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jeudi 28 mars 2013

Les inégalités de réussite à l'école

J’ai rédigé un commentaire à propos de l’article de Janine Reichstadt, publié sur le site de L’Humanité le 1er mars 2013, intitulé “Les inégalités de réussite sont-elles construites au sein des écoles ?”. Je reproduis ci-dessous ce commentaire depuis le site Démocratisation-scolaire.fr. Je rappelle que Janine Reichstadt, professeure, est membre du GRDS (Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire).



« Aujourd’hui, de multiples travaux de chercheurs démontrent que certaines pratiques communément mises en œuvre sont contre-productives, notamment pour les élèves d’origine populaire qui ne trouvent pas chez eux les moyens efficaces de la remédiation, autrement dit que les inégalités de réussite sont largement construites au sein des dispositifs d’enseignement. »

Disons-le clairement : les pratiques du constructivisme pédagogique sont désastreuses. Complètement désastreuses pour les élèves qui ont des difficultés, assez désastreuses pour les élèves moyens et plutôt désastreuses pour les bons.

Pour ceux qui en douteraient encore, l’inefficacité du constructivisme est aujourd’hui clairement prouvée. Les sciences cognitives ont déterminé son erreur ontologique : les apprentissages scolaires ne se font pas “naturellement”. C’est pourquoi cela ne marche décidément pas.

Et ce sont les classes sociales ayant le plus besoin d’école qui, depuis une trentaine d’années, subissent de plein fouet ce manque d’enseignement explicite, progressif et structuré.

Le pire, c’est que les promoteurs de ces pratiques d’enseignement désastreuses se targuaient d’être des “progressistes”. Voir le dernier livre de Sandrine Garcia, À l’école des dyslexiques, qui rappelle l’influence acquise par les mouvements d’éducation “populaire” et de ces charlatans qui ont trahi les humbles. Et qui ont toujours scandaleusement pignon sur rue.

Les mauvaises habitudes, matraquées pendant des années par les IEN et les formateurs, sont maintenant tellement ancrées chez les instituteurs que beaucoup d’entre eux prennent pour argent comptant ce qui n’est que croyance et idéologie. Il sera très difficile d’extirper les mythes pédagogiques qui prévalent toujours…

Pourtant, nous devons parvenir à une École moderne et efficace, donc instructionniste. Nous pouvons même faire l’économie de collectifs de réflexion et de recherche (que Janine Reichstadt – que je salue – appelle de ses vœux) puisque les techniques d’enseignement efficace ont fait l’objet d’études outre-Atlantique depuis les années 1980. Nous savons aujourd’hui comment enseigner efficacement, notamment grâce aux pratiques explicites qui sont décrites et modélisées. Ce type d’enseignement permet à des élèves de quartiers défavorisés d’obtenir, aux standards d’évaluation, des scores plus élevés que ceux des beaux quartiers. Je renvoie au site Form@PEx pour qui souhaiterait en savoir davantage.

Le modèle constructiviste est toujours dominant, mais le modèle explicite émerge depuis les années 2000. Aidons-le : les efforts de tous finiront bien par payer.

Et le plus tôt sera le mieux !

samedi 16 mars 2013

“Plus de maîtres que de classes” : un dispositif efficace ?

Bruno Suchaut

Plus de maîtres que de classes
Analyse des conditions de l’efficacité du dispositif





La loi de refondation de l’école prévoit que sur les postes d’enseignants qui vont être créés, 7000 (soit le tiers) seront affectés au dispositif “plus de maîtres que de classes”. Si l'on en croit le ministre Peillon, ce dispositif va « changer la pédagogie ». Pas moins ! Et peu importent les pratiques d’enseignement adoptées dans ces classes. Comme si on ne pouvait pas être inefficace, tout seul ou à deux...

Les choses ne sont bien sûr pas si simples et Bruno Suchaut nous le montre avec beaucoup de clarté dans cette nouvelle étude qui s’appuie sur les résultats de la recherche en éducation. L’auteur y examine deux aspects : « Le premier concerne les conditions de son efficacité au regard des résultats d’évaluations de dispositifs comparables en France et à l’étranger. Le second aspect a trait à la mise en œuvre concrète de la mesure dans les écoles en identifiant des solutions pédagogiques pertinentes et, par opposition, les facteurs qui présentent un risque au niveau de leur efficacité et leur efficience. »

Parlons justement de ces solutions pédagogiques pertinentes. Pour Bruno Suchaut, cela ne fait aucun doute, il s’agit d’appliquer les techniques de l’enseignement explicite, à plus forte raison en petits groupes : « On sait que le travail en petits groupes facilite les stratégies d’enseignement efficaces pour les élèves en difficulté dans différentes dimensions des apprentissages scolaires et constitue un cadre propice à la pédagogie explicite qui elle-même favorise la compréhension et le maintien des notions en mémoire. »

Laissons la conclusion à Bruno Suchaut [passages soulignés par moi] :

« Si la difficulté scolaire est un constat qui ne cesse d’interroger les politiques éducatives dans beaucoup de pays, celui-ci prend un sens particulier en France car les indicateurs qui rendent compte de la qualité des apprentissages des élèves évoluent négativement depuis plusieurs années. Si le dispositif “plus de maîtres que de classes” peut être considéré comme une forme de réponse adéquate à ce constat dans les écoles accueillant une forte proportion d’élèves en difficulté, certaines conditions demandent à être respectées. En effet, les évaluations de dispositifs comparables sont loin de nous fournir des résultats systématiquement positifs. Par rapport à une réduction massive de la taille de la classe, la dotation en maîtres surnuméraires apparaît, certes moins coûteuse, mais d’une efficacité incertaine si la mesure n’est pas fortement cadrée. Il ne s’agit pas seulement d’innover dans le seul but d’innover et sans un projet précisant l’organisation du travail des enseignants (les titulaires de la classe et l’enseignant supplémentaire). Il existe en revanche des organisations pertinentes basées sur la prise en charge de petits groupes d’élèves ou sous la forme de tutorat dans la classe sur des activités bien précises en référence à des approches qui ont montré leur efficacité, dans l’apprentissage de la lecture notamment. Ce sont donc celles-ci qu’il faut favoriser et développer dans la mise en œuvre du dispositif si l’on veut se donner des garanties sérieuses en matière de réussite. »

Mais les veut-on vraiment, au ministère, ces garanties sérieuses ?

jeudi 14 mars 2013

Les grandes espérances : comment les notes et les politiques éducatives façonnent-elles les aspirations des élèves ? (OCDE)

OCDE : Pisa à la loupe, n° 26



Depuis quelque temps, en France, les notes sont réputées “traumatiser” ou “stigmatiser” les élèves. Ces derniers ­– et souvent leurs parents avec eux – souhaiteraient n’obtenir que des bonnes notes, et si possible la meilleure. Et ce, quelle que soit la qualité du travail rendu.

Il arrive de plus en plus souvent que des élèves ergotent auprès de leurs professeurs dans l'espoir de grappiller quelques points de plus. Quand ce ne sont pas les parents qui viennent plaider la cause de leur cher enfant, celui-ci n’ayant pas été évalué à sa vraie valeur, qui est forcément excellente.

Parallèlement à cette évolution, les Diafoirus de l’éducation exigent la disparition pure et simple de toute notation. Le plus connu d’entre eux, André Antibi, juge que les enseignants obéissent à une “constante macabre” (sic), avec la règle des trois tiers : un tiers de bons, un tiers de moyens et un tiers de mauvais. À la place, il propose sans rire d’établir un “contrat de confiance”. Quand Darty devient une référence pédagogique. Le plus surprenant est que cette idée de remplacer la constante macabre par une joyeuse mascarade a dès le début été prise au sérieux par l’Éducation nationale. Et même par le ministre actuel !

De fait, tout système d’évaluation peut être critiqué. Les spécialistes en docimologie ne s’en privent pas. Pour autant, faut-il casser un moyen simple permettant aux élèves, à leurs parents et à l’institution de connaître avec le plus de précision possible la réussite dans les apprentissages et les progrès qui restent à accomplir ?

Sans les notes, l’évaluation sommative devient approximative. La notation a des défauts, mais pas autant que ce qui prétend la remplacer. Car le système des “acquis”, “non acquis” ou “en voie d’acquisition”, s’il n’est pas traumatisant ou stigmatisant, manque singulièrement de précision. De même pour les compétences péremptoirement déclarées “acquises” à telle date... et qui risquent d’être oubliées à peine un mois plus tard.

Ce numéro de PISA à la loupe rappelle très justement que « le but premier des notes est de promouvoir l’apprentissage des élèves en informant ces derniers de leurs progrès, en attirant l’attention des enseignants sur les besoins de leurs élèves et enfin, en attestant du degré de maîtrise par les élèves des tâches et compétences valorisées par les enseignants et les établissements d’enseignement. » Il est des évidences qui méritent d’être affirmées quand tout marche à l'envers.

Un encart intitulé “ Pratiques de notation efficaces” mérite d’être reproduit intégralement :
• Les notes doivent communiquer des informations claires et utiles dans le but de promouvoir l’apprentissage.
• Les notes doivent se baser sur des critères clairs et spécifiques, afin d’évaluer la réalisation d’objectifs prédéfinis.
• Les notes ne doivent pas servir à communiquer des attentes ou à juger un comportement ou une écriture. Le cas échéant, faire la distinction entre les notes relatives au comportement et celles relatives à l’apprentissage.
• Ne pas utiliser les notes pour pénaliser les élèves ayant rendu un travail inachevé ou en retard.
• Une très mauvaise note peut démoraliser un élève et le décourager de poursuivre ses efforts.
• Les notes ne doivent pas se baser sur une courbe, susceptible de créer une concurrence malsaine et de réduire la motivation.
• Tous les exercices d’évaluation ne doivent pas nécessairement être rendus aux élèves accompagnés d’une note.
• Dans certains contextes, il est préférable d’avoir recours à des évaluations qualitatives personnalisées sans note chiffrée.

En Enseignement Explicite, on applique l’ensemble de ces recommandations. L’évaluation est un outil important qui détermine les 80 % d’élèves qui parviennent à la réussite en fin de pratique guidée et les 95 % en fin de pratique autonome. Pour ce faire, nous avons recours à l’évaluation formative.

L’évaluation sommative, quant à elle, permet de faire le point sur les apprentissages, elle donne des renseignements précis aux élèves, à leurs parents et à l’institution, ainsi que des indications utiles pour orienter les efforts à faire et les progrès à accomplir.

Nous sommes des professionnels, nous avons besoin de ces outils. Ne les cassons pas.

jeudi 7 mars 2013

Les failles du modèle finlandais

Finlande



Depuis des années, les partisans du constructivisme pédagogique nous présentent la Finlande comme le modèle à reproduire. Il faudrait d'abord voir dans le détail si les constructivistes sont fondés à vouloir s'approprier le modèle finlandais. Ce ne serait pas la première fois qu'ils nous jouent ce tour en usurpant ce qui semble fonctionner ailleurs et qu'on connaît mal ici. Plus généralement, il est illusoire de vouloir transposer tel quel un système éducatif d’un pays à l’autre, surtout si les paramètres définissant ces pays sont aussi divers, nombreux et différents.

Dans cet article, je me contenterai de pointer quelques failles qui me paraissent loin d'être négligeables et qui ternissent un tableau présenté comme si parfait.


[Cliquer sur les graphiques pour les agrandir.]


Où les élèves sont-ils à la fois heureux et très performants ?




Pourcentage d'enfants déclarant aimer beaucoup d'école dans les pays de l'OCDE

Graphique


« Je fais des mathématiques parce que cela me plaît. »

Graphique



Les élèves pensent-ils que l'école est utile ?

Source : PISA à la loupe n° 24




Les taux de scolarisation en maternelle à l'âge de 4 ans



samedi 2 mars 2013

Sylvie Cèbe et l'enseignement explicite

Sylvie Cèbe


Sur le site du SNUIpp-FSU, je relève ce passage :
Dans un entretien à Fenêtres sur cours, Sylvie Cèbe expliquait récemment la démarche : « Nous préconisons la mise en œuvre d’un enseignement explicite dans lequel le maître à un rôle central à jouer. Autrement dit, nous ne choisissons pas de laisser aux élèves la charge de tout découvrir par eux-mêmes ou de tout construire. Au contraire, nous invitons les enseignants à mettre en œuvre un guidage effectif et serré ».
Sylvie Cèbe et Roland Goigoux recommandent la pratique explicite... pour les stratégies de compréhension en lecture. C'est un début qui mérite d'être chaudement encouragé, bien que je sois, sur ce point précis, plus proche d'E.D. Hirsch Jr que de Christian Boyer. Rappelons que ce dernier a été, à ma connaissance, le premier à sortir un manuel sur l'enseignement explicite de la compréhension en lecture (voir cet article). Pour Hirsch, la compréhension résulte plus de la culture emmagasinée que de stratégies (voir à ce sujet cet article de Form@PEx).

Notons enfin que Sylvie Cèbe et Roland Goigoux ne se réfèrent en aucune manière aux travaux de Barak Rosenshine lorsqu'ils parlent d'enseignement explicite. Sachant leur positionnement très favorable au constructivisme pédagogique, cela ne surprendra personne...