Quels effets du passage en Rased sur le parcours scolaire des élèves ?
Claire Bonnard, Jean-François Giret et Céline Sauvageot
Les Documents de Travail de l’IREDU
02.2017
Disons-le d’emblée, cette étude de l'IREDU pointe l’inefficacité des
RASED.
Rappelons que, pour remplacer les GAPP (Groupe d’Aide Psycho-Pédagogique),
les RASED (Réseau d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté) furent créés
en 1990. Leur mission était d’« apporter
des aides spécifiques et différenciées aux élèves signalés en difficulté des
écoles maternelles et primaires, qui doivent être complémentaires et ne pas se
substituer à l’action de l’enseignant dans sa classe ». Ils sont constitués,
dans le meilleur des cas, par deux professeurs des écoles spécialisés (maîtres E
et G) et un psychologue scolaire pour renforcer les équipes pédagogiques dans
la prise en charge des difficultés d’apprentissage et de comportement des
élèves signalés comme étant en difficulté.
Suite à la loi Montchamp de février 2005 sur l’inclusion
scolaire à tout prix des élèves dits “à besoins spécifiques”, l’utilité des
RASED est paradoxalement devenue contestable puisque chaque instituteur en
classe ordinaire devenait subitement apte à recevoir un ou plusieurs élèves
souffrant de handicap. En 2007, la suppression des RASED fut même un temps
envisagée.
Les auteurs de cette étude de l’IREDU ont jugé utile d’apprécier l’efficacité
de ce dispositif (ce qui avait rarement été fait jusqu’alors) en s’appuyant sur
un panel de 10 000 élèves entrés au CP en 1997 et suivis jusqu’en 5e.
Cela leur a permis de mettre en exergue trois points
négatifs :
- un recrutement trop large : un tiers des élèves pris
en charge ne présentent pas de difficulté scolaire ;
- un effet d’étiquetage : les élèves pris en charge par
le RASED restent stigmatisés par ce passage ;
- l’effet des prises en charge sur le niveau scolaire est
nul ou négatif : « Le fait
d’avoir été en RASED a un impact d’autant plus négatif si l’élève présente initialement
moins de difficultés scolaires et comportementales. En revanche, l’effet
apparaît neutre pour les élèves jugés les plus en difficulté ».
Sur ce dernier point, j’ai pu personnellement constater, au
long de ma carrière, que les prises en charge ne servaient pratiquement à rien,
et n’entraînaient aucune amélioration du niveau scolaire ou du comportement des
élèves confiés au RASED. Probablement parce que ces prises en charge étaient
trop en pointillés, qu’elles débutaient trop tard dans l’année scolaire et se
finissaient trop tôt, qu’elles enlevaient les élèves de leurs classes pendant
que les autres élèves continuaient les apprentissages, et qu’elles s’inspiraient
de principes pédagogiques situés exactement à l’inverse de ce qu’il faut mettre
en œuvre pour ces élèves en perdition. Le jeu et l’auto-construction des savoirs ne font qu’empirer
les situations de difficulté. Mais les collègues du RASED étaient charmants et
sympathiques, ils prenaient toujours bien soin de ne pas trouver à redire sur
les pratiques pédagogiques des maîtres des élèves qu’ils prenaient. D’où le
retour de politesse à leur égard sur la qualité de leurs interventions. Et tant pis pour l’efficacité et les
résultats obtenus…
Les conclusions de cette étude de l’IREDU rejoignent ce qu’écrivaient
Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller dans Réapprendre à lire (p 183) : « Sans qu’il soit possible de détailler les recherches (au demeurant peu
nombreuses) qui portent sur les effets des GAPP et plus tard des RASED sur les
parcours des élèves, on peut observer qu’elles s’accordent généralement sur
leurs conséquences négatives ». Ces auteurs relatent même, en note de
bas de page (p 178), que des enseignants de terrain leur ont expliqué que « les RASED, ça fait vingt ans qu’ils ne
foutent rien ». Remarque que j’ai également maintes fois entendue sous
les préaux d’école, bien que beaucoup de collègues appréciaient de se délester
d’un élève “à problème” le temps d’une prise en charge chichement octroyée.
Alors qu’en déduire ?
Avec l’inclusion généralisée des élèves à besoins
spécifiques dans les classes ordinaires, les difficultés d’exercice du métier d’enseignant
se sont indéniablement accrues. Et, parallèlement, la prise en charge des
élèves en difficulté ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Pour une intervention sérieuse, il aurait fallu
alléger les effectifs des classes comportant une ou plusieurs inclusions, en
comptant double ou triple les élèves qui ont un handicap scolaire ou de
comportement caractérisé (sans parler d’une prime de sujétion spéciale pour l’enseignant,
proportionnelle au degré de handicap des élèves qu’il accueille dans sa
classe). Par ailleurs, la présence d’un orthopédagogue dans chaque école (ou
pour un nombre donné de classes) permettrait des interventions plus fréquentes
et plus efficaces car cet enseignant spécialisé, en étant constamment sur place, connaîtrait mieux les élèves et
leurs difficultés. Mais ces améliorations auraient coûté cher, alors que l’adoption
de l’inclusion forcée était justement une manœuvre pour réaliser des économies.
Reste qu’évaluer l’efficacité d’un dispositif pédagogique
relève d'une sorte de tabou dans le système scolaire français complètement soumis
à l’idéologie constructiviste. Comme le montre le peu d’études réalisées (et le
tollé qu’elles suscitent à chaque fois) sur l’efficacité des RASED, qu'il est parfaitement légitime de questionner après 27 années de mise en œuvre !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires reçus n’ont pas tous vocation à être publiés.
Étant directeur de publication de ce blog, seuls les textes qui présentent un intérêt à mes yeux seront retenus.