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mercredi 2 décembre 2015

Pilotage et fonctionnement de la circonscription du premier degré (IGEN-IGAEN)

Auteurs : MarieHélène Leloup et Martine Caraglio
Rapport - n° 2015-025
06.2015



Résumé :

Historiquement, la création des circonscriptions du premier degré a coïncidé avec la mise en place d’un corps de contrôle, correspondant à la volonté politique d’une forme de quadrillage du territoire. Aujourd’hui, il n’existe toujours pas de définition réglementaire de la circonscription d’enseignement du premier degré. Mais la circonscription reste l’échelon opérationnel de l’organisation de l’enseignement du premier degré.  

À l’heure où les recteurs se voient confier une responsabilité accrue dans la mise en œuvre de la politique éducative, où le projet de loi portant « nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) confie de nouvelles compétences à des régions élargies, la question de la gouvernance du service public de l’éducation se pose avec une acuité particulière et notamment celle de ses différents échelons géographiques.

Le questionnement de la mission s’est organisé ainsi :
– quelle est la réalité du fonctionnement des circonscriptions du premier degré ?
– comment en améliorer le pilotage, dans la perspective d’une meilleure réussite des élèves ?  
– dans un contexte global de déconcentration et de réorganisation des services de l’État et au regard des évolutions en cours, l’entité « circonscription » estelle toujours pertinente et quelles évolutions pourraitelle connaître ?

Une quarantaine de circonscriptions dans vingt départements de onze académies ont été visitées. En dehors des visites dans les académies constitutives de l’échantillon, la mission a également conduit un certain nombre d’entretiens au plan national.

Le pilotage du premier degré : un fonctionnement en strates

Les recteurs s’interrogent sur l’organisation du pilotage pédagogique du premier degré. Pour piloter et rendre compte d’un segment dont ils sont responsables, ils cherchent les moyens de renforcer l’articulation des niveaux académique, départemental, et de circonscription. Mais les visites réalisées en académie ont montré que le premier degré reste l’apanage des services départementaux.  

L’articulation entre le pilotage départemental et le pilotage de circonscription ne va pas de soi. La circonscription est plus considérée par l’échelon départemental comme un niveau de connaissance administrative du territoire que comme un niveau de pilotage. Enfin, le principe de subsidiarité n’est pas clairement celui qui anime la complémentarité entre la direction académique et l’action des circonscriptions.  

La mission n’a pas observé un pilotage à plusieurs niveaux ou un pilotage concerté mais un fonctionnement en strates.  

Des IEN entre éparpillement et diminution du nombre d’inspections

On assiste à un double mouvement qui, dans les faits, contribue à affaiblir le rôle de l’IEN, notamment dans sa mission de pilotage pédagogique de l’entité circonscription.

D’abord, la multiplication de missions transversales au niveau départemental ou académique génère la constitution de groupes de travail, induit la tenue de nombreuses réunions dont l’efficacité mériterait d’être mesurée à l’aune de trois critères : les productions des groupes (ressources documentaires, conception de dispositifs de formation), leur caractère original ou novateur par rapport à l’existant, les retombées dans les classes.

Ensuite, de nombreux IEN expriment le sentiment d’une mobilisation dans des micros tâches (souvent liées à des gestions de conflits qui se seraient singulièrement multipliées ces dernières années) et dans des tâches administratives ou logistiques qui laisseraient moins de temps pour la pédagogie.

De fait, le cœur de métier de l’IEN, l’inspection dans les classes, qui permet d’apprécier l’état de la qualité des enseignements en même temps qu’il permet l’évaluation des personnels enseignants, connaît un recul significatif dans l’activité des circonscriptions. Sur l’année scolaire 20132014, il peut être chiffré à environ 30 %.  

Il y a donc un risque sérieux de méconnaissance des écoles et des enseignements dans les circonscriptions.

De surcroît, la rareté des dialogues DASEN  circonscription et l’insuffisance des outils de pilotage, dont l’absence d’évaluations nationales, fragilisent le pilotage des circonscriptions.  

La circonscription, un découpage « sans coïncidence »

Dans une organisation de plus en plus complexe – intercommunalités, communautés d’agglomérations, bassins d’éducation… – la circonscription est sans « coïncidence » avec les territoires éducatifs et/ou administratifs.

Au sein de l’éducation nationale, à de rares exceptions près, la circonscription ne coïncide avec aucun autre type d’organisation interne, secteurs de collèges, bassins. La question de la relation avec la carte des intercommunalités est également posée. La logique d’une organisation interne à l’éducation nationale n’est pas toujours comprise par les élus. La divergence entre les différentes cartes – bassins d’éducation, bassins d’emplois, communautés de communes, communes, secteurs de collèges… – conduit tous les interlocuteurs à s’interroger sur « le bon découpage ».

La circonscription, un territoire peu signifiant ; l’IEN, un acteur plébiscité

En premier lieu, la circonscription ne se définit pas de la même manière selon les acteurs :  
– elle est pour les élus un simple cadre administratif qui n’a pas de lien avec la commune. Ce sont, très clairement, les qualités de l’IEN de la circonscription qui importent : disponibilité, expertise, aide et médiation, etc. ;
– elle se conjugue avec l’équipe de circonscription pour les enseignants. Elle n’est pas un réseau d’écoles dans la mesure où chaque école ignore aujourd’hui la réalité du fonctionnement des autres écoles de la circonscription, voire n’identifie pas le périmètre exact de la circonscription à laquelle elle appartient ;
– elle se résume aux écoles de leur secteur pour les chefs d’établissement.

En revanche, l’IEN est connu de tous et plébiscité :
– pour les directeurs, l’IEN est un « médiateur ». Il est perçu comme porteur d’aide et de conseil pour les projets conçus dans les écoles et les directeurs en font la première personne de référence : « Ce qui nous donne une légitimité c’est que l’inspecteur soit derrière nous » ;
– pour les principaux, l’IEN apporte une caution pédagogique et réglementaire ;
– les élus identifient l’IEN comme l’interlocuteur institutionnel, représentant l’éducation nationale, après les directeurs d’écoles, interlocuteurs quotidiens.  

Tous expriment le besoin d'avoir un interlocuteur de proximité, terme employé moins dans son sens géographique que dans celui d’une « bonne connaissance » des territoires et de leurs spécificités.  

Si le premier degré nécessite un pilotage de proximité, compte tenu du morcellement des écoles et de leur statut, on peut s’interroger sur la nécessité de l’appuyer sur la circonscription. La proximité réclamée de tous estelle liée à un territoire ou bien à la régularité d’une rencontre ? Bref, peutil y avoir un maillon humain sans appui sur cette circonscription qui est de fait ignorée de la plupart des protagonistes ?

Une nécessaire évolution de l’entité circonscription

La circonscription, dans son fonctionnement actuel, n’apparaît plus comme un espace incontournable et indépassable de pilotage des politiques éducatives.  

De fait, la mission a constaté que :
– la circonscription pallie l’absence d’organisation administrative du premier degré en proximité ;
– la force de l’organisation du premier degré tient dans la qualité de ses inspecteurs, leur mobilisation, leur loyauté dans le portage et la mise en œuvre des réformes, bien davantage que dans son organisation territoriale ;
– dans une organisation de plus en plus complexe (intercommunalités, communautés d’agglomérations, bassins d’éducation…), la circonscription apparaît comme une entité dépassée dans son périmètre et dans son fonctionnement ;
– le pilotage de proximité sera à repenser à la lumière de la réforme territoriale. La création de nouveaux territoires éducatifs, à la suite de cette réforme, posera la question prioritaire de l’échelle pertinente pour assurer une relative proximité entre les écoles et les inspecteurs.

La question qui se pose est de savoir si la dynamique d’un pilotage académique du premier degré sous l’autorité du recteur, la mise en place d’un nouveau paysage territorial, l’arrimage conforté du collège à l’école primaire doivent être suivis d’une réorganisation structurelle et pour quels bénéfices. La mission envisage deux grandes options.  

1) Dans l’hypothèse d’un maintien des circonscriptions du premier degré, deux lignes d’évolution doivent se combiner :
– l’amélioration du fonctionnement actuel des circonscriptions dans la perspective d’un pilotage renforcé ;
– la recherche d’une amélioration de la carte des circonscriptions, fondée sur des unités pertinentes au plan territorial et/ou au plan pédagogique de manière à conforter des politiques de territoire.

2) Dans l’hypothèse d’une évolution des missions de l’ensemble des corps d’inspection et d’une disparition des circonscriptions, deux scénarios peuvent ensuite être avancés :
– l’octroi d’un statut aux directeurs d’école et l’autonomie juridique et financière donnée aux écoles ou à des groupements d’écoles, transformés en établissements publics du premier degré (EPEP) ;
– la création d’établissements publics du socle commun autour du collège (EPSC).

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