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lundi 30 décembre 2013

Quand les constructivistes parlent d’enseignement efficace


 

Dans Questions vives – Recherches en éducation (vol. 6, n° 18 – 2012), Laurent Talbot, un maître de conférence en sciences de l’éducation à Toulouse, a écrit un article intitulé “Les recherches sur les pratiques d’enseignement efficaces – Synthèse, limites et perspectives”.

En voici un extrait :

« Premièrement et de manière assez surprenante, certaines études tendraient à démontrer que les enseignants efficaces et équitables mettraient en place des activités d’enseignement “directes”, “explicites ”, “systématiques ” ou “instructionnistes” (Dubé et al., 2011 ; Feyfant, 2011 ; Bissonnette et al., 2005 ; Swanson, 1999 cité par Briquet-Duhazé dans ce numéro). Ces recherches de type “processus-produits” (les performances scolaires des élèves sont envisagées comme étant directement le produit du processus d’enseignement élaboré par le professeur) déterminent les caractéristiques de l’activité efficace des enseignants à travers leur structuration en quatre phases essentielles :
- un premier temps de démonstration relativement long de la part de l’enseignant qui peut être magistral ou frontal, cette activité est généralement peu différenciée, une mise en situation est opérée (rappel des connaissances antérieures signifiantes par rapport aux apprentissages nouveaux envisagés), les objectifs de l’activité et le niveau de performances attendues sont clairement définis et les notions de bases nécessaires sont rappelées, quelques exemples sont présentés et une démonstration est effectuée ;
- une deuxième phase durant laquelle le professeur donne un (des) exercice(s) d’illustration à réaliser généralement au sein du grand groupe classe collectivement, l’enseignant pose des questions et guide l’activité d’apprentissage ;
- le troisième temps est consacré à des exercices d’application réalisés pour le coup individuellement, l’enseignant pourra alors évaluer les performances des élèves et leur proposer des feedbacks sur les réponses données et les stratégies utilisées ;
- et enfin, dans un dernier temps, le professeur organise des révisions régulières et répétitives en insistant sur les apprentissages de base et leur évaluation.
Ces quatre phases sont parfois détaillées en sept temps essentiels :
1) Mise en situation : rappel des connaissances antérieures signifiantes par rapport aux apprentissages nouveaux.
2) Présentation des objectifs d’apprentissage.
3) Présentation des nouveaux éléments de connaissance de façon magistro-centrée généralement.
4) Pratique guidée avec le groupe classe.
5) Correction et rétroaction (objectivation) toujours avec l’ensemble du grand groupe d’élèves.
6) Pratique indépendante (exercices autonomes et individuels), entraînements.
7) Révision régulière (synthèse périodique de ce qui a été appris), évaluations sommatives, contrôles. »

Manifestement, c’est à contrecœur que l’auteur reconnaît l’efficacité des pratiques explicites et instructionnistes. Il ajoute même que cela lui apparaît « de manière surprenante » ! La surprise n’existant que pour un partisan avéré du constructivisme. Le ton est donné…

Nous avons donc affaire à quelqu’un qui n’aime pas ce que la recherche démontre au sujet de l’enseignement efficace. Dès lors, tout va être bon pour mettre en doute, dénigrer, dénaturer les résultats de cette recherche.

Premier (et habituel) recours : présenter l’enseignement explicite comme « les nouveaux habits de la pédagogie traditionnelle » (selon l'expression de P. Watrelot sur le site des Cahiers pédagogiques, 09.2013). Quitte à tordre la réalité et à faire des amalgames douteux. Ainsi Laurent Talbot présente le modelage comme un temps « relativement long ». Première erreur (ou mensonge), en pédagogie explicite le rythme de la leçon est primordial, donc le modelage est bref. D’une part pour ne pas saturer la mémoire de travail et d’autre part pour ne pas excéder la capacité d’attention des élèves. Par ailleurs, notre auteur parle d’enseignement  « magistral ou frontal » ou de présentation « magistro-centrée », ce qui est la caractéristique même d’un enseignement traditionnel. Comme les exercices d’illustration et les exercices d’application en lieu et place de pratique guidée et de pratique autonome. En corollaire, aucune mention sur ce qui distingue nettement l'enseignement explicite du traditionnel : l’accent mis sur la métacognition et la nécessité d’un maintien solide et durable en mémoire en long terme. D'ailleurs, les mots “métacognition” ou “mémoire” ne figurent même pas dans cet article !

Plus fort encore : Laurent Talbot parle de huit autres mystérieuses « macro-variables » concernant l’enseignement efficace qui « sont plus proches des théories socio-constructivistes de l’apprentissage et de l’enseignement ». Quelles sont ces “macro-variables” ? On ne sait pas. Tout ce qu'on sait, c'est qu'elles sont huit...

On l’aura compris, le ton général de cet article, et plus largement de ce numéro de Questions vives, est particulièrement défavorable aux pratiques instructionnistes. On tient à nous faire savoir que le constructivisme n’est pas mort : peu importe ce qu’assènent les données probantes en matière d’enseignement efficace.

Nous arrivons ainsi au « limites de ce type de recherche », qui est le cœur de l’article de Laurent Talbot, le reste n’étant qu’une entrée en matière. On nous prévient d’emblée : « Nous avons distingué huit éléments qui nous semblent poser problème. » Décidément, la démonstration par huit semble être sans appel.

En fait, nous avons droit à un florilège d’arguments, dont certains sont des resucées déjà entendues à l’IFÉ ou sur d’autres sites éminemment constructivistes. Voyons donc ce qu’il en est :  
1/ Reproche : Les recherches sont centrées sur l’élémentaire et le secondaire. Disons que cela représente quand même au moins dix années dans la scolarité d’un élève. Ce qui n’est pas rien.
2/ Pinaillage : Quelle définition donner au mot « efficacité » ? Selon moi, il suffit d’ouvrir un dictionnaire pour avoir la réponse.
3/ Ergotage : Est-ce l’enseignant qui est efficace ou l’enseignement ? Rappelons que les pratiques d’enseignement efficaces ont été établies en observant les pratiques des enseignants efficaces. L’un n’allant pas sans l’autre.
4/ Scepticisme : Les études processus-produits ne rendent pas compte « de certains phénomènes ». Comme si les chercheurs en enseignement efficace étaient des novices qui n’avaient pas pesé chaque terme de leur enquête afin de retenir l’essentiel sans s’encombrer du dérisoire ou du hors-sujet.
5/ Relativisation : Les élèves apprennent aussi en dehors de l’activité du maître. Surtout dans un contexte constructiviste où les familles sont bien obligées de prendre en charge ce qui n’est plus appris en classe.
6/ Suspicion : Comment évaluer les performances des élèves ? Pourquoi pas en prenant des classes témoins et en les comparant aux classes testées, comme le font tous les chercheurs sérieux. Il est remarquable de ne trouver dans cet article aucune mention du Projet Follow Through.
7/ Dénigrement : Pratiques déclarées ou pratiques effectives ? Les chercheurs sont allés dans les classes pour observer les enseignants dans l’exercice leur métier, ils ne se sont pas contentés de les écouter décrire leurs pratiques.
8/ Défiance : Les résultats des recherches seraient contradictoires. Hélas pour l’auteur, toutes les données probantes sur l’efficacité en enseignement sont étonnamment convergentes et ce, quels que soient les pays où les études ont été réalisées.

Parions que ces “arguments” vont refleurir sous la plume de tel ou tel. Les partisans du constructivisme sont bien embêtés face aux données probantes sur l’enseignement efficace. D’une part, celles-ci montrent l’inefficience des pédagogies de découverte. D’autre part, ces études récentes renvoient les pratiques constructivistes – qui datent du début du XXe siècle – au musée de la pédagogie, avec l’enseignement traditionnel. Un comble !

Après un rapide survol des autres articles de ce dossier thématique de Questions vives, il apparaît que tout le reste est du même tonneau. On ne s’étonnera donc pas que le site Form@PEx n’ait rien publié à ce sujet, tant est grand le parti-pris clairement affiché.

La revue est sous-titrée Recherches en éducation. Il me semble que, pour ce numéro, Procès en éducation aurait mieux convenu…

samedi 28 décembre 2013

Lecture : Seul l'enseignement explicite du décodage graphophonologique est vraiment efficace.

Source : Le Monde, 22/23.12.2013

« Enseignants, emparez-vous des sciences de l'apprentissage »

Article paru sous le titre : Enseigner est une science

Stanislas Dehaene 




Pour quiconque sait que “l'enfant est l'avenir de l'homme”, l'enquête PISA est un véritable électrochoc. Que nous apprend le Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l'OCDE ? Plus inégalitaire que jamais, l'éducation nationale française réussit aux élites, mais ne parvient pas à donner aux enfants défavorisés le bagage minimal dont ils ont besoin pour comprendre un article de journal ou un problème d'arithmétique. Jusqu'à la seconde génération, une famille issue de l'immigration affiche des résultats scolaires en très net retard.

Ce résultat est-il inéluctable ? Non. La complexité de la langue française n'est pas en cause car, à difficulté égale, le Québec et la Belgique réussissent nettement mieux que la France. Le sociologue Jérôme Deauvieau, dans un rapport récent, identifie le nœud du problème : l'enseignement de la lecture au cours préparatoire (CP).

Il est allé enquêter dans les quartiers populaires de la petite couronne parisienne, les zones “Eclairs”, anciennement zones d'éducation prioritaires (ZEP) où habitent les enfants les plus pauvres et les plus difficiles à scolariser. Son objectif : recenser les stratégies éducatives des enseignants, répertorier les manuels qu'ils choisissent d'utiliser, et évaluer l'impact de ces manuels sur les capacités de lecture des élèves en fin de CP.

Premier scandale. Pourquoi le département d'évaluation des programmes de l'éducation nationale n'a-t-il pas pris la peine de mener lui-même une telle évaluation ? Cela lui serait pourtant facile : il lui suffirait de croiser les chiffres recueillis dans chaque classe lors des évaluations nationales des élèves avec les méthodes qu'elles utilisent. Lorsque l'on dépense un budget annuel de 63,4 milliards d'euros, la moindre des choses est d'optimiser ses pratiques. Pourquoi l'éducation nationale refuse-t-elle encore de recommander à ses enseignants les meilleurs manuels ?

Deuxième scandale dévoilé par l'enquête Deauvieau : nous sommes en 2013, et 77 % des enseignants des zones défavorisées choisissent toujours un manuel de lecture inapproprié, qui fait appel à une méthode mixte, c'est-à-dire où l'enfant passe un temps considérable à des exercices de lecture globale et de devinettes de mots qu'il n'a jamais appris à décoder.

Seuls 4 % adoptent une méthode syllabique, qui propose un enseignement systématique et structuré des correspondances entre les lettres et les sons. Or les résultats montrent que c'est ce système qui réussit le mieux aux enfants, et de très loin : 20 points de réussite supplémentaires sur 100 aux épreuves de lecture et de compréhension !

Ce résultat vient confirmer ce que trois décennies de recherches en psychologie cognitive ont démontré : seul l'enseignement explicite du décodage graphophonologique est vraiment efficace. En 2000, par exemple, une vaste méta-analyse américaine montre que les enfants à qui on enseigne ces principes parviennent plus vite, non seulement à lire à haute voix, mais également à comprendre le sens de ce qu'ils lisent.

Ce n'est guère étonnant : l'invention de l'alphabet a demandé plusieurs siècles, comment imaginer que l'enfant le découvre seul ? Le principe alphabétique ne va pas de soi. Il faut en enseigner explicitement tous les détails : la correspondance de chaque son du langage avec une lettre ou un groupe de lettres ; et la relation entre la position de chaque lettre dans le mot écrit et l'ordre de chacun des phonèmes dans le mot parlé.

Les recherches de mon laboratoire, fondées sur l'imagerie cérébrale, le confirment : tous les enfants apprennent à lire avec le même réseau d'aires cérébrales, qui met en liaison l'analyse visuelle de la chaîne de lettres avec le code phonologique. Entraîner le décodage graphème-phonème est la manière la plus rapide de développer ce réseau – y compris pour les enfants défavorisés ou dyslexiques.

Comment expliquer qu'en France les stratégies de lecture qui ont prouvé leur efficacité ne soient pas proposées à tous les enfants ? La réponse est simple : la formation des enseignants ne leur a jamais expliqué qu'il existe une approche scientifique de l'apprentissage. Résultat : bon nombre d'enseignants “bricolent”, selon le mot de Jérôme Deauvieau.

Leur enfer scolaire est pavé de bonnes intentions pédagogiques. Ils conçoivent l'enseignement comme un art, où l'intuition et la bonne volonté tiennent lieu d'instruments de mesure. Combien de fois m'a-t-on dit : « La méthode globale ne fait pas de mal, je l'emploie depuis des années, et la plupart de mes élèves savent lire. » Mais 5 ou 6 enfants par classe en échec, c'est précisément ce que crient les statistiques : 20 % des élèves n'apprennent pas à lire, et ce sont ceux de bas niveau socio-économique ; les autres réussissent parce que leur famille compense, tant bien que mal, les déficiences de l'école.

Partout ailleurs dans le monde s'impose pourtant l'idée d'une éducation fondée sur la preuve, c'est-à-dire sur une évaluation rigoureuse des stratégies éducatives, et de vastes études contrôlées, multicentriques et statistiquement validées.

Ces études ont conduit à identifier plusieurs principes fondamentaux qui maximisent la compréhension et la mémoire. Ces principes doivent être mis en œuvre au plus vite dans les classes françaises. Il est urgent que la formation des maîtres inclue un bagage minimal de connaissances sur l'enfant et la science de l'apprentissage.

Ces connaissances, quelles sont-elles ? Tout d'abord que, contrairement à ce qu'envisageait Jean Piaget (1896-1980), l'enfant n'est pas dépourvu de compétences logiques abstraites. Bien au contraire, le cerveau de l'enfant est structuré dès la naissance, ce qui lui confère des intuitions profondes.

Il est doté de puissants et rigoureux algorithmes d'inférence statistique. En conséquence, l'école doit fournir à ce “super-ordinateur” un environnement enrichi : un enseignement structuré et exigeant, tout en étant accueillant, généreux, et tolérant à l'erreur.

Les neurosciences cognitives ont identifié quatre facteurs qui déterminent la facilité d'apprentissage. En premier, l'attention : elle fonctionne comme un projecteur, qui amplifie l'apprentissage, mais dont le rayon d'action est limité. Le plus grand talent d'un enseignant consiste donc à attirer, à chaque instant, l'attention de l'enfant sur le bon niveau d'analyse.

Une expérience remarquable montre ainsi que le même alphabet sera appris rapidement ou, au contraire, totalement oublié, selon que l'on s'arrête sur les lettres ou, au contraire, sur la forme globale du mot : l'attention globale canalise l'apprentissage vers une aire cérébrale inappropriée de l'hémisphère droit et entrave le circuit efficace de lecture. On mesure ici combien la méthode mixte, en désorientant l'attention, cause de dégâts.

Deuxième facteur : l'engagement actif. Un organisme passif n'apprend pas. L'apprentissage est optimal lorsque l'enfant génère activement des réponses, et se teste régulièrement. L'auto-évaluation est donc une composante fondamentale de l'apprentissage, déjà identifiée par Maria Montessori (1870-1952).

Une classe efficace alterne, chaque jour, des périodes d'enseignement explicite et des périodes de contrôle des connaissances (lecture à haute voix, questions/réponses, quiz…). Ces derniers développent la “métacognition”, la connaissance objective de ses propres limites et l'envie d'en savoir plus.

Troisième facteur : le retour d'information (ou “feedback”). Notre cerveau n'apprend que s'il reçoit des signaux d'erreur qui lui indiquent que son modèle interne doit être rectifié. L'erreur est donc non seulement normale, mais indispensable à l'apprentissage.

Elle n'implique ni sanction, ni punition, ni mauvaise note (celles-ci ne font qu'augmenter la peur, le stress et le sentiment d'impuissance de l'enfant). Dans une classe efficace, l'enfant essaie souvent, se trompe parfois, et il est gentiment corrigé pour ses erreurs et récompensé pour ses succès.

Quatrième pilier, enfin, l'automatisation. En début d'apprentissage, l'effort mobilise toutes les ressources du cortex frontal. Afin de libérer l'esprit pour d'autres tâches, il est indispensable que la connaissance devienne routinière. En lecture, par exemple, ce n'est que lorsque le décodage des mots devient automatique que l'enfant peut se concentrer sur le sens du texte.

La répétition quotidienne va transférer l'apprentissage vers des circuits cérébraux automatiques et non conscients. Le sommeil fait partie intégrante de cet algorithme : dormir, c'est consolider les apprentissages de la journée. Voilà pourquoi la réforme des rythmes scolaires, en répartissant l'enseignement tout au long de la semaine, va dans le bon sens.

De nombreux exemples démontrent que, déclinés à l'école, ces principes conduisent à des améliorations rapides. Au Royaume-Uni, “l'heure de lecture”, un cours quotidien, structuré, axé sur le décodage, la lecture à haute voix, l'écriture manuscrite et l'enrichissement du vocabulaire, a fait bondir les performances des enfants. Dans la ZEP de Genevilliers, une maternelle, en s'appuyant sur le matériel pédagogique de Maria Montessori et les principes cognitifs que je viens d'esquisser, obtient des résultats exceptionnels : avant même l'entrée en CP, tous les enfants savent lire et faire des calculs à quatre chiffres !

Aucune fatalité, donc, à ce que notre éducation nationale soit abonnée aux mauvaises performances. Reste l'urgence d'une mobilisation de tous, parents, enseignants, inspecteurs, ministres, afin d'exiger de notre école rigueur et efficacité pédagogique.


Stanislas Dehaene
Professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France. Il dirige l'unité Inserm-CEA de neuro-imagerie cognitive à Saclay. Stanislas Dehaene est également membre des Académies des sciences française et américaine. Il a dirigé la publication de l'ouvrage collectif  Apprendre à lire : des sciences cognitives à la salle de classe (Odile Jacob, 2011). Il est l'auteur du livre Les Neurones de la lecture (Odile Jacob, 2007).


mercredi 11 décembre 2013

Une expérience d’enseignement explicite de l’orthographe lexicale



La revue A.N.A.E. présente, dans le n° 123 (09.2013, pp 156-161), un article signé M. Fayol, F. Grimaud et M. Jacquier, intitulé “Une expérience d’enseignement explicite de l’orthographe lexicale”, qui a bien sûr retenu mon attention.

L’expérience est présentée ainsi :
L’objectif de la recherche (…) était d’étudier dans quelle mesure il est possible et efficace d’enseigner explicitement les formes orthographiques (lexique) difficile à des enfants de CE1 en situation de classe. Pendant 6 semaines, à raison de 20 minutes par jour, des élèves de CE1 ont reçu un enseignement systématique portant sur 33 mots estimés à la fois utiles et difficiles par leurs enseignantes.
Et voici ce qui est dit en conclusion :
Au terme de cette expérimentation, nous avons pu valider que les performances en orthographe lexicale des élèves ayant bénéficié d’un enseignement explicite sont meilleures, à court, moyen et long terme, que celles d’élèves n’en ayant pas bénéficié. Plus précisément, les résultats obtenus ont montré que l’apprentissage explicite proposé est efficace dans les épreuves de dictée. Pour un grand nombre de mots, il aboutit à des performances exactes et stables.
[Passage mis en gras par moi.]


lundi 9 décembre 2013

Livre : La France enfin première de la classe (Maryline Baumard)



Pressentant les mauvais résultats pour la France, Maryline Baumard, journaliste au Monde et spécialiste des questions d’éducation, a sorti ce livre juste avant la publication officielle du PISA 2012. Pour tenter de répondre à cette question cruciale : « Comment s’y prendre pour avoir la meilleure école du monde dans dix ans ? ».

Il faut bien se rendre à l’évidence sur « ces 100 000 enfants [qui] n’ont pas un niveau suffisant pour bénéficier des enseignements du collège. Ils ne savent vraiment ni lire ni compter en sortant du CM2 ». La cause ? « Quand les fondamentaux ne sont pas acquis à l’heure ils sont difficiles à rattraper parce que l’élève fait l’impasse sur d’autres enseignements en essayant de reconstruire les bases qu’il n’a pas. La machine à échouer s’enclenche encore un peu plus. » Bonne analyse.

La solution pour que la France soit enfin (!) la première de la classe réside selon l’auteur dans l’evidence based policy. Ce qui, entre parenthèses, est le leitmotiv des chercheurs et des enseignants explicites, qui préfèrent parler de « données probantes ». C’est-à-dire se servir des résultats obtenus par la recherche scientifique sérieuse : « L’evidence based policy, vous connaissez ? L’expression n’a pas de traduction en français. Et pour cause, cette politique qui s’appuie sur des preuves n’a pas cours au pays de Descartes. » Bien vu !

Or, ajoute l’auteur, « contrairement à ce qu’on pourrait d’abord penser, ces résultats ne délégitiment ni le politique ni l’enseignement. Au contraire, un résultat scientifique peut même légitimer une décision en l’asseyant sur des faits tangibles ». Nous n’en sommes pas encore là, en France. Et, de toute évidence, on écoutant les ministres successifs, ce n’est pas demain la veille qu’on y parviendra…

Pour étayer sa démonstration, Maryline Baumard nous parle de différentes expériences qui ont été des réussites et qui montrent la voie. Essentiellement dans le monde anglo-saxon (notamment les travaux de Robert Slavin et son Success for All, que les enseignants explicites connaissent bien), mais aussi quelques-unes en France (dont le travail de Michel Zorman sur un apprentissage explicite et structuré de la lecture). Au passage, elle observe très justement que « les méthodes efficaces ne sont ni de droite ni de gauche », ce qui est important dans un débat où la pédagogie est polluée par la politique depuis des années. À quand une approche strictement professionnelle ?

Parmi ces expériences, j’ai découvert avec beaucoup d’intérêt le Perry Preschool Program (chapitre 5) : un effort particulier d’enseignement de qualité en Maternelle a des conséquences très positives sur l'ensemble de la scolarité des élèves qui en ont bénéficié. En France, on fait l’inverse : tout le monde est d’accord pour ne surtout pas “primariser” la maternelle. On préfère rester dans le ludique et les activités de garderie en évitant soigneusement de faire entrer les enfants dans les apprentissages (lire, écrire, compter). De peur de les traumatiser, sans doute…

Puisqu’il me faut critiquer l’auteur, j’aurais préféré qu’elle évite les références révérencieuses  à Jean Piaget (qui est maintenant has-been dans le monde des sciences cognitives) et qu’elle ne fasse pas de la retape pour la pédagogie Montessori, qui existe depuis plus d’un siècle sans avoir réussi à démontrer son efficacité – même si elle continue de plaire aux bobos et aux cathos. En revanche, je m’étonne de ne rien voir sur le courant du Direct Instruction, pourtant arrivé largement en tête du Projet Follow Through (dont il est brièvement question à la page 115). Et surtout de l’absence des travaux de Barak Rosenshine sur l’efficacité en enseignement, le “père” de l’enseignement explicite. Pas un mot non plus sur nos amis canadiens (Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard) qui ont le grand mérite d’avoir fait connaître au monde francophone les recherches sur les pratiques d’enseignement efficaces.

Pour finir, je laisse la parole à Maryline Baumard qui écrit dans sa conclusion que les « Anglo-Saxons s’inscrivent dans une dynamique de rationalisation de l’acte d’enseigner qui risque de nous laisser loin derrière dans les années à venir, si nous continuons de penser que le talent suffit pour exercer ce métier ». Il faudrait donc « former les professeurs  à des méthodes efficaces. Nos voisins nous montrent que, pour ne pas perdre en chemin les 20 % d’élèves les plus fragiles, un enseignement très structuré est nécessaire », autrement dit un enseignement explicite. Mais « en France, on n’aime pas penser l’école en termes d’efficience ». C’est bien là le problème…

Espérons que ce livre agréable à lire contribuera à dégripper un peu les rouages bloqués par l’idéologie constructiviste et par le pédagogiquement correct.

 _______________
Maryline BAUMARD
Fayard, 10.2013, 241 p.

samedi 7 décembre 2013

Normand Baillargeon s’attaque aux neuromythes de l’éducation

Source : Le Devoir

Lisa-Marie Gervais

Dans son nouveau livre, le philosophe remet les pendules à l’heure concernant certaines théories pédagogiques




Êtes-vous visuel, auditif ou kinesthésique ? Avez-vous une intelligence musicale, plutôt spatiale ou logico-mathématique ? Baby Einstein et Brain Gym, ça marche ? Et si on vous disait que toutes ces théories et ces méthodes à la mode, qui guident pourtant les grandes orientations en éducation, étaient de la pure foutaise ?

C’est ce que s’emploie à démontrer le philosophe Normand Baillargeon en déboulonnant un à un et sans ménagement 14 “neuromythes” qui guident pourtant les grandes orientations en éducation. Son ouvrage Légendes pédagogiques, l’autodéfense intellectuelle en éducation (éditions Poètes de brousse) fait la vie dure à ces croyances tenaces qui circulent abondamment dans les salles des profs, les classes des futurs maîtres formés à l’université et le grand public.

« Ce sont des aberrations scientifiques. Il y a des choses envers lesquelles je recommande de la prudence et du scepticisme, car tout n’est pas bête. Mais il y a des exagérations inouïes, une absence de sens critique et de consultation de ce que dit la recherche crédible au sujet de ces théories et méthodes derrière lesquelles il y a des intérêts commerciaux gigantesques. »

Déconstruire nos idées reçues, départager la théorie crédible de l’anecdote et mettre nos croyances à l’épreuve des faits et de la science, c’est un peu le dada, et même le combat, de ce philosophe, également auteur de Petit guide d’autodéfense intellectuelle. Cette fois, l’idée de son ouvrage, qu’il considère en toute humilité comme étant le « meilleur » et le « plus important » de la quarantaine de livres qu’il a signés, vient d’un cours d’épistémologie donné aux futurs maîtres de l’UQAM. « J’ai dit à mes étudiants, avec qui j’ai une très bonne relation, que j’allais leur apprendre à rester critiques envers des neuromythes. J’ai senti un froid qui est tombé, raconte-t-il. Ils m’ont dit que ce que je leur enseignais comme étant des neuromythes, c’était ce qu’on leur enseignait comme des vérités dans les autres cours. »

Ses constats reposent sur des méta-analyses, qui recensent toute la recherche sur un sujet donné, mais plus particulièrement le travail de John Hattie, appelé “le Saint-Graal de l’éducation”, qui a synthétisé 800 méta-analyses relatives aux facteurs susceptibles de favoriser la réussite scolaire, portant sur 50 000 études auxquelles ont pris part 250 millions de participants. Et si, parmi nos réformateurs de l’éducation, se trouvait une large part d’illusionnistes et de charlatans, insinue le philosophe.

D’abord, que sont ces mythes, ces « bêtises » ose l’auteur, tant décriés ? Prenons la théorie des intelligences multiples, développée par l’influent penseur Howard Gardner au début des années 1980 et à laquelle le ministère de l’Éducation accorde beaucoup d’importance. En revoyant la littérature scientifique sur le sujet, Normand Baillargeon démontre à quel point cette théorie simpliste est critiquée en psychologie et en sciences cognitives. « On en a tiré en éducation de nombreuses conclusions curriculaires et des recommandations de pratiques […] que l’auteur lui-même n’a pas tirées », écrit-il. Pire, Gardner lui-même aurait avoué une certaine subjectivité dans son argumentaire.

Il en va de même pour la thèse selon laquelle le fait d’écouter du Mozart rendrait plus intelligent — cette corrélation a fait l’objet d’une publication dans la revue Nature, mais n’a jamais pu être reproduite par la suite — et celle voulant qu’on adapte les façons d’enseigner selon que les élèves sont visuels, auditifs ou kinesthésiques, dont les experts en sciences cognitives et la recherche empirique n’ont pu établir l’existence.

Normand Baillargeon s’en prend aussi à l’industrie lucrative derrière des produits comme les jouets et DVD pour les trois mois à trois ans Baby Einstein — Disney a été forcé de retirer le label “éducatif” de ses produits en 2006 — et Brain Gym, un programme qui propose divers exercices moteurs à faire en classe promettant de stimuler le cerveau et d’améliorer l’apprentissage. « Aucune étude sérieuse ne le confirme et les prétentions du programme [Brain Gym] sont, du point de vue scientifique, des aberrations », conclut-il dans son livre.

Connu pour ses positions anti-Renouveau pédagogique, Normand Baillargeon ne manque pas non plus d’égratigner au passage les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) souvent conçues comme la panacée dans certains milieux à forte tendance au décrochage scolaire. Sans tout rejeter, il appelle à la prudence. « Dire que [les technologies] vont tout changer, ce n’est pas vrai », souligne-t-il, en évoquant le succès mitigé des tableaux blancs interactifs (TBI) et les apparences de conflit d’intérêts entre le fournisseur et le cabinet de l’ancien gouvernement de Jean Charest. « Il y a peut-être des choses qui vont s’avérer utiles, mais de là à ne jurer que par elles comme si ces dernières modes étaient la solution à nos problèmes… »

Si ces mythes ont autant d’emprise, c’est en partie parce qu’ils sont rassurants. « De dire qu’on n’utiliserait que 10 % de notre cerveau est une aberration, en regard de la théorie de l’évolution. […] Mais c’est rassurant de savoir que le petit Paul, qui est nul en maths, pourrait réussir si on allait gruger ailleurs dans les 90 % qui restent de son cerveau. »

Ces légendes pédagogiques seraient aussi, selon lui, des « solutions faciles ». « Si on veut implanter quelque chose d’expérimental ou de douteux, pourquoi ne pas le tester à petite échelle ? C’est ce qu’on fait ailleurs. » Selon lui, c’est une question de justice sociale puisque ceux qui « pâtissent le plus de nos décisions erronées sont les enfants des milieux défavorisés ».

Dire qu’on a tout faux en éducation serait exagéré, concède néanmoins M. Baillargeon. Mais il dit souhaiter que son ouvrage incite le ministère de l’Éducation à revoir la formation des maîtres. « J’aimerais aussi que le livre entre dans les écoles et qu’il serve aux étudiants à lutter contre ceux qui leur imposent des bêtises. Qu’il soit une arme. »

vendredi 6 décembre 2013

PISA 2012 : La faillite de l'École constructiviste





Dans l’avalanche de commentaires qui ont accompagné les résultats plus que médiocres de la France au PISA 2012, certains ont évoqué l’échec de « l’École de Jules Ferry ». C’est dire si les images d’Épinal ont la vie dure ! L’école de l’enseignement traditionnel a disparu dans le courant des années 1960. Depuis, nous avons subi l'arrivée de l’école du constructivisme pédagogique qui a triomphé avec la loi Jospin de 1989. Il y a 24 ans…

PISA, c’est la faillite des pédagogies de “l’École nouvelle”, celle de Freinet et de Piaget, de Meirieu et de Frackowiak, de l'IFÉ-INRP, des Cahiers pédagogiques et du Café du même nom. D'abord dans les écoles normales d’instituteurs, puis dans les IUFM et maintenant dans les ESPÉ, on forme et on conforme les enseignants du Primaire aux pratiques constructivistes depuis une quarantaine d’années. Exclusivement. Et l’on s’étonne aujourd’hui des résultats obtenus ? La dégringolade était pourtant prévisible dès les années 1980. Ce que certains observateurs clairvoyants annonçaient déjà...

Mais les ministres de l’Éducation nationale successifs se sont entêtés. Et l’appareil éducatif, la hiérarchie, les experts et les formateurs aussi. L’idée – ou plutôt l’idéologie – constructiviste était réputée “progressiste”, pour ainsi dire par définition. Et, en accord avec l'air du temps, elle s’imposait d’elle-même. Sans discussion, comme une évidence. Les contestataires étaient perçus comme des réacs dépassés par la modernité de l’enseignement par découverte, ludique et antiautoritaire, à la fois libéral et libertaire. Le maître-mot, c'est le sens. Le sens et rien d'autre. La plupart des enseignants de terrain sont passés par ce moule et ont été littéralement formatés pour mettre en œuvre ces techniques d’enseignement dans leur classe, sous la surveillance des IEN entièrement acquis à la cause. Le sens, mais sans faire l'effort d'obtenir ce qu'il faut pour le construire. Comme par magie...

Le malheur, c’est que nous savons maintenant de manière assurée que cette façon de faire classe ne repose sur rien d’autre que des discours, des croyances et de l’idéologie. De multiples recherches, études et expérimentation récentes, portant sur les milliers d'élèves et des centaines de classes, ont prouvé que le présupposé de départ était faux : les connaissances scolaires ne s’acquièrent pas “naturellement” mais par un enseignement construit, rigoureux, explicite, partant du simple pour aller vers le complexe, axé sur la métacognition et le maintien en mémoire à long terme.

Mais peu importe ce que nous dit la recherche en sciences de l'éducation et en sciences cognitives ! Continuons à aller dans le mur, au prétexte mille fois entendu que le modèle constructiviste n'est pas complètement installé à cause des récalcitrants qui se cramponnent aux vieilles pratiques. Allez donc dans les écoles pour voir comment on enseigne, et dites-moi si vous entrevoyez ne serait-ce que l'ombre d'une blouse grise ou d'un bonnet d'âne ! L'École est aujourd'hui bel et bien constructiviste, le modèle est bel et bien incrusté, les élèves sont bel et bien soumis à un enseignement inefficace. Regardez les résultats de PISA, de PIRLS ou de TIMMS : tout le démontre !

Et le ministre alors ?

Nous pouvons être déjà certains que le ministre Peillon ne va pas remédier aux causes fondamentales qui provoquent l’échec de la France aux tests du PISA. Il se contente de faire de la politique. Ainsi, dès le 10 octobre, sur Canal +, il déclarait : « La France décroche totalement dans les performances de ses élèves. Sur dix ans. Et sur un certain nombre de compétences, ça devient dramatique. Ce n'est pas seulement la lecture. Ce sont les mathématiques. C'est la confiance des élèves en eux-mêmes (...). Et en plus, et ça c'est terrible pour nous tous, c'est le pays dans lequel les inégalités sociales et scolaires s'accroissent le plus. On laisse sur le côté 25 % de notre jeunesse. » Tout le monde fut surpris car on ne connaissait pas encore ce qu’avait donné PISA en 2012. Pourquoi cette annonce fracassante ? Pour préparer l’opinion publique à un désastre. Du coup, le 3 décembre, lors de la publication officielle des résultats, tout le monde fut soulagé de voir que la France avait moins reculé qu’annoncé. Bel exemple de manipulation de l'opinion !

De plus, le ministre Peillon s’est immédiatement servi du PISA pour affirmer que sa “refondation” de l’École (en fait quelques réformettes disparates et incohérentes) était plus nécessaire que jamais. Pourtant les élèves français testés en 2012 ont quitté l’école primaire en 2008 : ils avaient classe 4,5 jours par semaine avec les programmes de 2002. Donc les réformes de Darcos ne sont pas responsables de cette nouvelle dégringolade. Il n’empêche ! Peillon utilise PISA pour justifier ses choix et sa politique éducative. Comme ses prédécesseurs d'ailleurs. On est donc loin de la prise de conscience qui avait créé en Allemagne le fameux “choc PISA” en 2001. Choc salutaire qui a permis aux Allemands de remonter dans le classement, test après test. 

Les Français, comme leur ministre, ne sont pas encore “choqués”. Il leur faut sans doute tomber encore plus bas…

Par ailleurs, on constate une fois encore que l’École française est de plus en plus inégalitaire car si les bons élèves restent bons, les élèves en difficulté décrochent davantage. Et l’écart entre les uns et les autres ne cesse de s’accroître. Pourquoi ? La raison est très simple : dans l’École constructiviste, le rendement scolaire est très faible. Les familles socioculturellement favorisées compensent à la maison ce que l’enfant n’apprend plus à l’école. Cela fait des années que les manuels de la méthode Boscher se vendent comme des petits pains : on a dit aux instituteurs d'utiliser en classe des méthodes d’apprentissage de la lecture à départ global (le sens, le sens). Dès lors, les élèves éprouvent des difficultés mises sur le compte d'une épidémie de dyslexie, donc les mères ayant fait des études supérieures décident de venir en aide à leurs enfants avec une méthode ancienne mais qui a fait ses preuves. 

Mais dans les quartiers difficiles, personne ne vient en aide aux enfants qui doivent, en classe, se colleter avec des situations-problèmes et avec la complexité pour construire par eux-mêmes et intuitivement leurs propres savoirs, à partir de rien du tout ou de bien peu. D’où les chiffres catastrophiques : 20 % des élèves sont en perdition en entrant au collège et 150 000 sortent du système scolaire sans aucune qualification. Pour la cinquième puissance mondiale, cela est quand même embêtant.

Alors que faire ? C’est très simple : implanter dans les classes les pratiques pédagogiques dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée, comme la Pédagogie Explicite. Pour cela, il faut faire un gigantesque effort en formation professionnelle, initiale et continue. Mais ce n’est pas en gardant les ex-formateurs d’IUFM dans les nouvelles ESPÉ qu’on y parviendra. Changer le nom du centre de formation ne sert à rien, il faut changer les formateurs pour véritablement forger de solides professionnels de l'enseignement efficace.

Les pays en tête du classement sont des pays asiatiques. Ce sont des pays où l’effort est valorisé, où les enseignants sont respectés, où les ambitions sont grandes pour l’avenir. La France n’a plus ces qualités pourtant essentielles. Qui les lui rendra ?






mardi 3 décembre 2013

PISA 2012 : Analyse des résultats en mathématiques par la DEPP

Les élèves de 15 ans en France selon PISA 2012 en culture mathématique : baisse des performances et augmentation des inégalités depuis 2003

Auteurs : Saskia Keskpaik et Franck Salles
Note d'information, n° 13.31
12.2013
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Les résultats des élèves de 15 ans en culture mathématique situent la France dans la moyenne des pays de l’OCDE en 2012, mais la performance globale diminue rapport à l’enquête comparable de 2003. La France se singularise comme le plus inégalitaire des pays de l’OCDE : la performance scolaire y est plus fortement marquée par le niveau socioéconomique et culturel des familles. Les élèves français sont aussi parmi les plus anxieux vis-à-vis des mathématiques.


L'essentiel

Conduite en 2012 dans les 34 pays membres de l’OCDE et dans 31 pays ou « économies partenaires », l’enquête PISA mesure les performances d’un échantillon représentatif de 5 700 élèves de 15 ans scolarisés dans les collèges et lycées français. Elle porte principalement sur la culture mathématique, comme lors de l’enquête 2003.

En 2012, la France obtient un score global de 495 en culture mathématique, qui la situe dans la moyenne des 34 pays de l’OCDE. Mais ce résultat est inférieur de 16 points à celui obtenu en 2003. Cette baisse peut être mise en relation avec l’augmentation du nombre d’élèves en difficulté selon les critères de PISA : la part des élèves de 15 ans qui ne possèdent pas les compétences et connaissances mathématiques leur permettant de faire face aux situations de la vie courante passe en France de 16,6 % à 22,4 %, alors que sur la même période cette part évolue peu en moyenne pour l’OCDE.

La performance des élèves français de 15 ans scolarisés en seconde générale et technologique (score moyen de 546) est comparable aux scores obtenus par les meilleurs pays de l’OCDE. En revanche, les élèves ayant un an de retard, scolarisés en troisième générale, obtiennent un score de 411.

La dispersion des résultats des élèves français sur l’échelle de score est plus grande en 2012 qu’en 2003 : l’écart entre les 25 % les plus faibles et les 25 % les plus performants augmente de 10 points, ce qui place la France parmi les pays les plus inégalitaires selon ce critère. Le contraste avec l’Allemagne est particulièrement saisissant puisque celle-ci voit diminuer cet écart de 10 points.

L’édition 2012 de PISA montre l’augmentation du poids des déterminismes sociaux sur la performance des élèves français. Alors que les scores des élèves les plus favorisés situent la France parmi les pays les plus performants, les scores des élèves les plus défavorisés la placent en bas du tableau international.

En 2012 comme en 2003, la France se trouve parmi les pays de l’OCDE dont les élèves déclarent la plus forte anxiété vis-à-vis des mathématiques. Ce phénomène interroge, plus largement, la place de l’évaluation chiffrée dans notre système éducatif.


Chiffres-clés
65
Nombre de pays ayant participé à PISA 2012, dont les 34 pays de l’OCDE

16 points 
Baisse du score sur l’échelle de culture mathématique

22,4 %
Pourcentage d’élèves en difficulté en culture mathématique en France



L'infographie

Répartition des élèves dans les niveaux de compétences PISA en culture mathématiques en France, en 2003 et 2012, en %



Note de lecture : En culture mathématique, les groupes d’élèves obtenant les scores les plus faibles augmentent proportionnellement entre 2003 et 2013. Au cours de la même période, les groupes d’élèves obtenant les scores moyens et élevés voient leur part diminuer.



Repères

Qu’est-ce que le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ?
Conduite sous l’égide de l’OCDE, PISA évalue la capacité des jeunes à utiliser les acquis de leur scolarité obligatoire dans la vie courante. Ses résultats sont considérés comme des indicateurs de la performance des systèmes éducatifs et permettent d’établir des comparaisons internationales. La mise en œuvre de procédures standardisées d’enquête, sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale, permet de garantir la comparabilité des résultats : désignation de responsables de l’enquête dans chaque établissement, respect des consignes de passation, contrôles, etc. Les questionnaires traduits dans 45 langues différentes sont proposés aux élèves de tous les pays participants.


Quelles sont les connaissances et compétences évaluées ?

Les élèves ne sont pas évalués sur des connaissances et compétences au sens scolaire, mais sur leur capacité à les mobiliser et à les appliquer dans des situations variées. Les champs couverts relèvent principalement de la compréhension de l’écrit, de la culture mathématique et de la culture scientifique. Renouvelée tous les trois ans, l’enquête met l’accent sur un domaine majeur qui représente les deux tiers du questionnaire : compréhension de l’écrit en 2000, culture mathématique en 2003, culture scientifique en 2006. La reprise du cycle en 2009 permet de suivre les évolutions dans le temps : les résultats de PISA 2012 sont ainsi directement comparables à ceux de 2003.
Les champs couverts relèvent principalement de la compréhension de l’écrit, de la culture mathématique et de la culture scientifique. Renouvelée tous les trois ans, l’enquête met l’accent sur un domaine majeur qui représente les deux tiers du questionnaire : compréhension de l’écrit en 2000, culture mathématique en 2003, culture scientifique en 2006. La reprise du cycle en 2009 permet de suivre les évolutions dans le temps : les résultats de PISA 2012 sont ainsi directement comparables à ceux de 2003.




Quels sont les élèves concernés ?

La population visée par l’enquête 2012 couvre 96 % de la génération des jeunes français nés en 1996 et scolarisés dans les établissements sous tutelle du ministère de l’éducation nationale, sauf les Erea, et du ministère en charge de l’agriculture, en France métropolitaine et dans les DOM, à l’exception de La Réunion et de Mayotte. Les élèves de l’échantillon français se répartissent dans des niveaux de formation extrêmement variés : les élèves « à l’heure », c’est-à-dire n’ayant jamais redoublé, se trouvent principalement en seconde générale et technologique ou en seconde professionnelle ; les élèves « en retard » sont en classe de troisième (27,8 %), voire en quatrième (1,9 %).


Qu’est-ce que la culture mathématique ?

C’est l’aptitude d’un individu à formuler, employer et interpréter des mathématiques dans un éventail de contextes de la vie réelle : raisonner en termes mathématiques, utiliser des concepts, procédures, faits et outils mathématiques pour décrire, expliquer et prévoir des phénomènes. Elle aide les individus à comprendre le rôle que les mathématiques jouent dans le monde et à se comporter en citoyens constructifs, engagés et réfléchis, c’est-à-dire à poser des jugements et à prendre des décisions en toute connaissance de cause.