À intervalles réguliers, les partisans du constructivisme
pédagogique qualifient leurs adversaires, c’est-à-dire tous ceux qui ont le
malheur de ne pas penser comme eux, d’adeptes de la « pédagogie noire ».
Il faut reconnaître que, faute d’avoir des pratiques d’enseignement
efficaces, les constructivistes ont un véritable don pour trouver les formules
qui stigmatisent en un clin d’œil tout ce qui ose s’opposer à eux.
Pédagogie noire. Rien que le nom fait peur !
D’où cela vient-il ? C’est une psychanalyste suisse de
langue allemande, Alice Miller (1923-2010), qui a baptisé de « pédagogie
noire » la façon d’élever son enfant en le traitant avec cruauté, en le
manipulant et en l’exploitant. Le site Psychologie.com
ajoute : « On lui affirme [à l’enfant]
que c'est bon pour son caractère jusqu'à ce qu'il en soit convaincu lui-même.
Sous prétexte de le préparer à affronter les difficultés de la vie, on détruit
sa confiance en la société et en lui-même ; il est donc en fait beaucoup moins
bien préparé à affronter les difficultés. »
Il est évident qu’on ne peut que réprouver ces méthodes d’éducation
humiliantes et avilissantes qui peuvent accoucher de psychopathes célèbres
(Alice Miller citait Adolf Hitler parmi ceux-ci).
Les enseignants explicites sont hostiles à toute forme de
“dressage” des élèves qui leur sont confiés. Bien au contraire : l’efficacité
de leurs pratiques pédagogiques entraîne la réussite dans les apprentissages, ce qui entraîne à son tour un renforcement de l’estime de soi des élèves, et de
leur confiance dans leurs capacités. Nous voulons que les élèves acquièrent un
esprit dynamique qui leur permettra, tout au long de leur vie, d’affronter les
difficultés de manière active afin de les surmonter.
Remarquons toutefois qu’Alice Miller parle de l’éducation
des enfants et non de l’enseignement des élèves. Le terme « pédagogie
noire » est donc mal choisi, il aurait mieux valu parler d’« éducation
noire ». Mais cela sonnait moins bien…
À propos d’éducation, il est toujours difficile de faire la
leçon aux autres. Et Alice Miller elle-même n’échappe pas à la règle. Le site
du Nouvel Observateur a consacré un article sur le livre écrit par le fils d’Alice
Miller, devenu analyste lui-aussi. Voici ce qu’on peut apprendre :
« Secrète, la psychanalyste n’eut guère apprécié ce déballage quatre ans après sa mort, et d’autant moins que son fils y reproduit une lettre d’elle, écrite en novembre 1987. On y découvre une mère d’un peu plus de soixante ans très désorientée, exposant avec humilité la genèse de ses erreurs passées. Elle s’en veut de ne pas avoir protégé son enfant contre la violence paternelle. “Je n’ai assurément pas satisfait à tes besoins de sécurité et de protection, écrit-elle. Je n’ai pas su te donner tout ce dont tu avais besoin et j’ai moi-même souffert de cette incapacité (…). De sorte que j’accepterai le reproche de t’avoir abandonné sans rien faire à ces maltraitances car le reproche est justifié.” »
Plus loin :
« Ma mère se brouilla définitivement avec ses anciens collègues et amis psychanalystes à Zurich. Je voudrais encore une fois citer ici Alexander Moser : “Pendant des années, votre mère fut un membre important de notre cercle de discussion. Nous avons tous profité de ses contributions créatives et profondes. Elle aussi se sentait très bien dans notre groupe. Mais le succès de ses livres l’a considérablement changée. Elle ressentait de moins en moins la critique amicale et bienveillante comme étant positivement stimulante mais de plus en plus comme un obstacle et une entrave au développement de ses propres idées. C’est ainsi qu’à notre grand regret elle s’est retranchée de plus en plus et qu’elle a fini par rompre totalement le contact.” »
Comme quoi la perfection n’est hélas pas de ce monde.
Mais revenons à la « pédagogie noire » que
balancent comme une invective les constructivistes lorsqu’ils sont à court d’argument.
Ce qui arrive hélas très souvent, tant leurs conceptions pédagogiques reposent
sur du vide ou du presque vide. Que pourrions-nous dire, à notre tour, de leur
façon de procéder en classe ?
Nous avions proposé « pédagogie caca d’oie » dans un article qui répondait à une attaque faite contre nos amis suisses de l’initiative
École 2010. C’était gentil.
À la réflexion, je pense que le terme de « pédagogie
merdique » correspondrait mieux. Tant par la consistance molle de pratiques
incertaines laissant les élèves livrés à eux-mêmes, que par les relents nauséabonds
d'une pédagogie adoptée par des gens qui ne se cachent pas de vouloir changer l’école pour changer la
société. Le formatage des esprits des jeunes enfants pour obtenir l’Homme idéal des lendemains radieux est un objectif abject parce que totalitaire.
Où sont alors la manipulation, l’exploitation et pour tout
dire la cruauté ?
Le parcours d’Alice Miller n’est pas sans rappeler celui de Françoise Dolto, dont Didier Pleux vient d’écrire récemment, selon l’expression de Michel Onfray, une « déconstruction existentielle », dans laquelle il révèle l’antagonisme profond entre ses «enseignements » et ses choix de vie.(Françoise Dolto, la déraison pure) Trop souvent, on remarque que les donneurs de leçons d’humanisme ou plus largement de citoyenneté et de comportement démocratique font sur le plan personnel, des choix en complet désaccord avec ce qu’ils prêchent aux autres. Ainsi nous sommes surpris d’apprendre par la plume de son fils qu’Alice Miller, qui luttait contre les violences faites aux enfants, lui en a elle-même fait subir. Comme nous le sommes de savoir que Françoise Dolto, dont les thèses permissives continuent d’influencer l’éducation et l’enseignement, a eu des accointances avec René Laforgue soupçonné de collaboration avec Vichy, et avec l’eugéniste Alexis Carrel et qu’elle lisait l’Action française. Et malgré cela, elle a écrit n’avoir rien su des vélléités antisémites du gouvernement de Vichy et pensait que la rafle du Vél’d’Hiv’ n’avait d’autre but que de regrouper les Juifs dans des camps pour les protéger des nazis. Ce qui ne l’empêcha pas quelques années plus tard d'accuser de nazisme un professeur qui reprocherait à un élève d'arriver en retard à son cours...
RépondreSupprimer