ici il peut le faire » dit le
professeur Marcel Rufeau qui déclare qu’il voit le cabinet du dentiste comme un
lieu d’exploration et d’expression et non comme un lieu de règles fixes. « Ici, ça n’existe pas, les gens qui “forent
distraitement jusqu’à la gencive inférieure” ou qui “retirent par erreur la
mauvaise incisive latérale maxillaire supérieure.”
Les récents diplômés de la petite école indépendante sont
d’accord : « Grâce à mes professeurs, je
sens que je peux relever n’importe quel défi professionnel qui se présente
», déclare le Dr Kevin Dugenou alors qu’une seringue remplie de Novocaïne coule
lentement dans le fond de la gorge d’un patient vers ses poumons. « Ou, à tout le moins, je peux accepter que ce
n’est pas la fin du monde si je n’y arrive pas. »
[Plus loin, un autre intervenant ajoute : « Ils en
avaient ouvert une avec la même pédagogie pour former des pilotes de ligne mais
elle a fermé après le premier cours sur l'atterrissage. »]