Entretien avec Bruno Suchaut
Source : vousnousils

Dans une étude récente, vous dites que les élèves de CP n'ont que 7 minutes par jour
pour apprendre à lire : quel est le problème ?
L'étude a été réalisée dans le cadre d'un stage d'été pour
les élèves en difficulté et ciblé sur la conscience phonologique,
c'est-à-dire la capacité que peut avoir un enfant à percevoir et à manipuler
des unités sonores de la langue, telles que les syllabes et les phonèmes. À
cette occasion, nous avons pu mesurer précisément le temps d'engagement
nécessaire pour que ces élèves de grande section de maternelle apprennent à
lire. Il ressort que, dans les conditions ordinaires de la classe, les
élèves les plus faibles ne disposent que de 7 minutes par jour, soit une vingtaine
d'heures par an, pour apprendre la lecture. C'est trop peu ! Au fil des dernières
décennies, le temps scolaire consacré aux disciplines fondamentales a chuté
: il y a aujourd'hui plus de disciplines et d'intervenants qu'auparavant. Le
temps disponible pour chaque activité est moins important. Dans l'idéal,
pour que les élèves fragiles apprennent à lire au CP, il faudrait au moins 1h
par jour de travail en petits groupes, de 4 ou 5 élèves, tout au long de
l'année.
La réforme des
rythmes scolaires a-t-elle eu un impact sur l'apprentissage de la
lecture ?
Non, ce n'est pas flagrant. Le volume d'heures
d'enseignement par semaine reste d'ailleurs inchangé. Plus que la durée de la
journée d'école, c'est la qualité du temps d'enseignement qui importe. Le problème,
c'est que beaucoup de temps n'est pas utilisé pour les apprentissages. Les
élèves les plus faibles, souvent issus de milieux défavorisés, ont besoin
d'être davantage stimulés par rapport à d'autres qui arrivent au CP en
ayant déjà acquis la conscience phonologique et les principes du code
alphabétique.
L'école joue-t-elle
encore son rôle d'ascenseur social ?
Quand on voit que 15 % des élèves arrivent au collège avec
de sérieuses difficultés scolaires, c'est bien que l'école a du mal à combler
les inégalités. Tout n'est pas forcément de son ressort, mais on
constate que l'école a des difficultés à apporter une réponse efficace
pour lutter contre l'échec scolaire.
Que proposez-vous
pour inverser la tendance ?
La recherche montre bien qu'il faut agir tôt, dès l'école
maternelle et le début de l'école élémentaire, pour apporter une aide efficace
aux élèves. Il manque du temps d'apprentissage individualisé pour les élèves
les plus faibles. Il s'agit d'une question de choix politiques. On pourrait
par exemple réduire fortement la taille des classes dans les zones défavorisées.
Cela ne coûterait pas plus cher que le dispositif “Plus de maîtres que de
classes” et ce serait sans doute plus efficace. À la décharge du gouvernement,
dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, si les enseignants avaient
accepté de rester plus longtemps à l'école, avec notamment une pause plus
longue le midi, une meilleure articulation entre temps scolaire et périscolaire
aurait sans doute été possible. Mais avec quelle contrepartie ? Bien sûr,
l'une des clés de la réussite repose sur l'organisation de la classe en petits
groupes. Ce n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui.
Propos recueillis par Charles Centofanti
Je suis d'accord avec ces propos. Malheureusement, il manque des propositions.
RépondreSupprimerQuand un élève écrit très mal et trés lentement comment faire ?
J'ai le cas d'un élève de CM1 avec une mauvaise calligraphie après 4 mois d'APC, je ne vois pas les résultats.
Pareillement pour faire lire les élèves en petits groupes, l'autonomie ne fonctionne que trés peu en classe. Il faut vraiment des bons élèves.
Merci pour ces remarques. Je suis d’accord avec vous : il est parfois ardu de mettre en pratique les bonnes idées théoriques.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne votre exemple d’élève de CM1 et son écriture, j’ai constaté aussi la même chose au cours de ma carrière. Car il est très difficile de déconstruire les mauvaises habitudes, bien plus que d’en construire de bonnes. Ainsi, lorsqu’un élève a acquis un mauvais geste pour écrire, il y reviendra même s’il fait un effort à un moment donné pour suivre un modèle correct (dans le cadre d’un soutien). C’est pour cela que l’enseignement doit être de qualité à chaque niveau du cursus primaire. Il est impératif de corriger tout de suite les erreurs afin qu’elles ne cristallisent pas. Pour cet exemple particulier que vous évoquez, les collègues de Maternelle auraient dû accorder une attention toute particulière aux bons gestes d’écriture. Peut-être faudrait-il les alerter lors d’un Conseil des maîtres...
Pour ce qui est du travail en petit groupe, il faut consacrer du temps en début d’année à montrer de manière très explicite les bonnes habitudes de travail. Pour cela, l’enseignant doit déterminer très précisément ce qu’il attend de ses élèves, tant du point de vue du comportement souhaité que des objectifs à atteindre par ce type d’activité. L’enseignement explicite recommande le travail en groupe pour la pratique guidée. Mais mon expérience personnelle m’a montré que cela peut se faire de manière acceptable en dyade ou en triade. Mais pas plus, considérant l’exiguïté habituelle de nos classes.
Quelques vidéos d’Anita Archer peuvent aider à se faire une idée sur ce point précis. Voir cette rubrique.
Cordialement.