Source : Le Figaro, 24.04.2023
L'effondrement du système éducatif contribue à expliquer le vertigineux décrochage de la France. La crise est devenue systémique. Elle se traduit en premier lieu par la chute des performances. La France ne cesse de reculer dans le classement Pisa, passant depuis 2000 des 15e et 11e rangs aux 23e et 25e en lecture et en mathématiques : plus de 40 % des collégiens de sixième ne maîtrisent ni la lecture, ni l'écriture, ni le calcul. Elle touche aussi les enseignants, avec, d'un côté, la progression des démissions et la pénurie des recrutements, et, de l'autre, l'écroulement de leur niveau. Elle comporte une dimension sociétale, avec la montée des inégalités, mais aussi l'explosion de la violence dans les établissements scolaires, qu'il s'agisse de rixes entre élèves, de harcèlement ou d'agressions contre les professeurs, avec pour dernière illustration le meurtre d'une enseignante d'espagnol à Saint-Jean-de-Luz. Elle se transforme en faillite intellectuelle et morale avec la remise en cause des valeurs de la République.
Le
naufrage éducatif français ne trouve pas son origine dans le manque de moyens,
puisque le budget s'élève à 60,2 milliards d'euros pour 12 millions d'écoliers
et lycéens. Au total, la France consacre 5,2 % de son PIB à l'enseignement
scolaire, ce qui est au-dessus de la moyenne de l'OCDE (4,9 %). Les raisons
sont à chercher dans une centralisation paralysante et l'absence d'autonomie
des établissements, dans la rigidité du statut des enseignants, l'insuffisance
de leur formation et le décrochage de leur rémunération (- 28 % en termes réels
de 1982 à 2018), dans la diminution drastique des heures d'enseignements
fondamentaux, dans la rupture avec la transmission des connaissances et
l'éthique du travail au profit de l'empathie envers les élèves et de la
satisfaction des familles dans une logique consumériste.
Emmanuel
Macron a donné un formidable coup d'accélérateur à la déconstruction de
l'Éducation nationale en actant la substitution de l'objectif de la mixité
sociale à la transmission des connaissances et en euthanasiant le mérite pour
le remplacer par les algorithmes. Le dédoublement des classes en CP dans les
zones prioritaires et la relance de l'apprentissage ont permis des progrès dans
l'apprentissage de la lecture et dans la lutte contre le chômage des jeunes.
Mais leurs effets ont été annihilés par la désastreuse réforme du lycée qui a
fait éclater les classes et a détruit l'enseignement des mathématiques et des
sciences ainsi que par la liquidation des filières et des établissements
d'excellence.
Pap
Ndiaye a été nommé pour donner le coup de grâce à l'école républicaine, ce dont
il s'acquitte avec une remarquable efficacité. Alors que dans le monde entier,
le succès de l'enseignement est fondé sur des établissements autonomes
disposant d'un projet et d'une capacité à choisir leurs enseignants et leurs
élèves, ce sont les algorithmes qui décident de tout dans notre pays. Ceci
permet d'imposer en toute opacité et avec une fausse objectivité la
discrimination positive et de supprimer toute prise en compte du travail et des
résultats des élèves. Face à l'effondrement du secteur public, le choix est
assumé non de le redresser mais d'étendre aux établissements privés les
recettes de sa faillite. Comble du cynisme, le Conseil des sages de la laïcité,
organisme indépendant qui veillait à la sauvegarde des principes républicains
et soutenait les communautés éducatives, est dévoyé pour être transformé en un
instrument de communication du ministre au service de la diffusion du wokisme
et de la lutte contre le « racisme systémique ». Le tout est acheté par une
revalorisation du salaire des enseignants qui va mobiliser 5 milliards d'euros
par an sans aucun effet sur la qualité de l'enseignement.
Le
résultat de cette politique est connu. L'effondrement généralisé des établissements
publics et privés sous contrat se traduira par l'essor du privé hors contrat et
des études à l'étranger, accessibles aux seuls enfants des familles les plus
favorisées - clivage qui va devenir déterminant dans la jeunesse et la
population et qui fera définitivement éclater la nation. Le plus grand nombre
sera voué à l'ignorance, à l'inculture et à la déqualification tout en accédant
à des diplômes réduits à des chiffons de papier. Avec pour conséquences des
emplois déqualifiés, l'accumulation d'un formidable ressentiment social nourri
par ce grand mensonge éducatif, la flambée des populismes.
La
déconstruction de l'Éducation nationale est en tout point comparable à la
décomposition de notre système de santé, où l'objectif du reste à charge zéro a
tué l'accès aux soins et leur qualité. Il n'existe pas de solution à la crise
démocratique sans remise en marche de l'éducation. Et il n'existe pas de
solution à la crise de l'éducation sans sa reconstruction autour de la
transmission des connaissances, de la reconnaissance du travail – pour les
élèves comme pour les enseignants –, du respect des valeurs universelles de la
République.
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