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J’avais
remis la lecture de ce livre à plus tard. Parce que je sentais que le
sujet était plus polémique qu’utile au combat mené contre le
pédagogisme. Cela n’a d’ailleurs pas manqué puisque la publication de ce
livre a marqué la rupture complète entre ces deux acteurs médiatiques
de la refondation de l’École que sont l’auteur et Laurent Lafforgue, à
la fois mathématicien renommé et catholique convaincu.
Brighelli s’empare du drapeau de la laïcité pour mener le combat d’un agnostique militant et libertin, mettant toutes les religions dans le même sac et ce sac jeté dans la mer de l’obscurantisme qui « éteint les lumières ». Le tout avec un vrai talent de plume, un grand sens de la formule choc… et de l’argument taillé à l’emporte-pièce.
Le problème majeur qu’évoque l’auteur est la manifestation de l’islam dans les écoles. Qui, selon lui, devrait purement et simplement être interdite. Et, pour faire bonne mesure, même chose pour les chrétiens et les juifs. Avec cet objectif, curieux par son antinomie : « Interdire définitivement toute manifestation religieuse – et, plus largement, toute expression d’intolérance. » J’avais bien fait de remettre la lecture à plus tard…
D’abord, descendant d’une famille vaudoise puis réformée ayant souffert de persécutions religieuses pendant des siècles, je reconnais à chaque fidèle le droit le plus absolu de vivre sa foi à sa guise, dès lors que la manifestation de cette foi ne gêne pas l’ordre public. La France, malgré les droits de l’Homme, a conservé secrètement une habitude d’intolérance religieuse, qui ne se retrouve pas par exemple dans les pays anglo-saxons. Et les athées n’échappent pas à cette malédiction, comme le démontre suffisamment ce livre.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement les musulmans, je trouve scandaleux de les avoir encouragés à venir en France… pour leur reprocher trente ans après d’être ce qu’ils sont. Si on ne voulait pas de burqa dans nos rues, il ne fallait pas accepter l’immigration en provenance de la terre d’Islam. Par ailleurs, il me paraît tout à fait injuste de blâmer les élèves qui portent le hijeb et de fermer les yeux (si je puis dire !) devant les élèves qui exhibent leur string et plus encore. On exclut les premières, pas les autres. Dès lors que la France a renoncé à faire porter un uniforme aux élèves, le vêtement ne devrait pas poser problème. Sinon on risque de fixer des limites forcément contestables : pourquoi seraient-elles la religion et non la décence, ou autre chose encore ?
Enfin, ma conception de la laïcité n’est pas l’interdiction de la religion. La laïcité est le devoir de neutralité que doit respecter tout enseignant, en tant que fonctionnaire. En classe, je ne m’interdis pas de parler des différentes religions ou de l’athéisme, mais je ne proclame pas ma foi calviniste qui ne regarde personne dans le cadre de ma mission d’enseignement. Pourquoi s’offusque-t-on aujourd’hui des élèves qui se disent musulmans et ne dit-on rien quand des professeurs arrivent en classe arborant un T-shirt avec la tête du Che ou passant leur année à délivrer un enseignement étroitement inspiré par leur lubie du moment. Au mépris de tout élémentaire devoir de réserve.
Ce qui ne doit pas être toléré à l’école (habillement, propos, attitudes…) s’applique à tout le monde, aussi bien aux élèves entre eux qu’aux enseignants. Il ne doit pas y avoir deux poids deux mesures : la laïcité n’est pas à géométrie variable selon les sympathies ou les humeurs. Sans parler du respect que l’on doit à tout être humain et aux convictions qui sont les siennes, même si elles sont parfaitement étrangères aux nôtres, dès lors qu’on l’a cordialement invité chez nous et chaudement encouragé à s’y sentir chez lui. La question de l’immigration et de ses effets aurait dû être posée avant que le mouvement ne s’amorce. Et cette question doit se poser à ceux qui nous gouvernent et non peser sur les descendants d’immigrés. En confondant injustement l’effet et la cause. Ce qui est le défaut de ce livre…
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Une école sous influence – ou Tartuffe-roi
Jean-Paul BRIGHELLI
Jean-Claude Gawsewitch,
Paris, 10/2006, 275 p.
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