Résumé du livre :
Presque
tous les problèmes cruciaux de notre école sont en un sens des problèmes
philosophiques : autorité pédagogique, « sens des
savoirs », laïcité et rapport entre les cultures, définition d'un système éducatif juste, transformations liées au numérique, etc.
Pourtant, les philosophes de notre époque parlent
peu de l'éducation, encore moins de l'éducation scolaire. La philosophie doit reprendre sa part
dans l'approche publique de la « crise » de l'école. C'est à quoi ce livre veut inviter.
Ces
problèmes sont philosophiques dans la
mesure où ils touchent aux principes censés régir
l'institution scolaire. Ces principes sont aujourd'hui confus ou introuvables,
s'agissant notamment de ce qui est à enseigner et
de ce qui est à évaluer. Tous
les acteurs et partenaires de l'institution scolaire sont sensibles à cette déficience, d'où s'ensuivent, à un degré trop élevé pour n'être pas
ruineux, perplexités, inquiétudes, malentendus, découragements
et rejets.
Mais
rétablir pour l'école des principes solides suppose qu'on prenne en compte
les complications modernes et tout particulièrement françaises de la relation au savoir et à la culture. C'est le double objet de ce livre. Il faut
relire Rousseau, Durkheim, Foucault, Bourdieu, pour remonter aux origines de
notre crise intellectuelle, mais aussi pour remarquer ce que les pensées les plus provocantes doivent encore à la notion classique de la culture de l'esprit.
« Rien ne s'apprend plus facilement que ce qu'il y a
de meilleur. » Si Érasme a
raison, alors l'urgence est toujours de faire que le meilleur soit offert à tous les enfants.Commentaire :
Denis Kambouchner avait publié, en 2000, Une école contre l’autre, livre dans lequel il avait décortiqué méticuleusement les affirmations de Philippe Meirieu et les avait réfutées l’une après l’autre, avec une érudition impressionnante.
Aussi, lorsqu’est paru ce nouvel ouvrage, je me suis
empressé de me le procurer. Le titre était, de surcroît, alléchant : L’École, question philosophique. Angle
sous lequel la question éducative est finalement assez rarement abordée. Connaissant
la grande qualité de l’auteur et son attachement au camp instructionniste, je m’attendais
à un nouveau démontage en règle de la philosophie constructiviste qui régente l’École
depuis une bonne quarantaine d’années. Avec, en regard, un exposé savant et
complet sur la philosophie instructionniste qui sera amenée à s’imposer dans
les années qui viennent si on veut éviter le naufrage complet du système éducatif.
Car c’est bien là que se situe le problème. Tout part de la
conception que l’on se fait de l’École, du rôle qu’elle doit jouer et de la
mission que la société lui confie. Cet aspect, qui est d’ordre essentiellement politique,
pourrait utilement être éclairé par une analyse philosophique qui montrerait
les enjeux historiques et sociétaux qu’impliquent des choix opposés. Et qui
mieux que Denis Kambouchner, esprit brillant, agrégé de philosophie et
professeur d’université à Panthéon-Sorbonne, pourrait s’atteler à cette tâche
essentielle ?
Hélas, je dois dire que ce livre n’a pas répondu à mes
attentes. En fait, il s’agit d’une compilation d’articles et de travaux portant
sur tel ou tel thème particulier, étudié de façon universitaire avec une
érudition sans égale, mais à un point tel que la lecture en devient pénible
pour un non spécialiste comme moi. Et même sans intérêt dans la dispute qui
oppose les uns aux autres.
Denis Kambouchner connaît le mot “instructionnisme” que l’on
trouve à deux reprises (pp 36 et 298). S’il parle de “pédagogie explicite” (pp
65, 67 et 92), c’est celle évoquée en son temps par Pierre Bourdieu. Au total
donc, quelques mentions assez vagues, reflétant une connaissance peu assurée de
ce courant pédagogique qui fait contrepoids au constructivisme, et de la
démarche d’enseignement qui l’illustre par son efficacité.
En conclusion : un livre à recommander aux étudiants de
master en philosophie. Mais à éviter pour qui veut trouver des arguments
solides à opposer aux bataillons constructivistes qui s’agrippent toujours aux
postes clés d’un système éducatif qu’ils ont investi depuis plusieurs décennies
et qu’ils ne veulent toujours pas lâcher.
J’ai peine à dire que l’utilité de ce livre dans le combat
instructionniste est équivalente à celle d’un « couteau sans lame auquel manque le manche ». Bien qu’ayant
utilisé cette amusante expression depuis mes années de lycée, je ne savais pas
qu’elle venait du savant et écrivain allemand Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799),
dont j’ai appris l’existence à la page 160. Au moins, ce livre m’aura apporté
cela…
Je conserve néanmoins une grande estime et une grande considération
pour Denis Kambouchner. Pour tout dire, je ne désespère pas qu’il écrive enfin
le grand livre que j’attends toujours sur la question philosophique de l’École.
L'École, question philosophique
Denis KAMBOUCHNER
Fayard (Collection Histoire de la pensée), 354 p
01/2013
01/2013
Après la lecture de mon commentaire, un ami en qui j’ai toute confiance me précise que le livre de Denis Kambouchner ne se contente pas d’être une simple “compilation” comme je l’ai écrit. En effet, la moitié du contenu est inédit, l’ensemble est très construit et certains textes ont été profondément remaniés à l’occasion de cette parution. De plus, le mot “compilation” ne convient pas, puisqu’on ne peut compiler que les textes des autres et non les siens.
RépondreSupprimerPar ailleurs, les instructionnistes pourraient être intéressés par la critique de l’arbitraire pédagogique (chapitre 3), celle du “socle commun” (chapitres 4 et 5), par la problématique des compétences (chapitre 4), ainsi que par les propositions finales des chapitres 4 et 5.
Selon cet ami, l’objet essentiel du livre n’est pas la pédagogie, mais cette sorte de crise intellectuelle qui a affecté les principes de l’enseignement et qui a rendu possible la légitimation de toutes sortes d’errements, notamment constructivistes.
Il est donc fort probable que quelque chose m’ait échappé !
Dont acte.
Une seule solution : procurez-vous le livre, lisez-le et revenez ici nous faire part de votre propre opinion dans un commentaire.