Source : L'Express
Entretien avec Clément de Chaisemartin, chercheur à l'École d'Économie de Paris.
Le gouvernement
prévoit d'attribuer 7000 nouveaux postes pour « renforcer l'encadrement pédagogique dans les zones difficiles »,
selon le principe du “plus de maîtres que de classes”. Est-ce un bon choix ?
Aujourd'hui, aucune étude ne laisse penser qu'il aura des
effets. L'étude STAR, menée aux États-Unis, a par exemple comparé les résultats scolaires
des élèves dans des classes avec un professeur et un assistant à temps plein à
ceux d'élèves dans des classes sans assistant, et n'a trouvé aucune différence.
Je ne veux pas faire de procès d'intention au ministère, mais on peut
s'interroger : qu'est-ce qui amène le gouvernement à privilégier une méthode qui
n'a pas fait ses preuves ? Il faudrait au moins l'évaluer en la testant avant
de l'utiliser à grande échelle.
Quelle alternative
préconisez-vous ?
Toujours dans l'étude STAR, les chercheurs ont observé un
troisième groupe avec un seul enseignant dans la classe mais moins d'élèves
(entre 13 et 17 au lieu de 22 à 25). Ce groupe a eu de bien meilleurs résultats
que les deux autres. Dès lors, pourquoi ne pas essayer de réduire la taille des
classes plutôt que de mettre en place un système du type “deux maîtres par
classe” ?
Mais là, 7000 postes
ne suffisent plus...
Si l'on veut le faire sur tous les niveaux, oui. Mais on
pourrait diviser par deux les effectifs de chacune des 3500 classes de CP du
réseau ECLAIR, qui sont les plus défavorisées. Pour cela, 3500 postes
suffiraient.
Pourquoi choisir le
CP plus qu'un autre niveau ?
Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire ont réalisé une autre étude sur l'impact de la taille des classes. On peut en retenir que
plus ce type d'intervention intervient tôt dans la scolarité, plus il est
efficace... tout en ayant des effets sur le long terme.
Si l'impact de la
diminution du nombre d'élèves par classe est aussi évident, comment expliquer
qu'il soit aussi peu reconnu ?
Jusqu'au milieu des années 1990, et ce même dans la
recherche, le consensus était en effet de dire que les classes plus petites
n'amènent pas de meilleurs résultats. Ce qui s'explique en partie par des
études pas toujours rigoureuses voire biaisées. Dans l'étude STAR, sur laquelle
je m'appuie, les groupes d'élèves et leurs professeurs ont été tirés au sort au
sein des établissements. A l'inverse, des travaux n'ont pas abouti à des
conclusions fiables car ils n'utilisaient pas cette méthodologie.
C'est le cas de l'étude Ferry de 2002, qui concluait sur l'absence d'effet de la diminution de
la taille des classes : les groupes étudiés n'ont pas été constitué de manière
aléatoire. Or, on envoie plus naturellement les élèves les plus faibles dans
les petites classes et, de même, on a plus tendance à les confier à des
professeurs moins expérimentés. Deux chercheurs, Laurent Lima et Pascal
Bressoux, l'ont “débiaisé” et en ont déduit des conclusions inverses.
Propos recueillis par Adrien Sénécat
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