Voici ce que j’écrivais dans un article de ce blog en mars 2016 :
« Avec cette récupération de l’Explicite, on retrouve toutes les manœuvres habituelles des constructivistes : lorgner une bonne pratique, y récupérer ce qui est nouveau pour en faire quelque chose d’indigeste et d’inefficace, disqualifier le reste en le traitant de “direct”, ignorer et mépriser ceux qui ont fait connaître cette bonne pratique (Rosenshine et nos amis canadiens), battre le rappel des idiots utiles sur les réseaux sociaux pour faire la promotion de la “nouveauté”, en parler dans le Café pédagogique et sans doute bientôt dans les Cahiers pédagogiques, obliger les formateurs à s’aligner sur le nouveau dogme, faire de l’œil à la hiérarchie intermédiaire, se mettre un ministre incompétent dans la poche. Et le tour est joué ! »
Tout était prémonitoire, y compris la mention
d’un dossier à paraître dans les Cahiers
pédagogiques.
Le seul élément qui a disparu est le ministre
incapable d’alors, Najat Vallaud-Belkacem. Mais que les “pédagogues
progressistes” en chambre se rassurent, il y en aura d’autres dès que la gauche
reviendra au pouvoir. Cette gauche abandonnée par les pauvres et qui plaît tant
aux riches.
Il y a un an environ, le CRAP annonçait à son
de trompe son intention de publier un dossier sur “L’enseignement explicite”.
Début février de cette année, voilà qui était fait. Mais le titre avait changé.
Il était question d’“Expliciter en classe”. Ce qui – point positif – sonne déjà
moins comme une escroquerie.
Rappelons tout de même – point négatif –, que
notre amie Céline Clément, de l’université de Strasbourg, avait proposé pour ce
dossier un article qu’elle avait écrit avec Maria-Antoneta Popa-Roch pour
parler vraiment d’enseignement explicite, le vrai, l’authentique, qu’elle connaît
parfaitement. Mais le comité de rédaction des Cahiers pédagogiques a refusé de le publier sous un prétexte
fallacieux. C’est dire l’ouverture d’esprit de ces progressistes d’opérette !
Car, même s’ils ne cochent aucune des cases de
cet article, les constructivistes français parlent d’explicite, en revendiquent
même l’invention et son usage exclusif. Peu leur importe si le constructivisme
explicité est aussi incongru que pourrait l’être un enseignement explicite par
découverte. Un machin aussi cohérent que glace chaude ou feu froid.
Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est le
constructivisme explicité, voici en quoi cela consiste. Il faut expliquer la
consigne en début de séance, puis laisser les élèves “construire leur savoir”
devant une situation complexe, et les faire “expliciter” ce qu’ils ont
découvert pendant qu’ils pataugeaient, se noyaient ou surnageaient (selon leur
niveau initial). Voilà ce qu’est devenu l’enseignement explicite en version
constructiviste. Rien de bien nouveau donc, sauf un effort initial de l’enseignant
pour expliquer la consigne… bien que toute explication soit absolument contraire
au dogme.
Avec cette histoire d’explicitation, les
constructivistes veulent donc ajouter un manche à leur couteau qui n’a toujours
pas de lame. Quel progrès !
La parution du dossier avait été précédée de
peu, sur le site du CRAP, par un article de Jean-Pierre Fournier, un
ex-enseignant en collège devenu formateur (!), intitulé “Explicite… c’est pas clair !”, publié
début février. Excellent titre qui, bien qu’en français approximatif, avoue que
pour les constructivistes, l’enseignement explicite est loin d’être un modèle clair. Pour
cet auteur, il s’agit de « faire
que, dans la tête des élèves du secondaire, l’image de l’orchestre se substitue
à celle du grand bazar peut rendre plus clair un ensemble passablement confus ».
La solution pourtant simple qui échappe à l’auteur est qu’il suffirait d’abandonner au plus
vite toute pratique de découverte. Mais non. En conclusion de cet article, on
lit que « démocratie et efficacité
vont de pair ». En effet, depuis le temps que les instructionnistes le
répètent !
Comme on pouvait s’y attendre, le dossier “Expliciter
en classe” est totalement dénué d’intérêt. On y sert la soupe constructiviste
habituelle et on y retrouve sans surprise les “pédagogues progressistes”
autoproclamés, comme Patrick Rayou, Yves Reuter, Jean-Michel Zakhartchouk,
Sylvain Connac et d’autres moins connus. Bref, les thuriféraires accoutumés,
les compagnons de route, les idiots utiles et des chercheurs qui ne voient pas
plus loin que le bout de leur Freinet. Avant même qu’ils parlent, on sait déjà leurs
conclusions…
Ce qui est nouveau, c’est qu’ils reconnaissent
(enfin !) les limites de leurs pratiques pédagogiques. Ainsi, on peut lire
sous la plume de Laurent Lescouarch, que la « dimension implicite des apprentissages à réaliser est difficile à
appréhender pour certains élèves, ceux dont l’environnement social offre moins
de ressources d’étayage des apprentissages (…). De ce fait, les approches par l’activité
peuvent relever d’une forme d’élitisme involontaire ». Bravo pour la
découverte de cette réalité qui s’offre depuis une quarantaine d’années dans
toutes les écoles de France et de Navarre. Quel remède nous est alors proposé ?
« L’enjeu d’autonomisation implique
que des formes actives et constructivistes soient bien présentes dans les
activités proposées aux élèves, afin de permettre la construction de compétences
plus complexes et transférables » ! Ainsi, on constate que
quelque chose ne marche pas mais qu’il faut continuer à faire comme
auparavant, en pire si possible. Avec sans doute le secret espoir que les élèves
apprennent enfin, comme par magie. Inutile donc d’aller plus loin dans notre
lecture.
Publié sur le site du CRAP à la fin du mois de
février, l’épisode se termine par un entretien avec les deux coordinatrices du
dossier, Andrea Capitanescu-Benetti et Sylvie Grau (qui sont, bien sûr, des
formatrices !). Celles-ci reconnaissent que « quelles que soient les pédagogies utilisées dans les classes, des
plus directives aux plus actives, l’explicitation est de mise » et qu’il
faut être « attentifs à l’importance
de l’étayage ». Et c'est tout.
Elles concluent : « Nous souhaitions montrer que les enjeux
d’explicitation se jouent durant toute la scolarité et cela pour que l’école
soit plus juste pour tous. » Avec les solutions contenues dans leur
dossier, ce n’est pas encore demain qu’elle le sera... plus juste pour tous.
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