Apprentissage de la
citoyenneté dans l’école française
Un engagement fort dans
les instructions officielles, une réalité de terrain en décalage
CNESCO
13.01.2015
Le CNESCO nous propose un document qui commence par un communiqué de presse
faisant explicitement référence aux tragiques événements que la France a connus
en ce début d’année 2015. « Après le
temps de la mobilisation pour défendre la liberté d’expression en France suite
aux tragiques attentats de la semaine dernière, doit venir le temps de
l’introspection sur une société française capable de générer en son sein, sur
son territoire, par des jeunes grandis dans ses écoles, de telles atrocités. » En effet, cette introspection s’impose à tous les éducateurs, et aux enseignants tout particulièrement.
Si l’École ne peut être raisonnablement tenue pour responsable en tant qu’institution, je suis convaincu que les pédagogies
délétères mises en œuvre depuis une quarantaine d’années le sont
singulièrement. Les démarches de découverte s’avèrent tout à fait
inappropriées dans les quartiers sensibles, pour des élèves très tôt en
difficulté. Élèves qui ne font que s’enfoncer avec la suppression du
redoublement et le passage automatique d’un niveau à l’autre, sans le moindre
dispositif efficace pour leur venir en aide. C’est ainsi que l’on peut constater, depuis des
années, des situations d’échec scolaire massif pour toute une partie défavorisée de la
population, la plupart du temps d’origine immigrée. Cela a pour conséquence un taux de chômage bien supérieur aux moyennes nationales. Et, bien plus grave, un
manque total de culture et de connaissance qui pourrait faire échec aux tentatives
d’endoctrinement menées par des fanatiques religieux hostiles à nos valeurs.
Dans le document du CNESCO, le communiqué de presse
initial introduit une étude de quelques pages intitulée « Apprentissage de la citoyenneté dans l’école
française : Un engagement fort dans les instructions officielles, une
réalité de terrain en décalage ».
Le constat de départ est satisfaisant : « Globalement,
théoriquement, le modèle d’éducation à la citoyenneté français présente toutes
les apparences d’un modèle pédagogique solide et bien articulé entre diffusion
de connaissances et compétences autour de la citoyenneté et mise en action des
élèves visant à leur faire acquérir attitudes et comportements citoyens au
travers d’actions concrètes dans lesquelles ils s’engagent. De ce modèle d’apprentissage de la citoyenneté fort complet, il résulte
que, toujours légalement donc théoriquement, la France se place en tête des
pays européens par son investissement éducatif en matière d’éducation civique. » Mais, en France, on se contente plus d'apparence que de réalité, et depuis longtemps.
Sur le long terme, le constat est en effet mitigé. « Plus généralement, nous devons interroger l’image que nous avons
fabriquée de la continuité d’une instruction civique en France solide et
centrale. Si ses prémisses fondatrices remontent au XIXe siècle et
au fondement de la IIIe République qui fit de l’école le lieu
privilégié de formation du citoyen, l’apprentissage de la citoyenneté est
marqué par des absences ou des allégements notables à certaines périodes,
notamment dans les années 1970 et début 1980, retrait de cet enseignement qui a
marqué les trajectoires scolaires de générations aujourd’hui adultes. »
Après mai 1968, on a laissé tomber la morale – forcément bourgeoise – et l’instruction
civique – trop liée à l’État capitaliste. C'est – bien que ce soit cruel de le rappeler dans les circonstances que nous vivons – le triomphe de l'esprit Charlie Hebdo, des anars sympas n'ayant ni Dieu ni maître. C'est l'époque des babas cool qui vivent en communauté et élèvent des chèvres en Ardèche. Hélas, depuis, les temps ont bien changé...
« Ainsi, si l’école primaire connait entre 1882 et 1969 une “éducation morale” laïque et une “instruction civique”, à partir de cette date, l’éducation morale disparaît presque totalement de l’école primaire tandis que l’enseignement de l’éducation civique devenait plus aléatoire à partir du milieu des années 1970 pour ne revenir en force qu’en 1985. » C’est-à-dire quand Jean-Pierre Chevènement, devenu ministre de l’Éducation nationale, a remis au goût du jour l’École de la République et ses valeurs qu'on croyait perdues.
« Ainsi, si l’école primaire connait entre 1882 et 1969 une “éducation morale” laïque et une “instruction civique”, à partir de cette date, l’éducation morale disparaît presque totalement de l’école primaire tandis que l’enseignement de l’éducation civique devenait plus aléatoire à partir du milieu des années 1970 pour ne revenir en force qu’en 1985. » C’est-à-dire quand Jean-Pierre Chevènement, devenu ministre de l’Éducation nationale, a remis au goût du jour l’École de la République et ses valeurs qu'on croyait perdues.
On pourra ensuite gloser
sur la manière de faire passer cette éducation morale et civique. Sans surprise, le CNESCO est favorable à un apprentissage “actif”. Suivant l'évangile de Freinet, il
faudrait établir des soviets d'élèves dans les écoles et les lycées, organiser des
débats citoyens, faire du quoi de neuf et de la philosophie de bistrot… Oui, bof ! Cela se fait depuis des années, avec les résultats minables qu’on connaît. Les enfants d'aujourd'hui ne sont plus ceux de Freinet dans les années 1920. Autre temps, autres mœurs.
Après chaque événement
dramatique, le réflexe habituel des ministres en charge de l'Éducation nationale consiste à augmenter la doses de moraline et
de bien-pensance à l’école. Mais on sait très bien que ce bourrage de crâne finit par avoir des effets inverses à ceux attendus. Je pense, par exemple, à ces collégiens qu’on envoie à
grands frais visiter Auschwitz… et qui jouent aux boules de neige devant les
fours crématoires, en se fichant ostensiblement des victimes de la Shoah.
D’autant plus – le
CNESCO le reconnaît lui-même – qu’« à ce
jour, en France, à l’exception de certains travaux des inspections générales,
les évaluations des dispositifs d’apprentissage de la citoyenneté sont
demeurées rares, la recherche est exploratoire comparativement à d’autres pays,
notamment anglo-saxons qui ont davantage ausculté le lien apprentissage de la
citoyenneté et socialisation citoyenne. » Toutes les idées
pédagogiques géniales inspirées par le constructivisme ont, en France, cette curieuse
particularité de n’être jamais évaluées ! Du coup, on continue mordicus à
les proposer en formation, à les défendre dans les médias, à les promouvoir dans des pseudo-recherches, à les financer avec de généreuses subventions, etc. On ne voit ainsi jamais le bout du tunnel éducatif dans lequel la France s'est engagée dans les années 1970.
En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’on
forme les citoyens éclairés indispensables à toute démocratie par l’acquisition tangible de connaissances qui créent l'arrière-plan d'une
culture générale solide. Et cette acquisition, si elle se veut efficace, ne peut se faire que par la Pédagogie
Explicite.
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