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vendredi 6 décembre 2013

PISA 2012 : La faillite de l'École constructiviste





Dans l’avalanche de commentaires qui ont accompagné les résultats plus que médiocres de la France au PISA 2012, certains ont évoqué l’échec de « l’École de Jules Ferry ». C’est dire si les images d’Épinal ont la vie dure ! L’école de l’enseignement traditionnel a disparu dans le courant des années 1960. Depuis, nous avons subi l'arrivée de l’école du constructivisme pédagogique qui a triomphé avec la loi Jospin de 1989. Il y a 24 ans…

PISA, c’est la faillite des pédagogies de “l’École nouvelle”, celle de Freinet et de Piaget, de Meirieu et de Frackowiak, de l'IFÉ-INRP, des Cahiers pédagogiques et du Café du même nom. D'abord dans les écoles normales d’instituteurs, puis dans les IUFM et maintenant dans les ESPÉ, on forme et on conforme les enseignants du Primaire aux pratiques constructivistes depuis une quarantaine d’années. Exclusivement. Et l’on s’étonne aujourd’hui des résultats obtenus ? La dégringolade était pourtant prévisible dès les années 1980. Ce que certains observateurs clairvoyants annonçaient déjà...

Mais les ministres de l’Éducation nationale successifs se sont entêtés. Et l’appareil éducatif, la hiérarchie, les experts et les formateurs aussi. L’idée – ou plutôt l’idéologie – constructiviste était réputée “progressiste”, pour ainsi dire par définition. Et, en accord avec l'air du temps, elle s’imposait d’elle-même. Sans discussion, comme une évidence. Les contestataires étaient perçus comme des réacs dépassés par la modernité de l’enseignement par découverte, ludique et antiautoritaire, à la fois libéral et libertaire. Le maître-mot, c'est le sens. Le sens et rien d'autre. La plupart des enseignants de terrain sont passés par ce moule et ont été littéralement formatés pour mettre en œuvre ces techniques d’enseignement dans leur classe, sous la surveillance des IEN entièrement acquis à la cause. Le sens, mais sans faire l'effort d'obtenir ce qu'il faut pour le construire. Comme par magie...

Le malheur, c’est que nous savons maintenant de manière assurée que cette façon de faire classe ne repose sur rien d’autre que des discours, des croyances et de l’idéologie. De multiples recherches, études et expérimentation récentes, portant sur les milliers d'élèves et des centaines de classes, ont prouvé que le présupposé de départ était faux : les connaissances scolaires ne s’acquièrent pas “naturellement” mais par un enseignement construit, rigoureux, explicite, partant du simple pour aller vers le complexe, axé sur la métacognition et le maintien en mémoire à long terme.

Mais peu importe ce que nous dit la recherche en sciences de l'éducation et en sciences cognitives ! Continuons à aller dans le mur, au prétexte mille fois entendu que le modèle constructiviste n'est pas complètement installé à cause des récalcitrants qui se cramponnent aux vieilles pratiques. Allez donc dans les écoles pour voir comment on enseigne, et dites-moi si vous entrevoyez ne serait-ce que l'ombre d'une blouse grise ou d'un bonnet d'âne ! L'École est aujourd'hui bel et bien constructiviste, le modèle est bel et bien incrusté, les élèves sont bel et bien soumis à un enseignement inefficace. Regardez les résultats de PISA, de PIRLS ou de TIMMS : tout le démontre !

Et le ministre alors ?

Nous pouvons être déjà certains que le ministre Peillon ne va pas remédier aux causes fondamentales qui provoquent l’échec de la France aux tests du PISA. Il se contente de faire de la politique. Ainsi, dès le 10 octobre, sur Canal +, il déclarait : « La France décroche totalement dans les performances de ses élèves. Sur dix ans. Et sur un certain nombre de compétences, ça devient dramatique. Ce n'est pas seulement la lecture. Ce sont les mathématiques. C'est la confiance des élèves en eux-mêmes (...). Et en plus, et ça c'est terrible pour nous tous, c'est le pays dans lequel les inégalités sociales et scolaires s'accroissent le plus. On laisse sur le côté 25 % de notre jeunesse. » Tout le monde fut surpris car on ne connaissait pas encore ce qu’avait donné PISA en 2012. Pourquoi cette annonce fracassante ? Pour préparer l’opinion publique à un désastre. Du coup, le 3 décembre, lors de la publication officielle des résultats, tout le monde fut soulagé de voir que la France avait moins reculé qu’annoncé. Bel exemple de manipulation de l'opinion !

De plus, le ministre Peillon s’est immédiatement servi du PISA pour affirmer que sa “refondation” de l’École (en fait quelques réformettes disparates et incohérentes) était plus nécessaire que jamais. Pourtant les élèves français testés en 2012 ont quitté l’école primaire en 2008 : ils avaient classe 4,5 jours par semaine avec les programmes de 2002. Donc les réformes de Darcos ne sont pas responsables de cette nouvelle dégringolade. Il n’empêche ! Peillon utilise PISA pour justifier ses choix et sa politique éducative. Comme ses prédécesseurs d'ailleurs. On est donc loin de la prise de conscience qui avait créé en Allemagne le fameux “choc PISA” en 2001. Choc salutaire qui a permis aux Allemands de remonter dans le classement, test après test. 

Les Français, comme leur ministre, ne sont pas encore “choqués”. Il leur faut sans doute tomber encore plus bas…

Par ailleurs, on constate une fois encore que l’École française est de plus en plus inégalitaire car si les bons élèves restent bons, les élèves en difficulté décrochent davantage. Et l’écart entre les uns et les autres ne cesse de s’accroître. Pourquoi ? La raison est très simple : dans l’École constructiviste, le rendement scolaire est très faible. Les familles socioculturellement favorisées compensent à la maison ce que l’enfant n’apprend plus à l’école. Cela fait des années que les manuels de la méthode Boscher se vendent comme des petits pains : on a dit aux instituteurs d'utiliser en classe des méthodes d’apprentissage de la lecture à départ global (le sens, le sens). Dès lors, les élèves éprouvent des difficultés mises sur le compte d'une épidémie de dyslexie, donc les mères ayant fait des études supérieures décident de venir en aide à leurs enfants avec une méthode ancienne mais qui a fait ses preuves. 

Mais dans les quartiers difficiles, personne ne vient en aide aux enfants qui doivent, en classe, se colleter avec des situations-problèmes et avec la complexité pour construire par eux-mêmes et intuitivement leurs propres savoirs, à partir de rien du tout ou de bien peu. D’où les chiffres catastrophiques : 20 % des élèves sont en perdition en entrant au collège et 150 000 sortent du système scolaire sans aucune qualification. Pour la cinquième puissance mondiale, cela est quand même embêtant.

Alors que faire ? C’est très simple : implanter dans les classes les pratiques pédagogiques dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée, comme la Pédagogie Explicite. Pour cela, il faut faire un gigantesque effort en formation professionnelle, initiale et continue. Mais ce n’est pas en gardant les ex-formateurs d’IUFM dans les nouvelles ESPÉ qu’on y parviendra. Changer le nom du centre de formation ne sert à rien, il faut changer les formateurs pour véritablement forger de solides professionnels de l'enseignement efficace.

Les pays en tête du classement sont des pays asiatiques. Ce sont des pays où l’effort est valorisé, où les enseignants sont respectés, où les ambitions sont grandes pour l’avenir. La France n’a plus ces qualités pourtant essentielles. Qui les lui rendra ?






2 commentaires:

  1. Au Québec et au Canada, la pédagogie est fortement constructiviste. Ça marche pour nous!

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    1. Heureux de rencontrer quelqu'un qui soutient encore le constructivisme ! Les partisans de ce genre de démarche inefficace se font de plus en plus rares et de plus en plus discrets. Ils ont raison au vu des résultats catastrophiques obtenus depuis quarante ans...
      Quant au fait que le Québec soit constructiviste, je n'en doute pas puisque le courant pour l'enseignement explicite s'y développe très rapidement. Les enseignants canadiens (comme les autres) ont envie d'avoir enfin des pratiques efficaces, ont envie de voir leurs élèves réussir dans leurs apprentissages, ont envie d'être des professionnels solides et non plus des bricoleurs du dimanche.
      Tant qu'il restera du constructivisme dans nos systèmes éducatifs, l'instructionnisme aura de beaux jours devant lui.

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