Le point de départ de ce livre,
paru en février 2003, est l’élection présidentielle du 21 avril 2002 et la
façon dont Lionel Jospin, premier ministre sortant de la cohabitation, s’est fait éliminer
dès le premier tour. Le candidat du Parti socialiste a obtenu 22 % des votes
enseignants (contre 31 % pour le PS aux élections européennes de 1999, 46 % pour
la gauche plurielle aux législatives de 1997). Il était donc légitime qu’Emmanuel
Davidenkoff cherche une explication à cette érosion indiscutable, et c’est ce qu’il a fait
dans ce livre écrit d’une plume alerte et dont la lecture est agréable.
Extrait :
« Toutes les enquêtes sur l’image de l’école et des enseignants le confirment depuis des années : la France a massivement confiance dans l’institution scolaire et dans ceux qui la font vivre. Le pacte fondateur de la République, qui lie les Français à leur école, n'est donc pas rompu.
Pas encore rompu ? C'est la crainte qui hante et structure ce livre. Car la plupart des indicateurs qui étaient dans le rouge il y a vingt ans le sont toujours, comme si la gauche, au mieux, n'avait fait que retarder l'inéluctable déclin du projet né des Lumières d'une école qui serait à la fois le produit et la matrice d'une société plus juste. Ce livre explore ceux qui m'ont paru les plus névralgiques pour jauger l'action de la gauche depuis vingt ans. Posons-les d'ores et déjà, dans l'ordre dans lequel cet ouvrage les aborde.
La méritocratie semble en panne alors que son honnête fonctionnement est la condition sine qua non sans laquelle la survivance d'un double système d'enseignement supérieur – universités et grandes écoles – n'est rien d'autre qu'une machine à reproduire voire à accentuer les privilèges de la naissance qu'elle prétendait combattre. Les réponses offertes aux plus modestes et aux défavorisés n'ont pas empêché leur confinement dans des filières qu'on a laissées se ghettoïser. Nombre d'enseignants, dont les conditions de vie n'ont rien de catastrophique au regard de celles de la population active, se disent et se vivent démunis et oubliés. L'administration n'a que les appels à la “bonne volonté” à se mettre sous la dent pour avancer, faute de récompenses symboliques ou matérielles significatives. Le débat public paraît en panne quand il ne se résume pas à des échanges d'anathèmes ou d'invectives qui, plus sûrement encore que les erreurs passées, font le lit des extrémismes. À force d'empiler les missions, l'école ne sait plus dire, simplement, quelle est sa mission. Les savoirs enseignés, que ce soit en termes de découpage ou de méthodes, n'intègrent qu'au compte-gouttes les apports de la recherche, dans toutes les disciplines. Le service public a ouvert insidieusement puis explicitement de larges pans à la privatisation de l'école. »
Excellent constat… toujours
pertinent une dizaine d’années plus tard.
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Emmanuel DAVIDENKOFF
Hachette Littérature, 335 p
02/2003
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