Surprise ! Le site des Cahiers pédagogiques publie un article non polémique sur l’enseignement
explicite (qu'il a souvent assimilé à de l'enseignement traditionnel pour mieux le dénigrer). Pour une fois, celui-ci est même présenté, dans la partie qui le concerne, à peu près tel qu’il est. Jugez plutôt :
« L’enseignement explicite, ou enseignement efficace, trouve ses théoriciens chez Clermont Gautier, Steve Bissonnette et Mario Richard. Ils s’appuient sur des recherches comme le projet Follow Through. Cette démarche correspond à des « méga-analyses » (c’est-à-dire des compilations de méta-analyses) de recherches en sciences humaines de par le monde, dans le but d’augmenter la force de la preuve par des échantillons de plus en plus grands. On trouve également la méga-analyse conduite par John Hattie qui semble aboutir à des résultats similaires.
Ces études font apparaître une forte prépondérance de « l’effet-maitre » sur la réussite des élèves. Elles déconseillent fortement les pratiques qui négligeraient la part de cet effet. En premier chef, les pratiques de types socio-constructivistes.
L’enseignement explicite appartient à la famille pédagogique dite « instructionniste. » Il s’oppose aux pédagogies de la seule découverte, centrées sur l’élève. D’après Gauthier, Bissonnette et Richard (2007), un enseignement explicite se traduit par l’enchaînement de plusieurs étapes :
1/ La mise en situation : la présentation de l’objectif d’apprentissage, la traduction de / l’objectif en résultats attendus, l’activation de ce que savent les élèves, la vérification et, si besoin, l’enseignement des connaissances préalables.
2/ L’expérience d’apprentissage : le modelage (présentation claire de l’objet d’enseignement, par des exemples et des contre-exemples), la pratique guidée (pour vérifier la qualité de la compréhension des élèves sur des tâches semblables au modelage, par questionnement et rétroaction) et la pratique autonome (pour consolider les réussites).
3/ L’objectivation : pour extraire les concepts, les connaissances, les stratégies ou les attitudes essentielles, pour ensuite les mémoriser. »
Cet article s'intitule Constructivisme ou enseignement explicite ?. À lire la présentation des deux pratiques, on s'aperçoit immédiatement de la limpidité de la démarche explicite qui contraste vraiment avec le salmigondis verbeux et pseudo-scientifique qui justifie les pratiques constructivistes.
Dans leur introduction, les auteurs, Pierre Cieutat et Sylvain Connac, disent ceci :
« L’enseignement explicite est parfois présenté en opposition aux théories constructivistes et socio-constructivistes. Cet article présente les liens qui existent entre ces conceptions pédagogiques et didactiques, pour dépasser une opposition stérile et tenter une appréhension globale de l’acte d’enseigner. »
Hélas pour eux, l’Enseignement Explicite est toujours présenté en opposition
aux pratiques constructivistes, quelles que soient leurs diverses formes. Les seules
exceptions à la règle sont le fait des contrefaçons “explicites” suggérées,
entre autres, par le Centre Alain Savary (dont la falsification est d’ailleurs placée en lien dans la
partie de l’article intitulée “Pour aller plus loin”, plus loin dans le
brouillard et la perdition sans doute).
L’opposition, à la fois théorique et pratique, entre
Explicite et constructivisme, que les auteurs jugent « stérile », est
en fait ontologique, parfaitement fondée et surtout irréductible. Les constructivistes
auront beau tourner la question dans tous les sens, ils n’arriveront pas à surmonter
cette antinomie. Sauf à dénaturer l’Explicite (solution de Goigoux qui a eu l’audace
de parler d’un hold-up sémantique !) ou à manger son chapeau constructiviste (ce que personne
ne semble vouloir faire pour ne pas déroger à l’orthodoxie pédagogique dominante).
Évoquons, par exemple, un seul axe d’opposition radicale, de
surcroît majeur : en Enseignement Explicite, la complexité chère aux
constructivistes n’arrive qu’au terme des apprentissages – réussis et solides –
des connaissances et des habiletés nécessaires à sa résolution. Et non en
préalable, comme l’exige l’axiome jamais démontré du constructivisme
triomphant.
Si on juge de plus haut, l’opposition fondamentale se joue
en fait entre les pratiques pédagogiques qui se fondent sur des données
probantes nombreuses, massives et incontestables (comme l’Enseignement
Explicite ou l’enseignement réciproque) et les pratiques pédagogiques qui se
fondent sur des croyances, une tradition ou une idéologie (le reste, dont le constructivisme).
Cependant, je sais gré aux auteurs du ton dépassionné et – relativement
– objectif qu’ils ont adopté dans leur article. C’est tellement rare qu’il faut le souligner. Toutefois, j’observe qu'ils parlent d’Enseignement
Explicite sans citer une seule fois Barak Rosenshine qui en est “le père”. Cela
devient décidément une habitude malgré nos recommandations. Et bien sûr, aucune mention du site Form@PEx qui aurait pu
légitimement figurer dans la partie “Pour aller plus loin”, afin de contrebalancer
la seule perspective – frelatée – du Centre Alain Savary.
Mais là, j’ai conscience d’en demander trop…
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