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jeudi 31 octobre 2002

Livre : Parents contre profs (Maurice T. Maschino)


Résumé du livre:

Si l'on observe dans la société française une démission croissante des parents, on constate simultanément, depuis une dizaine d'années, une irruption des mêmes dans l'enceinte des établissements scolaires. Depuis qu'en 1989 une « loi d'orientation », confiant l'école à la « communauté éducative », les a placés au rang de « partenaires permanents de l'école ou de l'établissement scolaire », de plus en plus nombreux sont les parents d'élèves, organisés ou non en association, qui se croient autorisés à faire la leçon aux enseignants quant à l'instruction qu'ils dispensent à leurs enfants. Quelle est la situation exacte, comment en est-on arrivé là, et que faire pour apaiser cette nouvelle guerre scolaire ?
Fruit de nombreux entretiens avec des chefs d'établissements, des conseillers principaux d'éducation, des professeurs des collèges et lycées, des instituteurs, ce document témoigne pour un corps enseignant malmené, discrédité, et relate des faits extravagants, certains parents se permettant par exemple de juger le contenu des cours, le bien-fondé de telle sanction disciplinaire et de faire valoir leur prétendu droit de décider.
Dédié à “ceux qui veulent sauver l'école”, ce livre est un plaidoyer en faveur de la survie du noble métier d'enseignant et de l'intelligence active des parents en milieu scolaire.



Commentaire  :

Voilà un livre que j’ai lu en octobre 2002 et dont je n’avais pas encore fait une recension.

De mon expérience professionnelle de près de quarante années d’exercice, il ressort que la très grande majorité des parents d’élèves sont courtois, soucieux du travail scolaire de leurs enfants, respectueux de l’enseignant ou du directeur d’école.

Mais il est vrai qu’une petite minorité de butors entrent dans les établissements scolaires en pays conquis pour faire la leçon aux enseignants, avec plus ou moins d'agressivité. Pour ces gens-là, la parole de l’enfant l’emporte toujours sur celle de l’enseignant. Ils viennent à l’école, non pas comme des adultes conscients de leurs responsabilités éducatives, mais comme des avocats de leur progéniture. Si on les écoute, on n’est jamais assez sévère vis-à-vis des autres élèves, mais toujours trop pour leur propre enfant. À ce stade-là, apparaît très souvent l’argument de “la boule au ventre” du pauvre chéri quand il vient à l’école, tellement il est “traumatisé-stigmatisé”, etc.

Nous pourrions en rire... si ces quelques parents déboussolés ne jouaient pas le rôle de l’arbre qui cache la forêt. Lorsqu’ils s’y mettent, ils prennent tellement la tête des enseignants visés que ces derniers oublient la grande majorité des parents dignes de ce rôle, qui apprécient leur travail. Les uns font du bruit, les autres font confiance.

Incontestablement, ce harcèlement – dont tous les enseignants, même les plus démagos, sont un jour ou l’autre victime – participe à la dégradation continue des conditions de travail.

D’après Maschino, les cibles favorites sont les jeunes institutrices débutantes et sans enfant. Je confirme ce constat dans ce que j’ai pu voir au cours de ma carrière. Les parents harceleurs s’attaquent toujours à ce qu’ils estiment être le point faible de l’école, par exemple un(e) débutant(e) ou un(e) remplaçant(e). Les professionnels aguerris qui savent ce qu’ils font en classe et pourquoi ils le font sont bien moins embêtés, même si cela leur arrive aussi.

Et pourquoi en est-on arrivé là ? Principalement à cause de l’évolution de la société et des mentalités : l’enfant est devenu le centre de la famille, les enseignants ne sont plus respectés, l’école n’assure plus l’insertion réussie dans la vie professionnelle…

À quoi il faut ajouter quarante années de démagogie ministérielle en direction des parents d'élèves, depuis la création des conseils d’école en 1977 (voir cet article). L'un après l'autre, les ministres préfèrent écouter les fédérations de parents d’élèves – plus ou moins représentatives, et plutôt moins si on regarde le nombre de voix qu’elles obtiennent – que les enseignants. Pour les uns, il est indispensable de fourrer son nez dans l’école puisqu’on ne fait pas confiance aux enseignants et qu'on ne les prend pas au sérieux. Pour les autres, il est dangereux de transformer les parents d’élèves en consommateurs car le service public d'éducation n’est pas un supermarché : les élèves ne sont pas des clients, l’école est une institution avec ses règles propres, les enseignants ont une mission qui doit être respectée.

Les constructivistes  encore eux !  ont imposé le slogan de « l’école ouverte sur le monde » dans les années 1970. On sait aujourd'hui que ce sont en fait les problèmes du monde qui sont entrés dans l’école, qui perturbent considérablement son fonctionnement et qui fragilisent le métier d’enseignant. 

Cela participe aussi à ce qu’il y ait de moins en moins de candidats aux concours de recrutement. Même pour le Primaire, ce qui ne laisse rien augurer de bon…

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Maurice T. MASCHINO
Fayard, 263 p
08/2002