Dans Le Monde daté du 21 février 2013, Antoine Prost publie une tribune
percutante que nous reproduisons
ci-dessous. Le constat est alarmant mais il est hélas vrai : le système
éducatif français est défaillant. Depuis les années 2000 selon l’auteur, depuis
les années 1970 selon moi. C’est-à-dire depuis que les pratiques d’enseignement
inefficaces inspirées du constructivisme ont pris le dessus dans les
programmes, dans les formations et dans les classes. Jusqu’à leur triomphe,
avec la loi Jospin de 1989. Le temps que les derniers pédagogues récalcitrants
partent à la retraite et nous voilà arrivés au seuil des années 2000. D’où la
survenue des vrais dégâts éducatifs relevés par Antoine Prost à partir de ce moment-là.
Sa conclusion est d’ailleurs
d’une rare clairvoyance : « Nous
avons un vrai problème de pédagogie qui ne se résoudra pas en un jour. »
Et pour cause ! Les mauvaises habitudes d’enseignement ont été prises
depuis tant d’années qu’il sera difficile de les révoquer facilement, tant les idées
fausses sur lesquelles elles reposent apparaissent comme des évidences pour de
nombreux enseignants. Et ce, nonobstant les piteux résultats obtenus par leurs
élèves.
La preuve ? La Pédagogie
Explicite reste marginale, malgré les résultats sans équivoque des recherches
les plus récentes et la montagne de données probantes qui en résultent. Aussi
surprenant que cela paraisse, l’efficacité n’est toujours pas une priorité pour
l’Éducation nationale ! Plus fort encore, d’aucuns considèrent sans rire
qu’ils ne sont pas de simples “techniciens de l’enseignement” et revendiquent
par conséquent leur droit à ne pas être efficaces. Quand l’incompétence devient une vertu…
Tant que l’édifice éducatif
continuera de reposer sur des croyances débiles, sur des idéologies avariées et
sur les opinions d’incapables, le problème de la pédagogie se posera. Et de
plus en plus. Ou plutôt, de pire en pire.
Antoine Prost
Le niveau scolaire baisse, cette fois-ci c'est vrai !
À force
de crier au loup, c'est en vain qu'on appelle au secours s'il
surgit... On a tellement dénoncé la baisse du niveau, alors qu'il montait,
comme le montraient les évaluations faites à la veille du service militaire,
lors des “trois jours”, qu'aujourd'hui l'opinion ne s'alarme guère, alors qu'il
baisse pour de bon.
Il faut
pourtant sonner le tocsin. Tous les indicateurs sont au rouge. Dans
les fameuses enquêtes PISA, la France est passée entre 2000 et 2009, pour la
compréhension de l'écrit, du 10e rang sur 27 pays au 17e sur
33.
La proportion d'élèves
qui ne maîtrisent pas cette compétence a augmenté d'un tiers, passant de 15,2
%, à 19,7 %. En mathématiques, nous reculons également et nous sommes dans
la moyenne maintenant, alors que nous faisions partie du peloton de tête.
Ces chiffres gênent : on
les conteste. Ce sont des évaluations de compétences à 15 ans, qui mesurent
indirectement les acquisitions scolaires...
Et pour ne
pas risquer d'être mal jugés, nous nous sommes retirés de l'enquête internationale
sur les mathématiques et les sciences. Mieux vaut ne pas prendre sa
température que de mesurer sa fièvre.
Mais cela ne l'empêche
pas de monter. Les données s'accumulent.
Voici une autre enquête
internationale qui, elle, fait référence aux programmes scolaires (Pirls). Elle
porte sur les compétences en lecture après quatre années d'école obligatoire,
donc à la fin du CM1.
En 2006, sur 21 pays
européens, la France se place entre le 14e et le 19e rang
selon les types de textes et les compétences évaluées.
Les enquêtes nationales
vont dans le même sens. Le ministère a publié une synthèse des évaluations du
niveau en CM2 de 1987 à 2007 (note d'information 08.38).
Si le niveau est resté
stable de 1987 à 1997, il a en revanche nettement baissé entre 1997 et 2007. Le
niveau en lecture qui était celui des 10 % les plus faibles en 1997 est, dix
ans plus tard, celui de 21 % des élèves.
La baisse se constate
quelles que soient les compétences. A la même dictée, 46 % des élèves faisaient
plus de 15 fautes en 2007, contre 21 % en 1997.
L'évolution en calcul est
également négative. Le recul n'épargne que les enfants des cadres supérieurs et
des professions intellectuelles, dont les enseignants.
Le dernier numéro
(décembre 2012) d'Éducation et formations, la revue de la direction
de l'évaluation du ministère, présente une étude sur le niveau en lecture en
1997 et 2007 : la proportion d'élèves en difficulté est passée de 14,9 %, à 19
%, soit une augmentation d'un tiers.
Un élève sur trois est
faible en orthographe, contre un sur quatre dix ans plus tôt.
Il est urgent de
réfléchir aux moyens d'enrayer cette régression. Les résultats convergents
et accablants qui viennent d'être cités sont tous antérieurs à la semaine de
quatre jours.
Qui
peut soutenir qu'elle ait amélioré les choses ?
Cela dit, elle n'est pas
seule en cause. Si l'on ne trouve pas les moyens de faire travailler plus
efficacement les élèves, le déclin est inéluctable.
Le projet de Vincent
Peillon donne opportunément la priorité au primaire, mais aucun ministre
n'a de prise directe sur ce qui se fait dans les classes.
C'est aux professeurs des
écoles et à leurs inspecteurs qu'il revient d'y réfléchir collectivement. Et le
temps presse : nous avons un vrai problème de pédagogie qui ne se résoudra pas
en un jour.