Auteurs : Marie‐Hélène Leloup et Martine Caraglio
Rapport - n° 2015-025
06.2015
Résumé :
Historiquement, la création des circonscriptions du premier
degré a coïncidé avec la mise en place d’un corps de contrôle, correspondant à
la volonté politique d’une forme de quadrillage du territoire. Aujourd’hui, il
n’existe toujours pas de définition réglementaire de la circonscription
d’enseignement du premier degré. Mais la circonscription reste l’échelon
opérationnel de l’organisation de l’enseignement du premier degré.
À l’heure où les recteurs se voient confier une
responsabilité accrue dans la mise en œuvre de la politique éducative, où le
projet de loi portant « nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe)
confie de nouvelles compétences à des régions élargies, la question de la
gouvernance du service public de l’éducation se pose avec une acuité
particulière et notamment celle de ses différents échelons géographiques.
Le questionnement de la mission s’est organisé ainsi :
– quelle est la réalité du fonctionnement des
circonscriptions du premier degré ?
– comment en améliorer le pilotage, dans la perspective
d’une meilleure réussite des élèves ?
– dans un contexte global de déconcentration et de
réorganisation des services de l’État et au regard des évolutions en cours,
l’entité « circonscription » est‐elle toujours pertinente et
quelles évolutions pourrait‐elle connaître ?
Une quarantaine de circonscriptions dans vingt départements
de onze académies ont été visitées. En dehors des visites dans les académies
constitutives de l’échantillon, la mission a également conduit un certain
nombre d’entretiens au plan national.
Le pilotage du premier degré : un fonctionnement en strates
Les recteurs s’interrogent sur l’organisation du pilotage
pédagogique du premier degré. Pour piloter et rendre compte d’un segment dont
ils sont responsables, ils cherchent les moyens de renforcer l’articulation des
niveaux académique, départemental, et de circonscription. Mais les visites
réalisées en académie ont montré que le premier degré reste l’apanage des
services départementaux.
L’articulation entre le pilotage départemental et le
pilotage de circonscription ne va pas de soi. La circonscription est plus
considérée par l’échelon départemental comme un niveau de connaissance administrative
du territoire que comme un niveau de pilotage. Enfin, le principe de
subsidiarité n’est pas clairement celui qui anime la complémentarité entre la
direction académique et l’action des circonscriptions.
La mission n’a pas observé un pilotage à plusieurs niveaux
ou un pilotage concerté mais un fonctionnement en strates.
Des IEN entre éparpillement et diminution du nombre d’inspections
On assiste à un double mouvement qui, dans les faits,
contribue à affaiblir le rôle de l’IEN, notamment dans sa mission de pilotage
pédagogique de l’entité circonscription.
D’abord, la multiplication de missions transversales au
niveau départemental ou académique génère la constitution de groupes de
travail, induit la tenue de nombreuses réunions dont l’efficacité mériterait
d’être mesurée à l’aune de trois critères : les productions des groupes
(ressources documentaires, conception de dispositifs de formation), leur
caractère original ou novateur par rapport à l’existant, les retombées dans les
classes.
Ensuite, de nombreux IEN expriment le sentiment d’une
mobilisation dans des micros tâches (souvent liées à des gestions de conflits
qui se seraient singulièrement multipliées ces dernières années) et dans des
tâches administratives ou logistiques qui laisseraient moins de temps pour la pédagogie.
De fait, le cœur de métier de l’IEN, l’inspection dans les
classes, qui permet d’apprécier l’état de la qualité des enseignements en même
temps qu’il permet l’évaluation des personnels enseignants, connaît un recul
significatif dans l’activité des circonscriptions. Sur l’année scolaire 2013‐2014,
il peut être chiffré à environ 30 %.
Il y a donc un risque sérieux de méconnaissance des écoles
et des enseignements dans les circonscriptions.
De surcroît, la rareté des dialogues DASEN ‐ circonscription et l’insuffisance des outils de
pilotage, dont l’absence d’évaluations nationales, fragilisent le pilotage des
circonscriptions.
La circonscription, un découpage « sans coïncidence »
Dans une organisation de plus en plus complexe –
intercommunalités, communautés d’agglomérations, bassins d’éducation… – la
circonscription est sans « coïncidence » avec les territoires éducatifs et/ou
administratifs.
Au sein de l’éducation nationale, à de rares exceptions
près, la circonscription ne coïncide avec aucun autre type d’organisation
interne, secteurs de collèges, bassins. La question de la relation avec la carte
des intercommunalités est également posée. La logique d’une organisation
interne à l’éducation nationale n’est pas toujours comprise par les élus. La
divergence entre les différentes cartes – bassins d’éducation, bassins
d’emplois, communautés de communes, communes, secteurs de collèges… – conduit
tous les interlocuteurs à s’interroger sur « le bon découpage ».
La circonscription, un territoire peu signifiant ; l’IEN, un acteur
plébiscité
En premier lieu, la circonscription ne se définit pas de la
même manière selon les acteurs :
– elle est pour les élus un simple cadre administratif qui
n’a pas de lien avec la commune. Ce sont, très clairement, les qualités de l’IEN
de la circonscription qui importent : disponibilité, expertise, aide et
médiation, etc. ;
– elle se conjugue avec l’équipe de circonscription pour les
enseignants. Elle n’est pas un réseau d’écoles dans la mesure où chaque école
ignore aujourd’hui la réalité du fonctionnement des autres écoles de la
circonscription, voire n’identifie pas le périmètre exact de la circonscription
à laquelle elle appartient ;
– elle se résume aux écoles de leur secteur pour les chefs
d’établissement.
En revanche, l’IEN est connu de tous et plébiscité :
– pour les directeurs, l’IEN est un « médiateur ». Il est
perçu comme porteur d’aide et de conseil pour les projets conçus dans les
écoles et les directeurs en font la première personne de référence : « Ce qui
nous donne une légitimité c’est que l’inspecteur soit derrière nous » ;
– pour les principaux, l’IEN apporte une caution pédagogique
et réglementaire ;
– les élus identifient l’IEN comme l’interlocuteur
institutionnel, représentant l’éducation nationale, après les directeurs
d’écoles, interlocuteurs quotidiens.
Tous expriment le besoin d'avoir un interlocuteur de
proximité, terme employé moins dans son sens géographique que dans celui d’une
« bonne connaissance » des territoires et de leurs spécificités.
Si le premier degré nécessite un pilotage de proximité,
compte tenu du morcellement des écoles et de leur statut, on peut s’interroger
sur la nécessité de l’appuyer sur la circonscription. La proximité réclamée de
tous est‐elle liée
à un territoire ou bien à la
régularité d’une rencontre ? Bref, peut‐il y avoir un maillon humain sans
appui sur cette circonscription qui est de fait ignorée de la plupart des protagonistes
?
Une nécessaire évolution de l’entité circonscription
La circonscription, dans son fonctionnement actuel,
n’apparaît plus comme un espace incontournable et indépassable de pilotage des
politiques éducatives.
De fait, la mission a constaté que :
– la circonscription pallie l’absence d’organisation
administrative du premier degré en proximité ;
– la force de l’organisation du premier degré tient dans la
qualité de ses inspecteurs, leur mobilisation, leur loyauté dans le portage et
la mise en œuvre des réformes, bien davantage que dans son organisation
territoriale ;
– dans une organisation de plus en plus complexe
(intercommunalités, communautés d’agglomérations, bassins d’éducation…), la
circonscription apparaît comme une entité dépassée dans son périmètre et dans
son fonctionnement ;
– le pilotage de proximité sera à repenser à la lumière de
la réforme territoriale. La création de nouveaux territoires éducatifs, à la
suite de cette réforme, posera la question prioritaire de l’échelle pertinente
pour assurer une relative proximité entre les écoles et les inspecteurs.
La question qui se pose est de savoir si la dynamique d’un
pilotage académique du premier degré sous l’autorité du recteur, la mise en
place d’un nouveau paysage territorial, l’arrimage conforté du collège à
l’école primaire doivent être suivis d’une réorganisation structurelle et pour
quels bénéfices. La mission envisage deux grandes options.
1) Dans l’hypothèse d’un maintien des circonscriptions du
premier degré, deux lignes d’évolution doivent se combiner :
– l’amélioration du fonctionnement actuel des
circonscriptions dans la perspective d’un pilotage renforcé ;
– la recherche d’une amélioration de la carte des
circonscriptions, fondée sur des unités pertinentes au plan territorial et/ou
au plan pédagogique de manière à conforter des politiques de territoire.
2) Dans l’hypothèse d’une évolution des missions de
l’ensemble des corps d’inspection et d’une disparition des circonscriptions,
deux scénarios peuvent ensuite être avancés :
– l’octroi d’un statut aux directeurs d’école et l’autonomie
juridique et financière donnée aux écoles ou à des groupements d’écoles,
transformés en établissements publics du premier degré (EPEP) ;
– la création d’établissements publics du socle commun
autour du collège (EPSC).
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