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jeudi 15 août 2019

Les conceptions pédagogiques des enseignants du Primaire




Le numéro d’Éducation et Formations de novembre 2018 contient un article révélateur de Jacques Crinon et de Georges Ferone, intitulé “Savoirs et conceptions professionnelles des enseignants” (pp 39-50).

« Au travers d’une enquête menée auprès d’une centaine d’enseignants de l’école primaire en France, nous explorons les conceptions sur les manières contemporaines de faire la classe. »

De cette enquête, les chercheurs ont tiré les conceptions les plus consensuelles, celles qui sont dominantes.

Ainsi :

« Le savoir est à faire émerger des réponses des élèves : l’accent est mis fortement sur l’activité de l’ensemble de la classe, le dernier mot laissé aux élèves, la réticence à donner trop vite le savoir pour privilégier les démarches de recherche, et même à communiquer des savoirs qui apporteraient les clés d’une recherche collective.  L’enseignant reporte à plus tard la leçon, plutôt que d’apporter directement le savoir. À l’inverse, les items qui donnent à l’enseignant un rôle de dispensateur de savoirs ou un rôle modélisant sont très peu choisis. L’enseignant n’enseigne pas directement, mais favorise un apprentissage des élèves passant par leur propre activité de recherche collective, tâtonnante, impliquant dans certaines disciplines la manipulation et dont il importerait de ne pas interrompre le tâtonnement en apportant des informations. »

« Il s’agit bien ici de faire participer, parler, argumenter le maximum d’élèves, de les rendre actifs et de s’appuyer sur leurs représentations et leurs réponses pour introduire les savoirs. »

Cela me rappelle mes formateurs de l’école normale d’instituteurs, à la fin des années 1970, qui, chronomètre en main, comparaient les temps de parole du maître et celui des élèves. Et gare à l’élève-maître qui parlaient plus que les élèves !

Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, voici la conclusion de l’étude :

« Pour les enseignants interrogés, le savoir doit émerger des réponses des élèves, en particulier grâce à des discussions collectives faisant participer le plus grand nombre d’élèves. Ils soulignent également les bienfaits de la différenciation. Ces résultats sont en cohérence avec de précédentes recherches et peuvent étayer l’existence d’un corpus de conceptions communes sur la manière de faire la classe aujourd’hui, assez différentes de la pédagogie transmissive d’antan. Rayou (2000) montre ainsi comment historiquement le concept de l’enfant au “centre” s’est imposé à l’école ainsi que dans les familles, favorisant un modèle éducatif basé sur l’expression de l’enfant. Daguzon et Goigoux (2007) relèvent chez les jeunes enseignants une grande homogénéité́ des conceptions basées sur un modèle pédagogique d’inspiration socioconstructiviste organisé selon trois   principes interdépendants : les élèves doivent être actifs, ils doivent être motivés et doivent prendre la parole. »

Cela fait une cinquantaine d’années que les formateurs, les experts, les conseillers pédagogiques, les inspecteurs, les syndicats majoritaires disent aux instituteurs d’enseigner de cette façon. Toutes ces croyances socioconstructivistes, qui ne reposent sur aucune donnée probante, sont devenues au fil du temps des certitudes stratifiées, pratiquement impossibles à déliter. C’est la raison principale de l’échec durable de notre École : quand les enseignants s’y prennent de travers, il ne faut pas s’étonner des résultats obtenus. Et ces enseignants n’y sont pour rien : on leur a dit de faire comme cela et ils le font. Le malheur, c’est que la plupart sont maintenant convaincus de bien faire…



Voir aussi Convictions et pratiques pédagogiques (TALIS, 2015)


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