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lundi 9 décembre 2013

Livre : La France enfin première de la classe (Maryline Baumard)



Pressentant les mauvais résultats pour la France, Maryline Baumard, journaliste au Monde et spécialiste des questions d’éducation, a sorti ce livre juste avant la publication officielle du PISA 2012. Pour tenter de répondre à cette question cruciale : « Comment s’y prendre pour avoir la meilleure école du monde dans dix ans ? ».

Il faut bien se rendre à l’évidence sur « ces 100 000 enfants [qui] n’ont pas un niveau suffisant pour bénéficier des enseignements du collège. Ils ne savent vraiment ni lire ni compter en sortant du CM2 ». La cause ? « Quand les fondamentaux ne sont pas acquis à l’heure ils sont difficiles à rattraper parce que l’élève fait l’impasse sur d’autres enseignements en essayant de reconstruire les bases qu’il n’a pas. La machine à échouer s’enclenche encore un peu plus. » Bonne analyse.

La solution pour que la France soit enfin (!) la première de la classe réside selon l’auteur dans l’evidence based policy. Ce qui, entre parenthèses, est le leitmotiv des chercheurs et des enseignants explicites, qui préfèrent parler de « données probantes ». C’est-à-dire se servir des résultats obtenus par la recherche scientifique sérieuse : « L’evidence based policy, vous connaissez ? L’expression n’a pas de traduction en français. Et pour cause, cette politique qui s’appuie sur des preuves n’a pas cours au pays de Descartes. » Bien vu !

Or, ajoute l’auteur, « contrairement à ce qu’on pourrait d’abord penser, ces résultats ne délégitiment ni le politique ni l’enseignement. Au contraire, un résultat scientifique peut même légitimer une décision en l’asseyant sur des faits tangibles ». Nous n’en sommes pas encore là, en France. Et, de toute évidence, on écoutant les ministres successifs, ce n’est pas demain la veille qu’on y parviendra…

Pour étayer sa démonstration, Maryline Baumard nous parle de différentes expériences qui ont été des réussites et qui montrent la voie. Essentiellement dans le monde anglo-saxon (notamment les travaux de Robert Slavin et son Success for All, que les enseignants explicites connaissent bien), mais aussi quelques-unes en France (dont le travail de Michel Zorman sur un apprentissage explicite et structuré de la lecture). Au passage, elle observe très justement que « les méthodes efficaces ne sont ni de droite ni de gauche », ce qui est important dans un débat où la pédagogie est polluée par la politique depuis des années. À quand une approche strictement professionnelle ?

Parmi ces expériences, j’ai découvert avec beaucoup d’intérêt le Perry Preschool Program (chapitre 5) : un effort particulier d’enseignement de qualité en Maternelle a des conséquences très positives sur l'ensemble de la scolarité des élèves qui en ont bénéficié. En France, on fait l’inverse : tout le monde est d’accord pour ne surtout pas “primariser” la maternelle. On préfère rester dans le ludique et les activités de garderie en évitant soigneusement de faire entrer les enfants dans les apprentissages (lire, écrire, compter). De peur de les traumatiser, sans doute…

Puisqu’il me faut critiquer l’auteur, j’aurais préféré qu’elle évite les références révérencieuses  à Jean Piaget (qui est maintenant has-been dans le monde des sciences cognitives) et qu’elle ne fasse pas de la retape pour la pédagogie Montessori, qui existe depuis plus d’un siècle sans avoir réussi à démontrer son efficacité – même si elle continue de plaire aux bobos et aux cathos. En revanche, je m’étonne de ne rien voir sur le courant du Direct Instruction, pourtant arrivé largement en tête du Projet Follow Through (dont il est brièvement question à la page 115). Et surtout de l’absence des travaux de Barak Rosenshine sur l’efficacité en enseignement, le “père” de l’enseignement explicite. Pas un mot non plus sur nos amis canadiens (Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard) qui ont le grand mérite d’avoir fait connaître au monde francophone les recherches sur les pratiques d’enseignement efficaces.

Pour finir, je laisse la parole à Maryline Baumard qui écrit dans sa conclusion que les « Anglo-Saxons s’inscrivent dans une dynamique de rationalisation de l’acte d’enseigner qui risque de nous laisser loin derrière dans les années à venir, si nous continuons de penser que le talent suffit pour exercer ce métier ». Il faudrait donc « former les professeurs  à des méthodes efficaces. Nos voisins nous montrent que, pour ne pas perdre en chemin les 20 % d’élèves les plus fragiles, un enseignement très structuré est nécessaire », autrement dit un enseignement explicite. Mais « en France, on n’aime pas penser l’école en termes d’efficience ». C’est bien là le problème…

Espérons que ce livre agréable à lire contribuera à dégripper un peu les rouages bloqués par l’idéologie constructiviste et par le pédagogiquement correct.

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Maryline BAUMARD
Fayard, 10.2013, 241 p.

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