C'est le livre qui a fait connaître Jean-Paul Brighelli du grand public.
Brighelli y bouscule les règles de la bienséance et de la bienpensance. Il dit haut et fort ce que tout le monde constate et que tout le monde tait par pusillanimité. C’est qu’il est des choses à ne pas dire dans cette dictature pédagogique qui s’est établie en France des années 1970 aux années 2000.
Et que dit Brighelli ? « Pour mettre à genoux ce qui fut l’un des meilleurs systèmes éducatifs du monde, il a fallu une singulière conjuration de volontés perverses et de bonnes intentions imbéciles. On ne détruit pas sans effort, en une vingtaine d’années, ce que la République a mis un siècle à édifier. » Qui dénonce-t-il ? Les néo-libertaires et les néo-libéraux qui ont fait une curieuse alliance pour démolir l’École française. Et ils ne sont pas les seuls quand on observe « la pression conjointe des babas, des bobos, des psychos, des tenants de l’épanouissement personnel, des cathos compassionnels, du SGEN-CFDT, des syndicats (?) lycéens, et d’associations de parents d’élèves fantoches, plus soucieuses du confort de leur progéniture que de la qualité des enseignements délivrés… »
Les néo-pédagogues ne sont pas en reste. Eux qui ont mis en place les sciences de l’Éducation, conçues comme des machines de guerre contre tout bon sens pédagogique. L’auteur s’en prend particulièrement aux didacticiens dont il résume en une phrase la “science” : « Qu’est-ce que la didactique ? C’est l’art d’apprendre à apprendre ce que l’on ne sait pas. » Dans un tel contexte, les enseignants soucieux de continuer à faire un travail de qualité se sont vus contraints de passer dans la clandestinité. « Les professeurs des écoles compétents ne doivent leur compétence qu’à leur valeur propre, et à l’art de la ruse, qui leur a permis de survivre en milieu hostile, parmi les didacticiens de toutes farines qui imposent leurs vues sur la pédagogie, en s’efforçant de faire croire qu’il s’agit d’une science, quand il s’agit d’un art. » Tout cela pour parvenir à quel but ? « Dans l’idéal, l’école sera elle-même l’un de ces supermarchés du rien, où “l’apprenant” viendra faire le plein de vide. »
Voilà donc dénoncée avec talent et vigueur la politique suivie en France depuis les années 70 pour l’Éducation nationale, aussi bien par les ministres de gauche que ceux de droite, dans un bel unanimisme destructeur. Du moins pour les enfants des autres, pas pour les leurs : « Curieusement, les écoles et les lycées d’élite ne sont pas concernés par ce fatras pédagogique. Ni, à vrai dire, par les réformes successives des programmes. On y étudie à l’ancienne, avec des résultats… à l’ancienne. » Et l’on apprend, au détour d’une page, que les deux fils de Bourdieu sont devenus des “héritiers”, l’un sociologue et l’autre philosophe !
Il s’agit là d’un vrai scandale et l'auteur pose alors la seule question qui vaille : « Quelle école allons-nous laisser derrière nous ? »
Les instituteurs et les professeurs ont encore leur mot à dire, s’ils veulent bien se mobiliser pour défendre leur métier et revenir à un enseignement de qualité. Je leur laisse méditer cette phrase si vraie : « Chaque renoncement d’un enseignant est une victoire de la Bêtise. »
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La fabrique du crétin – La mort programmée de l'école
Jean-Paul BRIGHELLI
Jean-Claude Gawsewitch, Paris, 07/2005, 221 p.
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