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vendredi 22 juillet 2011

« La recherche montre que ... »


À intervalles très réguliers, la grande presse sort des articles vantant la pédagogie Freinet. C’est au tour d’Éducation Magazine, dans sa livraison n° 12 (juillet/août 2011). Pourtant, ces thuriféraires détestent habituellement tout ce qui est ancien en matière éducative. C’est d’ailleurs l’argument massue pour rejeter avec dégoût l’enseignement traditionnel qui porte sa tare dans sa dénomination même. Rappelons tout de même que la pédagogie Freinet fait maintenant bel et bien partie de l’histoire de l’Éducation puisqu’elle aura bientôt un siècle d’existence. Comme “nouveauté”, on peut trouver mieux. Pour les enseignants explicites, la pédagogie Freinet a sa place dans un musée, comme l’enseignement traditionnel : tout cela, c’est du passé…

Sans surprise, Éducation Magazine nous ressort l’étude habituelle qui est censée faire taire toute contradiction. Il n’y en a pas cinquante, il n'y en a qu'une. Les partisans de Freinet n’ont guère le choix. Menée sous la direction d’Yves Reuter, professeur de didactique du français, ce travail fait l’objet d’un article intitulé péremptoirement “La pédagogie Freinet – Une pédagogie reconnue par les chercheurs”. Voyons donc d’un peu plus près de quelle recherche il s’agit.



En 2007, sous la direction d’Yves Reuter, est publié Une école Freinet – Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire (éd. L’Harmattan). Il s’agit de la relation d’une étude menée dans l’école primaire Concorde à Mons-en-Barœul, dans la banlieue de Lille. Cette école connaissait de gros problèmes (effectifs en baisse, résultats au-dessous des écoles environnantes, incivilités…). En 2000, à la faveur d’un dispositif créé par le ministre Jack Lang « pour la réussite et l’innovation scolaire », le mouvement Freinet lance le projet d’une école expérimentale. L’année suivante, l’équipe pédagogique de l’école Concorde est entièrement renouvelée, avec l’arrivée de 9 enseignants expérimentés, militant au mouvement Freinet depuis longtemps. Avec la bénédiction de l’IEN de circonscription (le fameux Pierre Frackowiak, sorte de Brighelli constructiviste, était inspecteur non loin de là à cette époque). À la seule condition qu’une équipe de recherche du laboratoire Théodile (Université Lille III) puisse suivre et analyser le travail mené par les enseignants et leurs élèves. C’est ce qui a été fait pendant 5 ans. Yves Reuter, fondateur de Théodile, précise non sans fierté : « Il s’agit de la recherche la plus longue et la plus complète sur une école pratiquant une pédagogie différente en milieu populaire ».

Comme on pouvait s’en douter avant même que la recherche commence, les résultats sont bien évidemment positifs. Selon Yves Reuter, « la situation s’est très vite améliorée. En particulier les rapports avec les familles. Le nombre d’incivilités a aussi considérablement baissé. Quant au climat de travail, il est sans comparaison. Enfin, les résultats que nous avons analysés, notamment en français, sciences et en mathématiques, sont en constante amélioration : ils ont rattrapé, puis dépassé les résultats d’écoles de milieux équivalents. On voit ainsi que la pratique d’une nouvelle pédagogie peut entraîner des évolutions significatives dans un milieu populaire urbain, tant sur les apprentissages que sur le climat et le rapport à l’école. Depuis, les effectifs de l’école ont augmenté. » Que dire de plus ?

Pour l’équipe de chercheurs, il ne fait aucun doute que c’est la « nouvelle pédagogie » qui est la cause de cette amélioration. À aucun moment, il n’est venu à l’esprit de ces chercheurs que des enseignants expérimentés, militants d’un mouvement pédagogique, travaillant tous dans le même esprit et avec les mêmes objectifs obtiendraient sans difficulté de meilleurs résultats que des enseignants, le plus souvent débutants, parachutés contre leur gré dans une école de quartier difficile, et faisant ce qu’ils pouvaient avec des méthodes pédagogiques disparates. En cinq années, ils n’ont pas perçu ce qui se comprend aisément en cinq secondes…

Ainsi, on pourrait tout aussi bien réunir une équipe de chercheurs pour faire chauffer de l’eau afin de s’apercevoir que la température du liquide monte, petit à petit. Et qu’au bout d’un moment, on obtient de l’eau chaude. Non pas à cause de la casserole comme aurait dit Théodile, mais… à cause d’une source de chaleur.

Qu’importe ! Les travaux menés sous la direction d’Yves Reuter permettent d’assurer pendant des années que « La recherche nous montre que… ». En l’occurrence, que la pédagogie Freinet est formidable. Depuis le temps qu’elle existe et qu’elle est mise en œuvre, si elle l’était vraiment, cela se saurait…

Quitte à dépenser de l’argent public, comme l’a fait le laboratoire Théodile, une recherche sérieuse aurait pris plusieurs pratiques pédagogiques et les aurait implantées dans des écoles similaires. Avec les instituteurs en place qui auraient bénéficié, durant le temps de l’expérimentation, d’une formation continue sur la pratique pédagogique implantée dans leur école. Avec un budget équivalent et des écoles témoins. Sur 8 ans, de la Petite Section au CM2. Au bout de quoi, on aurait bien vu quelles sont les pédagogies réellement efficaces. Alors là oui, dans ce cas, la recherche nous montrerait bien quelque chose de tangible et de sérieux !

Comme cela a déjà été fait avec le projet Follow Through, de 1967 à 1976, sur des milliers d'élèves et des centaines d'écoles.

On pourrait recommencer : le résultat serait de toute façon le même. La pédagogie explicite arriverait encore en tête. Que ce soit sur le plan des connaissances de base, des habiletés cognitives ou de l’estime de soi…

Mais plusieurs chercheurs, ou intitulés tels, seraient alors obligés de manger leur chapeau et de renier tout ce qu’ils ont affirmé sans aucune preuve pendant des années.

La démarche scientifique prendrait alors le pas sur l’idéologie et les croyances. Chiche ?

jeudi 7 juillet 2011

Livre : École - L'enjeu démocratique (Jean-Pierre Terrail)

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Résumé :

Qu'opposer à la perspective chaque jour plus pressante d'un démantèlement et d'une marchandisation de l'école ?
Multiplier les moyens ? Mais, s'il en faut ( beaucoup), les moyens restent précisément des moyens. Restaurer l'autorité des maîtres ? Trouver, à l'inverse, de nouvelles recettes pédagogiques toujours plus “douces” pour des publics décrétés rétifs à l'abstraction ? Mais la querelle entre “républicains” et “pédagogues” n'a rien de nouveau à offrir : s'y laisser enfermer vaudrait interdit de penser.
En prenant au sérieux la perspective d'une école démocratique, Jean-Pierre Terrail nous propose un état des lieux sans complaisance et un retour réflexif au cœur de l'acte d'enseignement qui permettent d'imaginer les voies possibles de l'égalité scolaire.



Commentaire :

Depuis la fin des années 60, les sociologues de l’éducation se sont engagés en rangs serrés en faveur du courant constructiviste. Leurs travaux, analyses, publications n'ont visé qu’à tresser des louanges aux méthodes “actives” tout en niant le constat de leur inefficacité. Heureusement pour les instructionnistes, quelques rares chercheurs n’ont pas suivi le troupeau. C’est le cas de l'auteur…

Ce livre reprend une thèse qui est chère à Jean-Pierre Terrail – et qu’il poursuit encore –, celle de l’enjeu démocratique dont l’école a toujours besoin. Je ne reprendrai pas tous les termes de l’analyse qui nous conduit de manière convaincante jusqu’à la conclusion d’une nécessaire démocratisation scolaire. Je me contenterai d’évoquer un certain nombre de points qui me paraissent liés à notre engagement en faveur de l’enseignement explicite.

Jean-Pierre Terrail a conscience de l’importance des pratiques pédagogiques dans la réussite scolaire. Il connaît les travaux nord-américains sur lesquels s’appuient les partisans de la Pédagogie Explicite : « Les recherches américaines ont montré (…) que les “enseignants efficaces” sont ceux qui maximisent, au sein du temps de la séance, le temps d’engagement de leurs élèves dans le travail intellectuel ; qui insistent fortement sur les points importants de la leçon, exposent clairement les notions essentielles, les font manipuler ensuite assez longtemps par les élèves ; et qui (…) posent beaucoup de questions à leurs élèves. Ces enseignants sont ceux (…) avec lesquels les élèves disposent pour “construire” leurs savoirs de références conceptuelles précises, structurées et motivées… » (p 114). Le rôle essentiel de l’école est clairement rappelé : « Plus [l’école] assure par elle-même la confrontation à la difficulté intellectuelle, moins (…) elle en délègue la responsabilité aux familles, et moins elle subordonne les performances des élèves aux ressources de ces dernières » (p 118). Et l’auteur affirme ce que nous ne cessons de répéter : « Là est le critère qui doit prévaloir dans la réflexion critique des pratiques d’enseignement : les bonnes pédagogies sont celles qui réduisent les inégalités scolaires, celles donc qui favorisent la réussite des élèves d’origine populaire » (p 139). Ce ne sont pas les idéologies ou les croyances qui doivent définir ce que sont les bonnes pratiques, ce sont les résultats obtenus en classe, notamment avec les élèves issus d’un milieu socioculturel défavorisé.


Reste à en convaincre les instituteurs. Car si le renouvellement des pratiques pédagogiques doit se faire, il se fera à la base, dans les écoles et dans les classes, mis en œuvre par des enseignants voulant travailler de manière efficace. Les ministres et leurs cabinets n’ont pas ce pouvoir, empêtrés qu’ils sont dans leur perception déformée des réalités, leur inaptitude à discerner ce qui est valable de ce qui ne l’est pas, leur désir de se plier à l’idéologie molle du moment, leur pusillanimité politique et leur entêtement à choisir systématiquement les pires solutions.


Si le salut doit venir des instituteurs, autant mieux les connaître. L'auteur nous livre une très intéressante enquête sociologique, dont les constats sonnent particulièrement juste. Ayant commencé ma carrière à la fin des années 70, j’ai connu les anciens maîtres, puis ceux des années 90. Le livre, écrit en 2003, ignore la nouvelle génération qui arrive aujourd’hui dans les écoles et qui semble redonner la priorité à la transmission des connaissances et aux méthodes efficaces pour y parvenir.


Jean-Pierre Terrail nous dit d’abord que le métier d’instituteur et celui de professeur dans le Secondaire sont des métiers différents : « C’est un clivage fort ancien et différenciateur, à cet égard, que celui qui oppose les professeurs de l’enseignement secondaire, recrutés sur la base de connaissances de type disciplinaire, et les instituteurs, d’origine sociale tendanciellement plus modeste, et dont on exige un niveau de culture générale conjugué (…) à des connaissances d’ordre pédagogiques » (p 102). Cela explique que certains professeurs, atteints d’un complexe de supériorité sociale et intellectuelle, fassent la leçon aux instituteurs. Les petits groupements prétendant refonder l’école en présentent d’ailleurs de beaux spécimens... qu’il convient de fuir au plus vite.


Les instituteurs d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux de l’école d’autrefois : « Les jeunes professeurs des écoles (…) sont désormais diplômés du supérieur : ils ont une licence, souvent même une maîtrise. Paradoxalement, puisque le niveau de leur formation générale s’est fortement élevé, on peut faire l’hypothèse que c’est un rapport d’intensité limitée aux savoirs scolaires et universitaires qui les a conduits au concours de l’IUFM. (…) [Les instituteurs d’autrefois] se présentaient à l’école normale sur la base de leurs bonnes performances dans [l’enseignement primaire supérieur]. Quelles que soient les limites de leur culture générale, ce parcours de réussite s’accompagnait d’une considération et d’un intérêt pour les savoirs qu’ils avaient à transmettre qu’on ne retrouve pas toujours aussi intenses chez les instituteurs d’aujourd’hui. Ces derniers ont accompli une scolarité secondaire plutôt moyenne, dans un cas sur deux ils ont redoublé une année dans l’enseignement supérieur, dans un cas sur trois ils ont choisi un cursus de sciences humaines » (p 103 note 3). Dans le courant de ma carrière, j’ai pu constater qu’on devenait souvent instituteur par défaut, parce qu’on n’avait pas pu faire autre chose. « On comprend, dans ces conditions, leur propension [aux professeurs des écoles] à se définir comme des éducateurs autant ou plus que comme des enseignants titulaires d’un savoir, des éducateurs ayant à faire à des “enfants” ou à des “gamins” autant qu’à des “élèves”. Ils savent bien, certes, que c’est la transmission des connaissances qui différencie leur métier de ceux du service social. Il reste que leur rapport plus “faible” aux savoirs lettrés contraste avec les exigences plus fortes auxquelles l’enseignement primaire doit satisfaire (…), favorisant notamment chez eux une méconnaissance des enjeux et de la difficulté de la transmission des savoirs élémentaires, ainsi qu’une conception unilatéralement utilitaire des apprentissages » (p 104). Une formation professionnelle particulièrement inefficiente ne pouvait réduire ce déficit de maîtrise des connaissances de base : « Il ne semble pas que la formation proprement professionnelle dont ils bénéficient dans les IUFM suffise à redresser la barre, et ils s’avèrent au total plus ou moins bien préparés à affronter les difficultés théoriques qu’ils devraient aider les élèves à surmonter (…). Cette maîtrise limitée des savoirs à enseigner ne peut bien sûr que handicaper leur transmission » (p 104-105).

L’auteur aborde ensuite deux paramètres qui expliqueraient la montée du puérocentrisme à l’école primaire et le triomphe des pédagogies invisibles : « La vocation d’éducateurs des maîtres du primaire doit bien sûr à l’âge des élèves, à leur propre rapport “faible” aux savoirs scolaires, mais aussi sans doute à l’évolution du corps professionnel : sa féminisation, et conjointement son recrutement croissant dans le salariat intermédiaire ou d’encadrement. (…) On a tout lieu de penser (…) qu’un recrutement plus féminin et puisant plus souvent dans les classes moyennes salariées a sérieusement contribué à ce que l’on pourrait appeler la “maternisation” de l’enseignement, notamment élémentaire, à partir des années 1960. La montée du puérocentrisme, qui triomphe en 1989 avec l’inscription dans la loi d’orientation de l’invite à “placer l’élève au centre du système éducatif”, représente une véritable révolution dans les conceptions (et pour une part dans les pratiques) pédagogiques. Les conceptions traditionnelles définissaient les savoirs à inculquer, et se préoccupaient de la formation des maîtres appelés à les transmettre. Dans les dernières décennies, c’est la personne de l’enfant qui est passée au premier plan, le maître ayant mission de favoriser son épanouissement, de susciter et d’accompagner ses activités d’apprentissage. (…) Le ressort principal de ce transfert est (…) l’exigence pour les mères des classes moyennes de concilier leur activité salariée avec leur rôle dans la transmission culturelle au sein de la famille : la seule solution étant pour elles que l’école, et notamment l’école primaire, reproduise fidèlement l’ambiance d’une éducation familiale qui bannit tout autoritarisme et valorise la négociation, le contrat, le plaisir. Ce transfert se traduit par la diffusion, en lieu et place de la pédagogie “visible” en vigueur au temps des “blouses grises”, d’une pédagogie “invisible” qui repose idéalement sur le respect de l’autonomie de l’enfant, l’enseignant exerçant un contrôle étroit mais implicite en l’observant dans les activités qu’on lui propose et qui sont à forte composante ludique. Inspirée de conceptions qui mettent l’accent sur le développement de la personnalité enfantine, et décrivent l’apprentissage comme un processus tacite et invisible, cette pédagogie tend à effacer la frontière entre le travail et le jeu, et n’insiste guère sur la transmission des savoirs. On reconnaît dans la pédagogie invisible les traits de la “pédagogie active” (…) qui imprègne désormais de façon diffuse l’enseignement élémentaire » (p 109-110).


Or, ces pédagogies “actives” sont particulièrement pénalisantes pour les enfants des milieux défavorisés : « Quel que soit le degré auquel s’exerce cette tendance à abolir toute frontière nette entre l’école et la famille, elle pénalise au premier chef le rapport aux apprentissages des élèves d’origine populaire. Les autres disposent du garde-fou de la famille, où l’on sait pertinemment l’importance des premiers apprentissages, et où l’on peut rectifier le tir en douceur. Les jeunes des milieux populaires, par contre, n’ont guère de recours contre le brouillage des repères inhérent à la pédagogie invisible, qui tend à confondre ce qui est du travail et ce qui est du jeu (…), qui ne leur indique pas clairement ce qui est important et ce qui ne l’est pas » (p 111).


Jean-Pierre Terrail n’apprécie pas les pédagogies dérivées du constructivisme, qu’il appelle les “pédagogies douces” : « Ce sont les préoccupations de la pédagogie douce qui ont présidé à l’adoption de ces nouvelles formes de l’enseignement de la langue écrite : susciter la motivation des élèves, éviter qu’ils ne s’ennuient à l’école, faire de tout apprentissage un jeu et un plaisir, etc. Elles renversent le problème, qui n’est pas de faire naître l’envie d’apprendre – les élèves qui entrent au CP ne manquent certainement pas de volonté de savoir – mais de ne pas la décourager. Or, la seule façon de ne pas la décourager, c’est de mettre les élèves en position de la satisfaire, et donc  de leur permettre de se confronter réellement à des difficultés intellectuelles qu’ils ont les moyens de surmonter » (p 98-99).


Nous rejoignons pleinement le constat que la réussite scolaire ne peut se passer des efforts de l’élève : « Disons-le tranquillement : les apprentissages intellectuels demandent une dépense d’énergie mentale, une tension de l’esprit, une constance dans l’effort dont il serait absolument illusoire de prétendre faire l’économie » (p 78).


Doit-on pour autant en revenir à l’école d’autrefois défendue par les traditionalistes ? « Les tenants de la révolution conservatrice critiquent eux aussi le peu contestable manque d’efficacité des actuels dispositifs de scolarisation. Celui-ci ne leur est cependant qu’un prétexte. Il n’est que de les lire : inquiets de violences à l’école et de la dégradation des relations entre jeunes et adultes, ils visent en réalité à restaurer la capacité de l’école à inculquer le respect et l’ordre social. Leur souci est celui de la mise au pas des classes dangereuses, du retour à l’ordre moral. Ils rêvent d’élèves en uniforme, mais le “comment apprendre” leur importe peu » (p 139). Qui a fréquenté les petits groupements, dont je parlais plus haut et qui prétendent refonder de l’école, savent à quel point le “comment apprendre” n’a aucune importance à leurs yeux. Pour ces traditionalistes, seuls les programmes présentent un intérêt. Le reste, c’est de la tambouille où tout se vaut…


Ce qui est particulièrement stupide. De bons programmes doivent être déclinés par des pratiques pédagogiques ayant fait la preuve de leur efficacité : « Seuls des apprentissages élémentaires bien réussis garantissent de façon à peu près assurée une suite de parcours satisfaisante ; par contre, s’ils sont nettement ratés, les chances de s’en tirer ultérieurement sont particulièrement minces » (p 80).


Ce commentaire sur le livre de Jean-Pierre Terrail ne serait pas complet sans une critique. L’auteur fustige le redoublement, l’enseignement spécialisé et les classes de niveau, évoquant « l’échec de ces différentes formes de remédiation » (p 83). Je ne suis pas d'accord. D’une part parce que le constat d’échec repose sur des travaux dont on peut légitimement douter de l'objectivité, d’autre part parce que tant que nous n’aurons pas trouvé mieux, il faudra se contenter de ces trois solutions. Car elles permettent de ne pas laisser des élèves en difficultés ou à besoins spécifiques dans un tronc commun où ils attendent plus ou moins patiemment leur éjection finale du système éducatif.

Ceci étant dit, je partage avec l'auteur ce projet d’école démocratique qui se donnerait pour mission de transmettre à tous les élèves qui lui sont confiés les connaissances et les habiletés précisément définies par niveau. Et qui s’attacherait à compenser les déficits socioculturels de ceux qui sont les plus démunis. Grâce à un enseignement explicite...


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École - L'enjeu démocratique
Jean-Pierre TERRAIL
La Dispute, 01/2004, 154 p.