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lundi 22 novembre 2021

« L'élève doit-il apprendre par lui-même ou doit-il être instruit ? »

 Le Figaro Vox


Par Matthieu Lahaye, spécialiste des questions de l'enseignement

 

Alors que sont publiés cette semaine les résultats aux évaluations nationales, Matthieu Layahe analyse deux visions pédagogiques qui s'affrontent en France. En opposition aux méthodes de la découverte, il défend le savoir-faire de l'enseignant.

 

Cet été, l'opinion publique australienne s'est passionnée pour la pédagogie, en l'occurrence pour le débat qui oppose les partisans de la pédagogie par investigation et ceux de la pédagogie explicite, encore appelée pédagogie systématique. Dans un article scientifique repris par la presse nationale, John Sweller, professeur émérite en psychologie, établit un lien très étroit entre la baisse continue des résultats des élèves australiens aux évaluations internationales et l'introduction des pédagogies de la découverte depuis une trentaine d'années. Ce débat résonne en France, pays confronté à un niveau problématique de la performance de ses élèves et où les pédagogies par investigation sont encore très courantes.

Élaborées dans les années 60, ces pédagogies reposent à la fois sur un constat pertinent, les humains sont les seuls animaux capables de résoudre des problèmes complexes et une conclusion pédagogique discutable : apprendre consiste à confronter les jeunes élèves à des problèmes compliqués et à tâtons, avec l'aide du professeur, à les laisser découvrir une méthode pour les résoudre. Si d'innombrables études ont montré que l'efficacité des méthodes pédagogiques dépend de l'objectif d'apprentissage et du niveau de maîtrise des élèves, il est désormais clairement établi que pour apprendre une notion nouvelle, particulièrement pour les jeunes élèves et ceux issus des milieux socialement les plus défavorisés, les méthodes explicites sont les plus pertinentes.

À la différence de l'enseignement de la découverte (l'élève découvre et il fait), l'enseignement explicite repose sur une démarche contrôlée par le professeur (le professeur montre et l'élève fait). Conçu par des praticiens au cours des années 1980 à partir des découvertes de psychologie cognitive et perfectionné grâce à des « données probantes », il se déploie en trois temps modulables en fonction des besoins des élèves : d'abord l'explication par le professeur de la notion divisée en autant de notions simples avec le souci constant de lever tous les implicites, ensuite des interactions nombreuses entre le professeur et les élèves, entre les élèves grâce à des exercices guidés qui permettent de vérifier la bonne compréhension de la notion étudiée et enfin une phase de consolidation à la faveur d'un travail en autonomie, des devoirs et des évaluations. L'objectif est d'automatiser la maîtrise des compétences de base pour permettre à l'élève de consacrer toute son attention à des tâches plus complexes.

En France, ces pédagogies de la découverte, qui ont un intérêt pour développer le sens de l'investigation chez les élèves aux connaissances déjà solides, sont encore utilisées sous des formes diverses pour des apprentissages fondamentaux. Grâce à la clarification commencée par le ministère de l'Éducation nationale depuis quatre ans sur l'enseignement de la lecture, des mathématiques, notamment la résolution de problème, elles refluent peu à peu, mais trop lentement.

Considérons seulement que la résolution de problèmes n'était plus systématiquement enseignée à l'école primaire au motif que l'élève, pour apprendre, devait chercher laissant ainsi les élèves se débrouiller avec la complexité d'énoncés à jamais impénétrables pour les élèves les plus fragiles. Les conséquences sont connues : une école qui a dû mal à lutter contre les inégalités scolaires, la scandaleuse dernière place des élèves français en résolution de problème à l'évaluation Timss, le faible niveau en mathématiques de la population active et sa désastreuse conséquence sur le taux d'emploi et la compétitivité du pays.

En matière d'éducation, il est facile d'agiter de grandes idées qui sont souvent des slogans creux. Agir réellement, comme le font les professeurs chaque jour dans les classes, nécessite une expertise fine qui ne s'acquiert pas en claquant des doigts.

La pédagogie explicite recentre l'école sur l'essentiel : le savoir-faire du professeur. S'il est démontré depuis les années 1960 que l'origine sociale pèse sur les résultats des élèves, de très grandes études américaines, menées à partir des années 1990, prouvent que l'action du professeur a une influence plus importante que la sociologie sur les performances scolaires dès lors que la méthode utilisée est efficace. La pédagogie n'est ni un syncrétisme ni un occultisme. C'est pourquoi la création d'un conseil scientifique de l'éducation nationale en 2017 a été si importante pour débarrasser nos débats pédagogiques des ombres de la subjectivité et les renforcer à la lumière de la science.

En matière d'éducation, il est facile d'agiter de grandes idées qui sont souvent des slogans creux. Agir réellement, comme le font les professeurs chaque jour dans les classes, nécessite une expertise fine qui ne s'acquiert pas en claquant des doigts. La dynamique enclenchée, qui a su mieux faire réussir les élèves des autres pays, peut en moins de dix ans d'action résolue hisser notre école au niveau des systèmes éducatifs les plus performants, nous permettant ainsi de rester une grande nation culturelle, une puissance économique de premier plan et d'honorer la promesse républicaine d'égalité.

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