Auteur : Annie Feyfant
Veille et analyse - IFÉ, Dossier d'actualité n° 85
06.2013
En Enseignement Explicite, le contenu des programmes est
important et s’intègre dans un alignement curriculaire. En effet, le programme
à enseigner, la pédagogie mise en œuvre et l’évaluation des apprentissages
réalisés par les élèves doivent être en cohérence pour gagner en efficacité. L’auteur
de cette étude l’évoque dans sa conclusion : « La cohérence d’un curriculum (…) repose sur les contenus mais aussi sur
les méthodes d’enseignement, la pédagogie, les supports et les modalités
d’évaluation des apprentissages, la qualité des enseignants, l’enchaînement des
contenus, leur hiérarchisation selon l’âge des élèves. »
Nous n’en sommes hélas pas encore à ce niveau d’intégration favorable
à l’enseignement explicite en France. Depuis une quarantaine d’années, les
programmes officiels pour le Primaire sont dictés par le courant
constructiviste, même ceux de 2008 qui recommandaient La Main à la pâte pour un enseignement des sciences par la
découverte. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on constate un allègement
permanent de ces programmes d’une parution sur l’autre : la pratique
constructiviste étant incapable d’atteindre les objectifs fixés, on réduit ces
derniers. Pourtant, les enfants d’aujourd’hui n’étant pas plus bêtes que ceux d’hier,
il suffirait d’abandonner les démarches pédagogiques qui ne fonctionnent pas
pour adopter celles que les données probantes désignent comme efficaces.
Heureusement, il nous reste la liberté pédagogique : « En France, les programmes de cours sont
traditionnellement très centralisés, avec peu de marge d’initiative à l’échelon
local, mais avec une autonomie pédagogique laissée aux enseignants pour
décliner les programmes dans la classe et choisir leurs ressources (manuels par
exemple) et méthodes. » [souligné par moi].
Comment s’élaborent les programmes ?
« En France, jusqu’en 1989, la conception des
programmes appartenait uniquement à l’inspection
générale. À partir de cette date, c’est au Conseil national des programmes (CNP) qu’il échoie de formuler des
propositions sur le contenu du socle et des programmes. Les membres du CNP
travaillent en groupes disciplinaires présidés par un universitaire et
comportant des universitaires, des inspecteurs généraux et territoriaux et des
enseignants. (…) Mais la rédaction des programmes n’incombent pas au CNP, ce
sont des groupes disciplinaires, constitués par la DESCO (direction de l’enseignement
scolaire) et composés d’inspecteurs (IGEN, IPR, IEN) et d’enseignants de
terrain qui rédigent les projets de programmes. En 2005, le CNP fait place à
une autre entité consultative, le Haut
conseil de l’éducation (HCE) qui a une mission “d’émettre des avis et de formuler des propositions sur la pédagogie, les
programmes, l’organisation, les résultats du système éducatif et la formation des
enseignants”. La Loi d’orientation de 2013 prévoit la création d’un Conseil supérieur des programmes qui
aura pour mission de formuler des propositions sur la conception des
enseignements dispensés au primaire et au secondaire ; sur le contenu du socle
commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes
scolaires et leur articulation en cycles. »
Après un passage à vide d’une dizaine d’années, les partisans
du constructivisme pédagogique connaissent une embellie avec le ministre
Peillon. Malgré la contestation dont ils furent l’objet dans les années 2000, leur
lobby a su toutefois se maintenir aux postes clés et aux prébendes, gardant en
définitive la haute main sur toute la structure éducative française. Et
notamment sur les secteurs stratégiques de la formation des enseignants et de
la hiérarchie intermédiaire.
De ce fait, le choix des membres du Conseil supérieur des
programmes qui doit être mis en place en septembre 2013 sera révélateur des
options pédagogiques ayant les faveurs du ministère. Je crois qu’on peut sans
risque prendre dès maintenant les paris…